Névralgie d’Arnold, syndrome d’Ehlers-Danlos, syndrome de la moelle attachée basse et endométriose : “Il est important d’être acteur de sa maladie !”
Publié le 17 août 2022 • Par Candice Salomé
Mona est atteinte de multiples pathologies : la névralgie d’Arnold, le syndrome d’Ehlers-Danlos, le syndrome de la moelle attachée basse et d’endométriose. Ces pathologies l’ont conduite à être alitée et hospitalisée à de nombreuses reprises.
En France, les médecins n’ont jamais détecté son syndrome de la moelle attachée basse et Mona a dû se faire opérer en Italie.
Aujourd’hui, elle est référente au sein de l’Association Françaises des Céphalées et partage son quotidien sur les réseaux sociaux afin d’apporter son soutien à toutes les personnes atteintes de handicap invisible. Elle se livre dans son témoignage pour Carenity.
Découvrez vite son histoire !
Bonjour Mona, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je m'appelle Mona et je suis maman de 2 petits garçons. J'ai longtemps travaillé dans le milieu médical mais, à présent, j'évolue dans le milieu artistique. J'ai écrit un livre, je suis comédienne de théâtre, je compose, écris et interprète mes propres chansons. Je peins également. Je suis un peu une « touche à tout » dès qu'il est question d'art.
Vous êtes atteinte de plusieurs pathologies. Pourriez-vous nous dire lesquelles ? Quand avez-vous été diagnostiquée pour chacune d’entre elle ? Quelles en ont été les premières manifestations ?
Ma vie a basculé alors que j'avais 23 ans. Je me suis réveillée un matin avec de très violents maux de tête et des vertiges. On m'a alors diagnostiqué une malformation d'Arnold Chiari. Pour faire simple, mon cervelet était en train de descendre au niveau de mes cervicales, entraînant une hypertension intracrânienne qu'il a fallu opérer rapidement pour m'éviter de devenir tétraplégique. Un sacré choc lorsque l'on est si jeune. J'ai subi une grosse craniectomie, on m'a retiré un énorme morceau de crane au niveau de la nuque qui n'a jamais été remis en place. Je dois donc être extrêmement prudente car le moindre coup à ce niveau-là peut avoir des conséquences désastreuses, n'ayant plus d'os pour protéger le cervelet.
Suite à cette intervention, je suis restée alitée pendant 18 mois et sous morphine. La chirurgie a permis d'éviter la tétraplégie mais, malheureusement, les douleurs et symptômes déclarés avant celle-ci n'ont pu être soulagés.
De plus, le nerf d'Arnold, du côté gauche de mon crâne, a été endommagé ce qui est une complication assez fréquente. Il me fait donc souffrir en permanence depuis, avec des phases de crises aiguës fréquentes, c'est ce que l'on appelle la névralgie d'Arnold.
J'ai également toujours souffert de douleurs abdominales chroniques et on m'a diagnostiqué, il y a seulement 4 ans, de l'endométriose profonde. Je n'ai eu aucun problème pour tomber enceinte, mais mes deux césariennes (l'accouchement par voie basse étant contre-indiqué dans l'Arnold Chiari) ont aggravé mes symptômes.
J'ai subi une hystérectomie qui s'est compliquée en péritonite aiguë, une complication extrêmement rare, qui a failli me coûter la vie. Il m'a fallu encaisser deux grosses chirurgies abdominales en seulement 15 jours.
Devant la rareté de cette complication, les médecins ont commencé à s'interroger sur une éventuelle cause. Il est vrai que j'ai toujours eu des problèmes de cicatrisation mais aucun médecin n'avait considéré mon état dans sa globalité.
En faisant l'historique de mes problèmes de santé depuis ma naissance, on s'est aperçu que j'avais un tableau clinique caractéristique du syndrome d'Ehlers-Danlos (luxations à répétition, fragilité de certains organes, dysplasie congénitale des 2 hanches, malformations dentaires, palatines, cardiaques et carotidiennes, et j'en passe…). Même mon visage est caractéristique avec un faciès très particulier (visage de Madone).
En 2017, mon Arnold Chiari s'est aggravé, 12 ans après la craniectomie. De mauvaises conditions de travail m'ont contrainte à effectuer des tâches incompatibles avec mon état de santé (port de charges lourdes). Et ma vie a basculé à nouveau. J'ai été de nouveau alitée et j'ai perdu l'usage de ma jambe gauche.
Après plus de 3 ans de recherche, je suis allée en Italie pour me faire opérer d'une autre malformation jamais détectée en France : la moelle attachée basse. Le cône médullaire (fin de la moelle épinière), était attaché une vertèbre trop bas chez moi, ce qui est la cause de la descente de mon cervelet intervenue il y a maintenant 17 ans. C'était également la cause de la paralysie de ma jambe gauche.
Heureusement, j'ai subi en 2021, une section du filum terminal en Italie et, aujourd'hui, j'ai retrouvé l'usage total de ma jambe. Cette malformation n'est pas reconnue en France et aucun neurochirurgien français n'a accepté de m'opérer.
A quoi ressemble le quotidien avec la malformation d'Arnold-Chiari, l’endométriose, le syndrome d’Ehlers-Danlos (SED), la névralgie d’Arnold et le syndrome de la moelle attachée basse ? Bénéficiez-vous d’une prise en charge globale ou voyez-vous plusieurs spécialistes ? Que pensez-vous de votre prise en charge actuelle ? Quels sont vos traitements ?
Mon quotidien est fait de douleurs, de fatigue et de siestes. Je peux parfois passer plus de 20h par jour dans mon lit. Je dois tout anticiper. La moindre activité doit être préparée de façon à ce que je puisse me reposer avant et après celle-ci. J'ai comme une dette douloureuse, chaque activité me provoquera forcément des douleurs et de la fatigue.
Le plus difficile à vivre pour moi sont les maux de tête et la fatigue. Je vois un spécialiste pour mon syndrome d'Ehlers-Danlos et je suis suivie par un excellent centre anti-douleur. Une prise en charge globale est impossible car mes soins font appel à de nombreuses spécialités (neurologie, gynécologie, gastro-entérologie, dermatologie, rhumatologie, kinésithérapie, et centre anti-douleur). J'ai beaucoup de traitements médicamenteux pour le syndrome d'Ehlers-Danlos (antihistaminiques, vitamines, neuroleptiques, etc..). Et de nombreux anti-douleurs (morphine, cure de kétamine, codéine, etc..).
Pour la névralgie d'Arnold, on me fait des injections de toxine botulique directement dans le crâne tous les 3 mois. La séance est extrêmement douloureuse mais cela me soulage bien. Sans ça, je ne pourrais même pas me brosser les cheveux ou poser la tête sur un oreiller sans déclencher une névralgie.
Selon vous ou ce qu’en disent les médecins, existe-t-il un lien entre vos pathologies ?
Les médecins en France sont un peu perdus face à un tel cumul de pathologies. J'ai fait énormément de recherches. J'ai lu toutes les études publiées sur l'Arnold Chiari, la moelle attachée basse et le syndrome d'Ehlers-Danlos. Certaines démontrent un lien entre les 3 pathologies. Je pense que la combinaison de ces 3 pathologies ne doit pas être aussi rare que ça mais elles sont toutes très difficiles à diagnostiquer.
A cela s'ajoute l'endométriose qui, nous le savons maintenant, est une pathologie plutôt fréquente. Et la névralgie d'Arnold qui est une conséquence de ma craniectomie. Je pense que je suis juste un peu malchanceuse mais, attention, je ne me plains pas car je suis toujours là malgré tout.
Au quotidien, quelle pathologie demande le plus de suivi ou est la plus handicapante ? Pourquoi ?
L'Arnold Chiari demande une IRM cérébrale par an pour vérifier la position du cervelet. La névralgie d'Arnold et les douleurs m'obligent à être très souvent hospitalisée (25 fois ces 4 dernières années). C'est ce qui demande le plus de suivi et de traitements.
Je dois également surveiller mon endométriose car, même avec une hystérectomie, des lésions sont réapparues. J'ai d'ailleurs fait une rupture ovarienne spontanée il y a peu.
Et le syndrome d'Ehlers-Danlos complique tout car je dois à présent éviter au maximum de subir des chirurgies. Ma cicatrisation est trop compliquée et mes organes trop fragiles. Je dois rester prudente et me rendre aux urgences à la moindre douleur abdominale ou thoracique inhabituelle, le gros risque du syndrome d'Ehlers-Danlos dont je suis atteinte (vasculaire) est de faire une rupture artérielle. Je porte d'ailleurs un bracelet médical en permanence.
Avez-vous des antécédents familiaux pour l’une de vos pathologies ?
Bien que ma famille ne soit pas épargnée côté maladie, il n'y a aucun antécédent en ce qui concerne les pathologies dont je souffre. J'ai également fait dépister mes deux petits garçons pour la moelle attachée basse et l'Arnold Chiari et ils n'en sont pas atteints. Le syndrome d'Ehlers-Danlos est génétique donc nous les surveillons mais pour l'instant, ils n'ont développé aucun symptôme.
Vous sentez-vous soutenue par votre famille et vos amis ? Comprennent-ils votre quotidien avec la maladie ?
J'ai la chance d'avoir un mari formidable qui m'a toujours soutenue depuis le début. Et ma famille est aussi très présente pour moi. Comme je le disais précédemment, nous avons été confrontés, ma famille et moi, très tôt au handicap et aux maladies en tout genre. Nous avons donc développé une certaine empathie, et nous nous soutenons les uns les autres. Ils comprennent très bien mon quotidien car j'ai parfois besoin d'eux pour m'aider dans les tâches ménagères ou pour garder mes enfants. Ils répondent toujours présents, et j'ai conscience que j'ai une chance incroyable de les avoir !
Quel est l’impact de vos pathologies sur votre vie privée et professionnelle ? Quels préjugés entendez-vous fréquemment sur vos pathologies dites « invisibles » ?
Sur ma vie professionnelle, mes pathologies ont eu un impact désastreux. Pendant des années, je travaillais sur un poste adapté à mon handicap. Mais, suite à une mutation professionnelle en 2016, j'ai été confrontée à un refus d'aménagement de poste. Mon handicap étant invisible et, bien qu'il soit reconnu par la MDPH, mon employeur (un hôpital public) m'a tout simplement contrainte de travailler dans des conditions de travail inadaptées et même dangereuses pour ma santé, en toute illégalité.
Cela a eu pour conséquence un alitement prolongé qui aura duré plus de 4 ans et la perte de l'usage de ma jambe gauche. Je suis actuellement en plaine procédure judiciaire afin d'obtenir réparation.
Quant aux préjugés sur le handicap invisible, ils ont la peau dure. On me fait souvent des remarques sur mon physique. Je parais trop jeune, trop souriante, trop heureuse, voir même trop jolie pour être malade. Les gens ne se rendent pas compte que je suis obligée de cacher constamment ma douleur et ma fatigue juste pour être acceptée. Le regard des gens est souvent accusateur lorsque je dois utiliser une place handicapée ou la caisse prioritaire des magasins. Comme s'il était plus acceptable, plus moral pour eux, de me voir au fond du gouffre, la mine grise et fermée.
Je refuse de montrer ce côté de moi car cela relève de l'intime à mon sens, de la pudeur. Je préfère sourire car la vie reste belle malgré tout et j'ai le droit de la vivre pleinement malgré mon handicap.
Vous êtes active sur les réseaux sociaux. Pourquoi avoir décidé de parler de vos pathologies sur Internet ? Pourriez-vous nous en dire plus quant à votre quotidien sur les réseaux sociaux ? Quels sont les retours des membres qui vous suivent ?
J'ai décidé de parler de mes pathologies sur les réseaux sociaux car je sais que beaucoup de personnes souffrent des mêmes pathologies que moi et ne trouvent pas de solution. Je veux tout faire pour les aider.
Lorsque je faisais des recherches sur la section du filum terminal, j'ai eu la chance de rencontrer un groupe de femmes qui étaient passées par là avant moi. C'est extrêmement effrayant de se dire que la France ne peut pas vous venir en aide et qu'il faut prendre le risque d'aller à l'étranger. Elles m'ont rassurée, encouragée, consolée et aidée à tel point que je ne pourrais jamais les remercier comme je le voudrais. Je me suis jurée de faire la même chose si la chirurgie était un succès. Et c'est le cas !
Donc maintenant, j'oriente les patients qui cherchent à savoir s'ils sont atteints de moelle attachée basse. Cette malformation ne peut se détecter que par une IRM lombaire en position ventrale dans l'appareil. Aucun centre d'IRM en France ne la pratique.
J'ai, heureusement, dans mes contacts, un radiologue qui a accepté de le faire pour moi et mes enfants. Aujourd'hui, je lui envoie des patients.
J'ai également pu mettre en contact trois patients avec mon neurochirurgien italien, qui ont également été opérés avec succès. C'est ma plus belle victoire. C'est pour eux que je fais tout ça. Et je continuerai tant que je peux pour permettre à d'autres patients qui en ont besoin de bénéficier de cette chirurgie.
Je me bats également pour qu'elle soit prise en charge par la Sécurité sociale car ce n'est pas le cas actuellement. Le chemin est encore long mais je n'abandonnerai jamais. Je suis également la référente Chiari au sein de l'Association Française des Céphalées.
J'ai des retours extrêmement positifs de mes abonnés et je souhaite surtout transmettre un message d'espoir. Je suis la preuve vivante que les miracles de la médecine moderne existent.
Quels thèmes abordez-vous principalement sur les réseaux sociaux ? Quels messages souhaitez-vous faire passer à vos abonnés ?
J'aborde principalement le thème du handicap invisible, j'essaye de vulgariser les pathologies dont je souffre pour sensibiliser les gens. Mon but n'est de pas de créer de la pitié, bien au contraire, je veux montrer que l'on peut être heureux malgré la maladie et le handicap. Que l'on a le droit de profiter de la vie bien que certaines activités nous soient inaccessibles. Et surtout, qu'il faut toujours garder espoir ! Il y a peut-être quelqu'un quelque part qui a une solution à votre problème.
Mais c'est à vous de faire des recherches et d'être acteur de votre maladie. Et j'incite aussi les gens à se faire confiance et à suivre leur intime conviction. Un médecin, aussi compétent soit-il, peut se tromper et il ne faut pas hésiter à en consulter d'autres, à prendre d'autres avis. Aucun médecin ne peut mieux vous connaître que vous-même.
Vous êtes membre active au sein de l’Association Française des Céphalées. Quel est votre rôle au sein de l’association ? Quelles sont vos missions ? Pourquoi avoir choisi de rejoindre l’association ?
Je suis référente pour la malformation d'Arnold Chiari au sein de l'Association Française des Céphalées. La particularité de cette association c'est qu'elle regroupe toutes les pathologies de la tête et du cou.
Nous pensons que, parfois, même si on souffre de pathologies un peu différentes, nous pouvons aider les autres par des astuces et des conseils. L'échange est primordial pour avancer et c'est pour cela que nous, les référents, nous sommes facilement joignables par mail. C'est la première fois pour moi que je prends part à une association et celle-ci est une aventure humaine incroyable. J'ai trouvé des personnes qui me comprennent, qui ont des quotidiens très similaires au mien et qui, malgré la douleur, les difficultés et la fatigue, donnent de leur temps pour aider les autres. Je crois qu'avec elles, j'ai enfin trouvé ma place.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
J'ai plein de projets. Mes priorités seront toujours ma famille et ma santé. Mais j'essaye de faire des choses qui me plaisent vraiment.
J'espère réussir à trouver un éditeur pour mon livre « Arnold et Moi »*
J'ai rejoint une troupe de théâtre il y a 1 an et nous sommes montés sur scène récemment. Nous allons préparer une autre pièce pour juin 2023.
Je vais également continuer à écrire, composer et chanter mes chansons, à mon rythme.
Et j'ai prévu de courir la parisienne en septembre prochain histoire de voir jusqu’où cette nouvelle jambe peut m'emmener !
Enfin, quel(s) conseil(s) aimeriez-vous donner aux membres Carenity qui, comme vous, sont touchés par une ou plusieurs maladies chroniques invisibles ?
Ne perdez jamais espoir, ne baissez jamais les bras, et ne cessez jamais de chercher des solutions. Ne vous arrêtez pas à un avis médical et, surtout, la maladie ne doit pas vous empêcher de vivre pleinement chaque moment.
Le bonheur est partout, dans un sourire, une fleur, un rayon de soleil, toutes ces petites choses qui font que la vie est belle. Il est difficile d'accepter ce qui nous arrive, cela demande du temps, mais une fois cette étape passée, le plus dur est fait et il faut profiter à fond de chaque instant !
Un dernier mot ?
N'hésitez pas à contacter l'Association Française des Céphalées si vous souffrez de maux de tête. Nous sommes là pour vous aider !
Le livre de Mona « Arnold et Moi, Vivre avec des douleurs chroniques » est désormais disponible !
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