Syndrome d’Ehlers-Danlos et SAMA : “Si je peux aider rien qu'une personne, alors, mon expérience aura un but concret.”
Publié le 5 juil. 2023 • Par Candice Salomé
Ophélie, connue sous le nom de @ophelie.ac sur les réseaux sociaux, est atteinte du syndrome d’Ehlers-Danlos (SED) et du syndrome d’activation mastocytaire (SAMA). Ses atteintes sont multiples et handicapantes. Elle a connu de nombreuses années d’errance diagnostique jusqu’à pouvoir enfin mettre un nom sur ses souffrances.
Désormais, très au fait de ses pathologies et de leur prise en charge, elle informe et sensibilise aux maladies invisibles sur les réseaux sociaux. Elle est également en train d’approfondir ses connaissances grâce à un diplôme universitaire patient partenaire démocratie en santé et médicament. Elle se livre dans son témoignage pour Carenity.
Découvrez vite son histoire !
Bonjour Ophélie, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je m’appelle Ophélie, j'ai 28 ans et j'habite en région Centre. J'adore la musique, je joue de la guitare, du ukulélé, du piano et je prends des cours de chant. J’aime peindre à l’aquarelle. Je suis passionnée par l'astrologie. J'aime aussi beaucoup la lithothérapie (la thérapie par les pierres), l'hypnothérapie (ça me fascine) et tout ce qui touche aux planètes et aux étoiles (je pourrais passer des heures à regarder les étoiles).
Vous êtes atteinte du syndrome d’Ehlers-Danlos. Pourriez-vous nous parler des symptômes de la maladie ? Qu’est-ce qui vous a poussée à consulter ? Combien de temps a-t-il fallu pour que le diagnostic soit posé ?
Les syndromes d’Ehlers-Danlos sont un groupe de troubles génétiques rares et incurables du tissu conjonctif qui affecte le collagène.
Le collagène est présent à 80% dans notre corps. C'est une protéine qui assure le soutien, la protection et la cohésion des différentes structures de notre organisme. On le retrouve dans les muscles, la peau, les tendons, les ligaments, les organes, les vaisseaux sanguins...
Pour faire plus simple, le collagène c’est un peu comme le ciment de notre corps. C’est lui qui permet de tout tenir en place. Sans ciment, plus rien ne tient.
Et donc, quand il y a un défaut, cela peut conduire à de nombreuses complications et comorbidités. La symptomatologie est large et variée :
- Hypermobilité,
- Fragilité et élasticité cutanée,
- Troubles vasculaires,
- Troubles de la proprioception (désigne la perception, consciente ou non, de la position des différentes parties du corps),
- Luxations, subluxations, entorses, tendinites à répétition,
- Douleurs chroniques,
- Troubles cardiaques, pulmonaires, digestifs,
- Fatigue intense,
- Troubles neurologiques,
- Fragilité dentaire,
- Atteinte oculaire,
- Troubles urologiques et gynécologiques…
Mon histoire avec mon syndrome d'Ehlers-Danlos remonte à quelques années. Les premiers signes d'une hypermobilité étant déjà présents dès ma naissance. Mais, même si j'ai eu quelques symptômes pendant mon enfance, la maladie s'est réellement déclarée à l'âge de 10-11 ans.
Sauf qu'à cette époque, la croissance et la puberté étaient la réponse indiscutable des médecins sur mes maux et donc, paradoxalement, c'est à ce moment que l'errance diagnostique a commencé.
À l'âge de 20 ans, tout s'est accéléré. J'ai accumulé beaucoup de symptômes mais personne ne savait de quoi je souffrais. J'ai vécu beaucoup d'hospitalisations vouées à l'échec, sans réponse.
Mon Centre Hospitalier m'a alors mise dans la classe "lupus" puis "maladie inclassable". Jusqu'au jour où, lors d'une consultation en cardiologie, un médecin a évoqué les syndromes d'Ehlers-Danlos. Quelques mois plus tard une généticienne a enfin mis un nom sur mes maux.
Vous souffrez également de SAMA (syndrome d'activation mastocytaire). Pourriez-vous nous parler de la maladie et de ses symptômes ? Vos deux pathologies sont-elles liées ?
Quelques mois après mon diagnostic du syndrome d’Ehlers-Danlos, suite à des symptômes non expliqués, j'apprends que je souffre d'un syndrome d'activation mastocytaire (SAMA).
C'est une maladie immunologique qui cause une libération excessive et anormale de nombreux médiateurs chimiques par des cellules immunitaires : les mastocytes. Lorsque les mastocytes s’activent de manière anormale, comme dans le SAMA, la libération des médiateurs chimiques est à l’origine de symptômes aigüs et/ou chroniques qui affectent plusieurs organes. Les symptômes peuvent fluctuer dans leur type, leur gravité et leur durée.
Mes atteintes sont dermatologiques, cardiovasculaires, gastro-intestinales, neurologiques, respiratoires, urologiques, constitutionnelles… Les symptômes peuvent être causés ou aggravés par des déclencheurs, qui varient considérablement et sont spécifiques à chaque patient. Cela peut parfois aller jusqu’au choc anaphylactique.
Quel est l’impact de vos pathologies sur votre vie personnelle et professionnelle/scolaire ?
J’ai eu la chance de pouvoir faire mes études sans trop grands soucis. Puis, à l’obtention de ma licence, j’ai travaillé durant 3 ans dans l’informatique et la communication. Aujourd’hui, ma maladie impacte malheureusement beaucoup trop mon quotidien pour reprendre une vie professionnelle normale.
Sur le plan personnel, mes pathologies prennent une place immense. Les traitements et les soins sont quotidiens. Je dois tout anticiper. Notamment sur la gestion de mon énergie.
La gestion de la douleur et de la fatigue, c’est aussi anticiper en fonction de ce que j’ai prévu aujourd’hui et ce que j’ai prévu les jours suivants. J’ai l’impression de vivre constamment en équilibre. Toute action doit être réfléchie et toute conséquence doit être anticipée.
Mon quotidien, c’est vivre dans la négociation de manière permanente. Chaque seconde, réfléchir à chaque action, en pensant à ce qu’il y a à faire après. L’ironie de mes maladies, c’est que je dois à la fois tout anticiper et en même temps je ne peux rien prévoir avec certitude.
Quelle est votre prise en charge actuelle ? Quels sont vos traitements ? En êtes-vous satisfaite ?
Ces deux pathologies sont malheureusement incurables. Il n'existe à l'heure actuelle aucun traitement pour en guérir. Mais je dispose d'aides indispensables pour mieux vivre mon quotidien : je porte des vêtements de compression, des attelles, des orthèses sur mesure. J'utilise un fauteuil roulant, des coussins de positionnement.
J'ai des séances de rééducation quotidiennes et de nombreux traitements médicamenteux symptomatiques. Ces pathologies sont malheureusement rares et peu connues. Il est donc très difficile de trouver des médecins formés et aptes à nous apporter de l’aide.
A l’heure actuelle, j’ai de bons spécialistes mais ma prise en charge globale reste assez chaotique.
Vous êtes active sur les réseaux sociaux sous le nom ophelie.ac. Quels sujets abordez-vous ? Pourquoi avoir décidé de parler de la maladie sur Instagram ?
Le jour de mon diagnostic, ça a d’abord été un soulagement, dans un premier temps, d'avoir enfin un nom sur mes souffrances. Puis, une prise de conscience par la suite. Du déni, de la colère, une immense tristesse et un sentiment puissant d'injustice…
J'ai d'abord caché mes maladies. Je n'en parlais pas, je les ignorais. Jusqu'à ce que je rencontre des personnes ayant les mêmes pathologies que moi, sur les réseaux sociaux. Des patients qui, tout comme moi, ont vécu l'enfer de l'errance médicale, la violence du diagnostic, des traumatismes médicaux…
J'ai ensuite réalisé qu'en partageant mon histoire, mon cheminement, je pourrais peut-être aider, soutenir et épauler les personnes qui traversent les épreuves que j'ai pu traverser.
J'ai donc commencé à sensibiliser sur mon compte Instagram. Du mieux que je le pouvais, à ma petite échelle. J'y partage mes joies, mes peines, mes aventures, mes connaissances, mon expérience.
Quel(s) message(s) désirez-vous faire passer à vos abonnés ? Et quels sont les retours de ces derniers ?
Je dirais que mon compte Instagram à plusieurs buts.
Premièrement, la sensibilisation sur les maladies chroniques, rares, visibles ou invisibles.
Ensuite, je dirais le soutien et les conseils, que ce soit envers les malades, les aidants, les personnes en errance de diagnostic...
Puis, j'ajouterais l’apport de mes connaissances modestes et de mon expérience, tout en dédramatisant certaines situations que peuvent vivre les patients avec humour.
Parler de mes pathologies, partager, sensibiliser, informer, c'est une des priorités de mon compte parce que si je peux aider rien qu'une personne, alors, ma douleur, mon cheminement, mon expérience auront un but concret. Celui de soutenir, d'assurer que mes abonnés ne sont pas seuls. Le partage est mutuel. Je reçois tellement plus que ce que je donne.
>> Retrouvez le compte Instagram d'Ophélie en cliquant ici ! <<
Que pensez-vous que les réseaux sociaux et autres forums santé apportent aux patients dans la gestion de leur(s) maladie(s) ? Est-ce important, selon vous, d’être informé sur ses pathologies ? Si oui, pourquoi ?
Pour moi, il est essentiel de s'informer sur ses pathologies. Être malade, c'est être acteur de sa santé. Et pour être acteur, il faut connaître sa maladie et son corps, pour trouver soi-même des solutions. Pour avancer, pour vivre avec.
La médecine à ses limites. Les médecins soignent. Mais les médecins ne vivent pas la maladie. Les réseaux sociaux peuvent être magiques pour rencontrer des personnes ayant les mêmes pathologies que nous, pour échanger, partager, trouver des conseils, des astuces pour mieux vivre avec sa pathologie. Mais je dirais qu'il faut tout de même rester prudent et vérifier les sources des informations que l'on peut trouver en ligne.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
En fin d’année dernière, j’ai suivi une formation de niveau 1 pour devenir patient ressource.
A l’heure actuelle, j’approfondis ce cursus grâce à un diplôme universitaire patient partenaire démocratie en santé et médicament. C'est mon plus gros investissement cette année !
J’attends beaucoup de ce diplôme universitaire. Il va me permettre de mettre en place certains projets et, plus personnellement, approfondir et professionnaliser mon accompagnement à travers mes réseaux sociaux afin de trouver ma place la plus juste. Essayer d’épauler sans prendre la douleur. Tenter de guider sans prendre la place d'un médecin. Écouter sans s'oublier soi-même.
Qu’aimeriez-vous conseiller aux membres Carenity également touchés par une maladie chronique et/ou rare ?
S’il y a une chose que la maladie m’a appris, c’est qu’elle ne doit pas vous faire sentir faible, différent.e, isolé.e. Je sais que parfois, la maladie peut nous faire sentir exclu.e de la société, incompris.e et délaissé.e. Alors, si j'ai un seul conseil à donner c'est que la douleur de votre expérience est ce qui fait de vous la personne que vous êtes aujourd’hui. Vous n'êtes pas seul.e, entourez-vous des bonnes personnes, parlez, échangez, sensibilisez et partagez.
Un dernier mot ?
La vie se déroule comme une évidence quand tout va bien. Nous avons tous un schéma bien précis de son rythme. On sait tous qu’on n’en a qu’une, qu’elle est précieuse et qu’elle peut s’arrêter à tout moment. Pourtant, seulement très peu d’entre nous en ont réellement conscience. Pour s’en apercevoir, il faut faire face à son corps, à son esprit et à ses batailles les plus profondes. Perdre la santé est l’une des pires épreuves que l’on peut vivre, et pourtant, c’est paradoxalement la plus merveilleuse leçon que la vie a pu m'offrir.
Un grand merci à Ophélie pour son témoignage !
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