Bipolarité et l'ennui

@Tibanem 

Oui, je suis d'accord avec toi.

Je vais vous faire une confidence, à tous, est-ce encore une confidence ? (rires)

Je suis une grande brûlée: j'ai eu un accident domestique,il y a cinq ans, qui a meurtri mon corps et atteint mon si beau visage.

Après des semaines de coma,je ne sais combien d'opérations, on m'a présenté un miroir juste avant de sortir du centre pour grands brûles. J'étais défigurée, il n'y avait pas à tergiverser, à minimiser, à dédramatisée, non, j'étais purement et simplement défigurée. Qu'ai-je dit au médecin qui m'accompagnait dans ce moment de renaissance? J' accepte ce nouveau visage, ce nouveau corps, toute ma vie j'ai enseigné l'amour d'autrui -pas la tolérance, pas l'acceptation- non l'amour, la compréhension, le respect et cette épreuve me prouve que j'ai été sincère toute ma vie. Je m'accepte aussi parce que je suis forte.

Pendant un an, j'ai été hospitalisée dans un centre de rééducation: pas une angoisse. Puis deux ans de répit, exonérée de toute contrainte parce que j'étais en convalescence, parce que mon corps me faisait terriblement souffrir.

Aujourd'hui j'ai toujours beaucoup de soins de rééducation, des opérations chirurgicales et je suis revenue dans le monde "normal", celui du travail, mon visage retrouve ses traits, les cicatrices s'estompent, les douleurs sont supportables mais plus la brûlure s'éteint, plus le brouillard m'envahit.

Etre une grande brûlée m'a fait bénéficier d'incroyables "bénéfices secondaires" même si j'y ai laissé la peau, je sais que l'on a de la compassion, voire de la pitié pour moi, en tous cas, mon état, plus que visible, m'a permis de ressentir une bienveillance jusque là inconnue de la part de tout mon entourage (ou presque: je me souviens d'une collègue jalouse parce que, depuis que je travaillais au secrétariat, j'étais exemptée d'une réunion annuelle ! Pauvre femme...), oui, donc, on m'aime et on me le dit, on admire mon courage, mon esprit positif, ouvert, ma force de caractère, ma capacité à surmonter la meurtrissure, -le meurtre du corps, de la peau, du visage, de son image.

de fait, quand je vais mal, je refuse absolument que l'on s'imagine que c'est à cause du corps meurtri, à cause de Narcisse qui ne serait sensible qu'à son reflet dans le regard séduit de l'homme; ce serait tellement mentir!

Mon Narcisse ne s'inquiète que de sa valeur morale, de ses capacités intellectuelles, de la supériorité de sa volonté, mon narcisse est un despote, un juge implacable.

Peu de gens savent que je suis bi-polaire, encore moins connaissent mes semaines d'enferment, de silence, de pyjama-fond de frigo-télé, je ne me confie qu'à ceux qui connaissent cette maladie.

Aujourd'hui, grâce à vous tous, à toi Tibanem, qui me ressemble tant, y compris dans l'écriture -autrefois-, je suis sortie de mon lit, je suis allée faire des courses. Certes, j'écris ce mot et je cours me recoucher, mais je ne me sens plus seule et Ciel que ça fait du bien!

Merci

Merci pour votre soutien à tous. Cela me touche. Cela fait du bien de voir que l'on est moins seul face à la maladie grâce à vous.

Pétard ! je viens de passer plus d'une heure à lire et parcourir vos messages d'un bon mois : quelle richesse ! quelles fortes et belles métaphores ! quelle générosité et quel courage !

Merci à toutes et tous.

Je sors d'un mois et demi d'HP, j'ai du mal à me souvenir pourquoi (fichues amnésies) : une sorte d'état mixte suivi d'un trou dépressif. Je n'en reviens pas : une hospitalisation encore ! la 9e depuis 1992, alors que j'ai connu une période de 10 ans de stabilité (entre 1999 et 2009). Mais aujourd'hui je me sens bien. Je suis sortie mardi midi et je me sens bien !

Il faut dire : mon psychiatre (je suis suivie et hospitalisée dans un centre expert "bipolaires") a déclaré (découvert !) que je me porte mieux avec moins de médicaments... Je prenais : Théralithe, Lamictal, Abilify, Solian, Valium, Tercian ; ne reste aujourd'hui que Théralithe et Valium. Moi qui ai toujours eu beaucoup de réticences à avaler tout ça, je suis évidemment ravie. Je ne désespère pas de pouvoir un jour me passer du Valium.

Cette satanée maniaco-dépression m'aura encore bouffé un pan de 3 mois de ma vie - car avant d'être hospitalisée je me suis battue en ambulatoire, bataille perdue et là encore peu de souvenirs. (Cette question de l'amnésie me taraude : est-elle un symptôme de notre maladie ou m'est-elle particulière?)

Pour en revenir à notre sujet, je fais moi aussi la distinction entre "ennui" et "routine". Pour moi, la routine est mortelle ; elle s'installe lorsqu'on n'a plus la force, l'énergie, l'élan, l'étincelle de vie qui nous anime lorsque l'on va bien ; la routine, c'est le sans-goût. L'ennui, c'est une bulle d'air nécessaire, une suspension dans la course des heures, voire des jours, c'est le vide - sans angoisse - qui va nous faire rebondir, l'hiver avant le printemps de nos journées.

@thomas : telle que tu la racontes, ton entrevue avec ton psychiatre a été désastreuse ; comment garder confiance en ce médecin, aux réponses brutales et qui refuse de s'expliquer sur ses contradictions ? Or on sait tou-te-s à quel point compte ce qu'on appelle l'alliance thérapeutique, la confiance. A mon tour de te conseiller fortement de suivre ton intuition et de quitter ce médecin pour en trouver un-e autre, qui te convienne et en qui tu puisses avoir véritablement confiance.

Je parlerais bien aussi de l'invalidité (je suis en catégorie 2 depuis 2 ans), du rapport au travail ou encore de phobie sociale, de lecture et de théâtre (concentration, mémoire), mais là, je suis fatiguée, j'y reviendrai peut-être une autre fois.

Encore une fois, merci à tou-te-s pour vos écrits si sincères, riches et parfois si beaux.

 Thomas89

Je ne suis pas surprise par le comportement de ton psy , j'en ai usé plus d'un , j'en ai changé si bien que sur la seule ville de La Rochelle où je vivais il ne restait plus de praticiens .pour s'occuper de mon "cas" .J'ai même tenté un pédo psychiâtre et le pompom du pompom , j'ai fais craquer un psy , hors de ses gonds , m'insultant presque car j'étais la pire des patientes qu'il ait eu à traité .Je suis restée sans voix ....Bon , et ben , voilà ça c'est fait ! Je l'ai quitté en lui confiant que peut être il n'était vraiment pas utile de se revoir hein ? Calmez-vous , reposez vous ou changez de métier !

Mais le tien quelle violence ! Quelle volte face et incohérence de diagnostique .Il paraît que nous sommes des patients particulièrement difficiles à cerner , et je peux comprendre parfois leur désarroi de praticien devenu uniquement prescripteur , allié des labos , expérimentant molécules après molécules , sans résultat la plupart du temps , ne pouvant pas ne pas connaître et voir et les dégatsc collatéraux de nos psychotropiques .

Mais c'est leur problème , on a les nôtres , et la mule est suffisamment chargée , merci ! Alors là n'hésite pas à en changer .

Liseron

je reviens sur ton chargement de médicaments , notre petit rituel quotidien , matin midi soir nuit ....Ah et tu as évoqué le tercian , véritable vampire du corps et de l'esprit .Un cauchemar , le nom me fait encore frémir .Et le but à plus ou moins loin terme et de pouvoir vivre avec une prescription à minima bien sûr , pour ne garder que le thymo .

Suite à mon passage à l'acte l'année dernière et une hospitalisation sous contrainte , ma petite chimio a été totalement bouleversée .Empoisonnée par certaines molécules que j'avais pris consciemment pour faire un gros dodo ( solian , abilify ...Toute ma panière en fait ) La charge médicamenteuse est encore trop lourde , il faudrait qu'au moins je puisse me débarrasser de l'AD pas vraiment conseillé aux maniaco dépressifs .Pour le valium , l'angoisse installée est toujours présente , envahissante , j'attendrais encore .Et j'en ai profité pour changer de psy , considérant que le précédent , mon p'tit chimiste , avait échoué et moi avec .

Donc oui se débarrasser à terme de la plupart des médicaments est objectif de mon médecin et de moi-même .Faut croire que ce n'est pas si simple , la toxico a du mal à se passer de son dealer préféré , sa pharmacienne !

Et pour tes défauts de mémoire, non tu n'es pas ...Qu'est-ce que je voulais dire déjà ? Je ne crois pas que c'est un symptôme de la maladie , mais bien un effet néfaste , secondaire ( tu parles c'est primordial) des médicaments .Valium peut-être , car ces temps ci j'en prends vraiment vraiment beaucoup , bien au-delà d'une prescription raisonnée et recommandée .Le Psy m'a écoutée , et m'a avertie des pertes de mémoires liées aux prises des médicaments .Je sais je sais , mais quand je suis si mal , que je ne peux pas boire d'alcool , parce que c'est pire , ni de petites drogues illicites , parce que c'est cauchemardesque, je fais quoi moi ?

Et A la sortie de l'HP , aujourd'hui encore j'ai des trous d'air dans la cafetière .On m'a rappelé que c'est en février dernier que j'étais passée à l'acte , j'étais persuadée que c'était au mois de mai , j'oublie des tas choses  importantes ou non , si bien que j'ai un grand livre pour noter ce qui me semble important , des ressentis , des évènements , pour parer à ces absences de souvenirs qui me tracassent , qui m'inquiètent ...J'avais une mémoire d'éléphant , je suis un petit colibri divaguant de branches en branches et ne sachant plus pourquoi .Je crains plus que tout , les maladies neuro dégénératives dans un futur plus ou moins proche .Mon cerveau se prend des coup de tempêtes c'est vrai , j'en changerais bien s'il y avait un supermarché des cerveaux en libre service , mais c'est mon cerveau , et intellectuellement il ne marche pas si mal que ça , malgré les drogues qui veulent en faire une boule d'emmenthal .Et l m'a pas mal servi pour réflêchir , apprendre vite , il me sers encore souvent pour mes voyages imaginaires ( ma bouée de sauvetage) .Mais il est très affamé , c'est un ogre exigeant et jamais rassasié .Mais le tuyau Mémoire présente des fuites , et je crains des dommages plus graves si je ne fais rien pour colmater les fuites . aLORS JE NE SAIS PAS SI CA TE RASSURE , mais non tu n'es pas la seule , et clairement ce sont les effets néfastes des médicaments .Je suis maniaco dépressive depuis l'âge de huit ans , pas de soinun enfant dans les années 68 avait-il seulement un âme ?) , pas de médocs , je vivais mal , mais ma mémoire est restée intacte jusqu'à ce que je m'empoisonne quotidiennement avec les psychoTropiques .

Je suis fatiguée aussi , dès le matin , somnifères obligent et comme c'est dimanche essayez de vous reposer si vous travaillez encore , mangez des gâteaux si vous êtes gourmands , profitez de votre compagne ( gnon) s'il travaille la semaine ou dormez si la lumière du jour vous est une souffrance .

Alone

oui ça fait du bien de ne pas se sentir seule , et je ne manquerais pour rien au monde mon rendez-vous avec vous du matin .

Et bien sûr que ton courage est exemplaire , on aime les battants dans ce monde , mais ton entourage ignore l'exploit que tu bats chaque matin pour lutter contre ou avec , cette maladie mentale et ces traitements si lourds , désespérants parfois , si souvent , trop souvent .

Merci "liseron65" d'avoir pris le temps de lire tous les posts et d'en être ravie. C'est vrai que ce thème de l'ennui permet de nous exprimer librement avec sincérité et empathie les uns(es) avec les autres. Et moi aussi j'ai accroché d'emblée dès ma première lecture. Et pour chaque texte, j'ai pu comme toi en mesurer le sens et la profondeur. Ce site Carenity est un véritable lieu d'échanges. 

Pour revenir à l'ennui, c'est un bon compagnon pour moi. Je n'en souffre pas trop comme j'ai pu souffrir par ailleurs avec la souffrance psychique dans ma vie. Je ne peux pas comparer avec l'autre mal car je n'ai pas eu à affronter la souffrance physique comme l'a décrite Alone. Ce qui me gênerait le plus dans ce registre de l'ennui, c'est la solitude sous-jacente avec l'absence de paroles avec autrui. Car l'ennui serait plutôt synonyme d'arrêt du temps, de contemplation. Je suis admiratif de la nature avec ses paysages de campagne ou de bord de mer où j'habite. C'est pour cela que je fais beaucoup de photos numériques avec mon smartphone. 

Si je compare avec les autres travers de ma personnalité par leurs effets délétères sur moi et si je pense aux conséquences néfastes qu'ils ont eu par le passé, l'ennui c'est sympa comparé aux addictions, aux dépenses excessives etc. Sans parler de l'impulsivité quand tu me tiens. Alors l'éloge de la lenteur me va. Prendre le temps de vivre (sans trop d'angoisse), c'est bien. C'est mon avis d'après l'expérience de ma vie plutôt réglée par cycles que je ne maîtrise pas. Merci la stabilisation ! Ma principale crainte se résume en une seule question : à quand le prochain épisode ? Cette question ne me tarode pas tous les jours car je sens bien que je suis en vitesse de croisière depuis plusieurs mois mais je me méfie toujours de l'eau qui dort. Comme l'a si bien écrit Tibanem avec ses mots dans un de ses nombreux posts (merci Laurence), nous c'est comme un volcan. A l'extérieur tout est calme ou presque et à l'intérieur, cela bouillonne en attendant l'éruption. Alors là, bonjour la surprise. Des fois, elle est de taille et elle surprend par son ampleur. Et bonjour les dégâts quelquefois du genre dérapages en série. C'est là que l'on peut se dire que la vie nous réserve bien des surprises.

Mais demain est un autre jour et donc aujourd'hui je vous souhaite à toutes et à tous un bon dimanche avec une bonne météo si possible pour profiter des rayons presque printaniers du soleil. Bien amicalement. Sylvain

Salut a tous, je m'excuse mais je n'ai lu qu'en diagonale par manque de temps, vous êtes tous si courageux vous aussi... @alone10 quel courage je ne sais pas si tu as lu mon parcours mais j'ai moi aussi un handicap physique, en fauteuil roulant régulièrement.....du coup j'ai les mêmes retour que toi on me dit forte courageuse etc....et je le suis...il m'arrive de m'effondrer mais que chez ma psy jamais ailleurs.....contrairement a toi je n'accepte pas mon handicap...

Thomas, les psy j'ai du en faire une dizaines, tous aussi con les uns que les autres, avant de trouver enfin LA psy idéale, géniale et toppissime que j'ai aujourd'hui...les autres avant n'ont fait que me détruire un peu plus, elle, elle m'a relevé au point aujourd'hui ne n'avoir plus aucun traitement, et de pouvoir avoir une famille et des projets professionnels (je précise si tu n'as pas suivie que je suis borderline mais je suis passée par des diagnostiques de bipo avant)...je n'ai aujourd'hui plus aucun troubles et je vie enfin.....

Bon courage a vous tous...

Je devais aller en clinique pour l'acceptation de mon handicap mais demain chez ma psychiatre je lui dirais le doute que j'ai a y aller, quand je vais en rdv là bas je vois des gens si triste que je n'ai juste pas envie d'y aller, j'ai ce besoin de m'entourer de gens qui vont bien et me tire vers la haut et pas l'inverse...je verrais ce qu'elle me répond, et puis j'avance sur mon projet pro, un peu l'impression d'avoir autre chose a faire que d'aller là bas...

Comme toi "Anipeps", je n'ai plus aucun traitement par psychotropes et je m'en accommode plutôt bien. J'essaie au mieux de gérer mes "petits" troubles de l'humeur au quotidien. À force d'avoir fréquenté les psychiatres (et encore en ambulatoire mensuellement), j'ai ma boîte à outils avec le détecteur de "conneries" avec le régulateur inclus. Donc ça baigne, y compris avec ma compagne infirmière. Mais je sais que je ne suis pas à l'abri d'un grain de sable ou pire une catastrophe du genre partir en vrille en live. Je suis optimiste quand même. Idem pour toi en te lisant et ton pseudo l'illustre bien. Au plaisir d'avoir de tes nouvelles. Tes interrogations sont légitimes à mon avis. Â toi de consolider ton choix avec l'aide de ta psychiatre Demain. Bien amicalement. Sylvain

Sylvain, j'aime ton éloge de la lenteur , ce repos du guerrier qui sait être contemplatif et aimer le jour qui se lève .J'aimeais tendre à ça , j'aimerais que "Carpe Diem" devienne une réalité pour moi .Tout ça est tellement une théorie que j'ai du mal à à mettre en pratique .

Et quand je fais le point , même quand je suis sanglée dans cette inactivité physique , seule moi et moi , je me rends compte que non , en fait je ne me suis jamais ennuyée ...Ma tête sans arrêt fonctionne , parle , échafaude , se souviens , se lamente , se raconte des histoires imaginaires ....Jamais elle ne s'arrête de penser , jamais de mode pause , silence ma tête .

L'ennui est indispensable , ce moment ou rien ne bouge , ce moment de repos de l'esprit et des émotions , il reconstruit, il construit , avec toujours en arrière plan quand même à quand la crise ?

On dit que les enfants aujourd'hui aussi surbookés que des ministres doivent s'ennuyer .Et on ne le leur permet plus , vite au foot , vite à la danse, vite au cours de musique , vite ne reste pas là immobile , les yeux vagues , la bouche gobant les mouches .

Nous vivons dans un monde où Narcisse n'ose plus se regarder en face , objectivement ( si possible ...) n'ose plus , a peur même de se retrouver inactif , seul face à lui-même .Ne veut surtout pas penser à ce qu'il est . La moindre pause l'effraie , il fAut s'étourdir de télé , de musique , d'activités qui remplissent cette peur de ne trouver que le vide .Nous sommes dans un monde qui stigmatise l'inaction , qui méprise ceux qui n'ont pas d'emploi ( eh oui ne pas travailler c'est mal !) , qui ricane devant celui qui s'arrête qui contemple qui ne joggue pas , qui ne pédale pas , qui ne sue pas dans une salle de sport qui pue le vide et la peur .

bien d'accord sur la stigmatisation de l'inaction, il est vrai qu'aujourd'hui celui qui glandouille sur son canapé a se ramollir le cerveau devant la TV est très mal vu...et pourtant que ça fait du bien de faire "pause" de temps en temps.....