Maladie de Castleman : "D’étudiant en médecine, je suis devenu patient."
Publié le 18 sept. 2022 • Par Alizé Vives
Raj est atteint de maladie de Castleman multicentrique idiopathique et est membre du CDCN.
Il nous partage son vécu du diagnostic et son expérience de la maladie.
Découvrez vite son témoignage !
Bonjour Raj, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d'abord, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vous
Bonjour, je m’appelle Raj. Je travaille actuellement dans un service de néonatalogie dans le but de devenir pédiatre néonatal. J’ai été diagnostiqué en 2013 d’une maladie de Castleman multicentrique idiopathique à l’âge de 23 ans. J’étais à cette époque-là étudiant en 2ème année de médecine.
Dans quelles circonstances avez-vous été amené à consulter pour le diagnostic de votre maladie ?
Au cours du mois précédent le diagnostic, j'avais commencé à être de plus en plus fatigué et essoufflé, au point de m'endormir régulièrement en cours et de m'essouffler après avoir monté un seul escalier.
Environ trois semaines auparavant, mon médecin m’a prescrit une analyse de sang. En regardant les résultats, j'ai été déconcerté : un grand nombre des marqueurs biologiques affichaient des résultats anormaux. Je savais ce que certains d'entre eux signifiaient individuellement, mais ensemble, je ne parvenais pas à leur donner un sens. Au cours des jours suivants, j'ai remarqué d'autres symptômes étranges. Mes chevilles avaient enflé et, après être monté par hasard sur une balance, j'ai réalisé que j'avais pris plus de 6 kilos au cours des semaines précédentes. À la vue du résultat de mes analyses, mes amis et ma famille m'ont dit d'aller aux urgences. C'est ce que j'ai fait.
A l’arrivée aux urgences, lorsqu'on m'a demandé la raison de ma visite, j'ai répondu : "hyperkaliémie, œdèmes et prise de poids de plus de 6 kilos". Je me suis ensuite assis, fier d'avoir enfin utilisé à bon escient le jargon médical. Au bout d'une vingtaine de minutes, on a appelé mon nom et on m'a amené dans un box. Après plusieurs heures d’interrogatoire et d'analyses, on m'a dit que j’allais être hospitalisé parce que mes reins semblaient ne pas fonctionner correctement.
Que s’est-il passé suite à votre hospitalisation ?
Au cours des deux jours suivants, mon état n’a pas évolué. J'ai dû expliquer mon histoire plus d’une douzaine de fois à des médecins de différentes spécialités, dont l'hématologie-oncologie, la néphrologie et les maladies infectieuses.
Les médecins m’apportaient tous les jours les résultats de mes analyses de sang. La seule chose que j'ai pu tirer de ces résultats avec mes deux années d'expérience à l'école de médecine c'est qu'ils ne cessaient de s'aggraver.
Je me souviens d'un médecin qui m'a avoué qu'il ne savait pas vraiment ce qui m'arrivait, mais qui a ensuite prononcé un adage bien connu des professionnels de la santé : "Quand vous entendez des sabots, pensez à des chevaux, pas à des zèbres", faisant ainsi allusion à l'enseignement selon lequel les médecins doivent se concentrer sur les possibilités les plus probables lorsqu'ils posent un diagnostic, et non sur les plus inhabituelles.
Un après-midi, après avoir reçu les résultats de mon scanner, l'une des internes s'est assis au bord de mon lit. Avec une expression sombre sur le visage, elle m'a dit que presque tous mes ganglions lymphatiques étaient hypertrophiés. "Un lymphome ?", ai-je demandé, curieux d'obtenir enfin des réponses. Elle m'a répondu que c'était peut-être le cas, mais qu'ils n'en seraient sûrs que lorsqu'ils auraient effectué des biopsies de la moelle osseuse et des ganglions lymphatiques.
J'ai immédiatement ouvert mon ordinateur et commencé à chercher sur Google le pronostic d'un lymphome. Etais-je au stade 3 ? Au stade 4 ? Un lymphome hodgkinien ? Non hodgkinien ? Un taux de survie de 90% à 5 ans est-il censé être bon ? Plutôt que d'être émotif, il semble que j'aie opté pour l'intellectualisation comme mécanisme de défense psychologique.
Comment vous a-t-on annoncé l’annonce du diagnostic ?
Une semaine après mon admission, mon oncologue est entrée dans ma chambre et m'a dit qu'elle avait enfin un diagnostic pour moi. "Avez-vous entendu parler de la maladie de Castleman ?" m'a-t-elle demandé. N'en ayant jamais entendu parler pendant mes deux années d'études de médecine, j'ai répondu non. Elle m'a expliqué que mes reins et ma moelle osseuse étaient défaillants et que cette maladie en était la cause. Elle a ajouté que c’est une maladie rare, encore mal comprise, qu'elle se manifestait généralement chez les personnes âgées et que j'étais atteint de la variante multicentrique, un type de maladie de Castleman encore plus rare et aux effets plus étendus. Elle a également déclaré que la maladie était idiopathique, ce qui, je le savais, signifiait que les médecins n'avaient aucune idée de sa cause.
Lors de mes premières recherches sur Google concernant la maladie, j'ai trouvé une page Wikipedia brève et peu utile et le site Web d'une organisation sur la maladie de Castleman qui semblait ne pas avoir été mis à jour depuis 10 ans. Je ne savais pas quoi penser de tout cela. Devais-je être heureux que ce ne soit pas un cancer ? Ou m'inquiéter du fait que mon oncologue pensait que j'étais peut-être le quatrième cas de maladie de Castleman multicentrique idiopathique, d'après sa revue de la littérature ? Même si j'ai appris plus tard que c'était faux, j'ai continué à rester stoïque sur le plan émotionnel et probablement trop faible physiquement pour comprendre ce qui m'arrivait jusqu'à ce que je quitte l'hôpital.
Que s'est-il passé après le diagnostic ?
"J'aimerais commencer à vous administrer de la cyclophosphamide et de l'etoposide cet après-midi", m'a dit mon oncologue alors que j'étais allongé dans mon lit d'hôpital, deux semaines après le début de mon séjour.
Je n'avais jamais imaginé que je recevrais certains médicaments de chimiothérapie des plus forts que j’administrais moi-même en tant que futur médecin, et pourtant j'étais sur le point de les recevoir. Je n'ai pas pu m’empêcher de penser aux effets secondaires que cela impliquait : la perte de mes cheveux, les vomissements et le sang dans les urines.
Bien qu'un diagnostic ait été posé, les traitements ne fonctionnaient pas et mon état ne faisait qu'empirer. Tous mes muscles et ma graisse s'atrophiaient. Malgré la perte de poids, je retenais une quantité importante de liquide dans mes jambes et mon abdomen. À tel point que j'avais besoin d'un fauteuil roulant pour me déplacer et de l'aide d'un parent ou d'une infirmière pour m'habiller tous les jours. Avec la quantité de liquide que je retenais et des reins qui s'étaient détériorés au point de ne plus produire d'urine, on m'a dit que je devais commencer une dialyse.
Trois semaines plus tard, j'avais l'impression que rien ne fonctionnait. Rituximab, chimiothérapie, stéroïdes, antibiotiques à large spectre, rien ne semblait m'aider. Même les séances de dialyse de quatre heures tous les deux jours ne suffisaient pas à empêcher le liquide de s'accumuler dans mes poumons, ce qui a finalement nécessité une procédure incroyablement douloureuse pour l’évacuer. La maladie et les effets secondaires des médicaments faisaient des ravages. Je me souviens avoir jeté un coup d'œil au miroir à un moment donné et avoir vu pour la première fois à quoi ressemblait la cachexie (perte de masse musculaire et de gras). J'étais si faible physiquement.
Comment avez-vous réussi à trouver le bon traitement ?
Pendant mon hospitalisation, mes parents, qui avaient pris l'avion pour venir me rejoindre, ont cherché une aide extérieure. L'hôpital où je me trouvais était bien connu et réputé, mais mes parents avaient pu constater que mes médecins n'étaient pas tout à fait à l'aise avec la maladie de Castleman.
Mes parents ont contacté des amis médecins et des membres de la famille, qui ont à leur tour consulté leur propre réseau d’amis médecins. Ils ont fini par trouver le contact d’un médecin scientifique spécialiste de la maladie de Castleman, qui a rapidement commencé à échanger avec les médecins de mon hôpital au sujet de mon cas.
Vers la fin de ma troisième semaine, on m'a administré, ce que j'ai compris plus tard, être le médicament qui m'a sauvé la vie, le tocilizumab. En l'espace de quelques jours, mes reins ont commencé à s'améliorer et je me sentais mieux. À tel point que six jours seulement après cette unique dose de tocilizumab, je suis sorti de l'hôpital.
Quel a été l’impact de la maladie sur votre quotidien ?
J'ai passé les semaines suivantes à la maison, en convalescence, avec des visites régulières au laboratoire et des perfusions de tocilizumab deux fois par mois. Mes reins ayant rapidement retrouvé une fonction proche de 100 %, j'éliminais chaque jour l'équivalent de 2 à 3 litres d'eau.
Deux mois après avoir quitté l'hôpital, je suis retourné à la faculté de médecine pour reprendre mes études en vue de mes examens de fin d’année.
Comment allez-vous aujourd’hui ?
Aujourd'hui, je suis fier d'avoir arrêté le traitement et d'être en rémission depuis près de six ans. Je suis également très humble devant la chance que j'ai eue, car de nombreux patients atteints de la maladie de Castleman multicentrique perdent leur combat contre la maladie, et ceux qui survivent ont besoin d'un traitement d'entretien régulier pour y parvenir.
Que retenez-vous de la situation que vous avez vécue ?
Mon expérience m'a permis d'acquérir une perspective unique sur la médecine à partir des yeux d'un patient et je ne suis pas sûr que j'aurais pu l'acquérir d'une autre manière. J'espère que ces souvenirs m'accompagneront encore longtemps dans ma carrière de médecin, afin d'influencer mes décisions médicales pour le bien de mes patients.
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