Fibromyalgie : “Vous n’avez pas moins de valeur car vous êtes malade.”
Publié le 8 févr. 2023 • Par Candice Salomé
Ludivine, dite @lavieenfibromyalgie sur les réseaux sociaux, est atteinte de plusieurs maladies chroniques dont la fibromyalgie qui l’handicape beaucoup dans son quotidien. Après 7 ans d’errance médicale et de nombreuses recherches au sujet de sa pathologie, elle a elle-même proposé et fait valider son diagnostic auprès de nouveaux soignants. Aujourd’hui, elle propose de nombreuses ressources et documents sur Internet permettant d’améliorer le quotidien des patients touchés par les douleurs chroniques. Elle se livre dans son témoignage pour Carenity.
Découvrez vite son histoire !
Bonjour Ludivine, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je m’appelle Ludivine, j’ai 23 ans et je vis à Dijon. J’ai la chance de partager ma vie avec un homme extraordinaire et aussi mon aidant au quotidien. Je partage également mon quotidien avec deux chats (Athéna et Hélios) et une chienne (Hestia -> @hestia_unaussieenor) qui m’aide énormément à conserver des liens sociaux, sortir, garder une certaine activité physique, etc…
J’aime par-dessus tout m’occuper des animaux et chérir ceux que j’ai à la maison. J’aime également lire, coudre, jouer aux jeux vidéo…
Mais ce qui compte vraiment pour moi est d’aider les autres (malades chroniques, handicapés, aidants…) à vivre mieux avec la maladie et ses conséquences, et faire valoir leurs droits. C’est d’ailleurs dans ce but que j’ai créé le compte Instagram @lavieenfibromyalgie ainsi que le site web lavieenfibromyalgie.fr
Je suis atteinte d’un certain nombre de pathologies qui m’handicapent beaucoup au quotidien mais la plus importante est la fibromyalgie.
Vous êtes atteinte de fibromyalgie. Pourriez-vous nous dire comment la maladie s’est-elle manifestée dans votre vie ? Quels ont été vos premiers symptômes ? Quel âge aviez-vous ?
Les premiers symptômes ont émergé vers mes 14 ans. Cela a commencé par des douleurs neuropathiques aux articulations des bras et des mains, comme des coups de marteau, ainsi que des décharges électriques dans les deux bras et des sensations de courbatures injustifiées. C’était particulièrement dur et déstabilisant car j’étais au lycée et, mon état s’aggravant au fil des ans, je stressais beaucoup par rapport au passage du baccalauréat, sans compter l’immaturité des autres lycéens qui a contribué à m’isoler de plus en plus.
Qu’est-ce qui vous a poussé à consulter ? Combien de temps a-t-il fallu pour que le diagnostic de la fibromyalgie soit posé ? Combien de médecin avez-vous rencontré ? Et quels examens avez-vous dû passer ?
Les douleurs étaient assez handicapantes, jusqu’à m’empêcher rapidement d’écrire. J’ai vu des internistes, des chirurgiens, des neurologues, des angiologues… En tout, j’ai dû voir une quinzaine de spécialistes en 7 ans. Il a fallu que je change plusieurs fois entièrement mon équipe médicale car certains médecins disaient que tout était dû au stress, à la croissance ou à des problèmes d’ordre psychologiques. À partir du moment où un médecin commençait à tenir ce discours, je savais qu’il ne chercherait pas plus loin et que continuer de le côtoyer serait une perte de temps.
La fibromyalgie est une maladie qui n’est pas encore diagnosticable scientifiquement, dans le sens où elle n’engendre aucune anomalie sur les examens, et il faut donc éliminer toutes les pistes possibles avant d’être sûr de pouvoir poser le diagnostic de la fibromyalgie. C’est pourquoi j’ai fait (plusieurs fois) des examens comme des IRM (presque tout mon corps est désormais cartographié), des scanners, des EMG (Électromyogrammes), des tests d’effort et d’apnée du sommeil, des échographies, des échodoppler, des manipulations en tout genre… Et tout cela pour que je finisse par trouver moi-même ce que j’avais, et faire valider ce diagnostic par un algologue en centre de traitement de la douleur, 7 ans et demi après le début des symptômes !
Quelle est votre prise en charge actuelle ? En êtes-vous satisfaite ? Quels sont vos traitements ? Vous conviennent-ils ?
Je suis actuellement suivie par un algologue dans un centre spécialisé dans la prise en charge des douloureux chroniques, et j’ai enfin trouvé un médecin traitant à l’écoute, impliquée et ouverte d’esprit, ce qui a vraiment changé ma vie.
Je suis également suivie par un Centre Médico-Psychologique et un angiologue. Je crois avoir atteint le niveau maximal de suivi possible, et pourtant, c’est malheureusement encore insuffisant car je suis finalement toujours seule à combattre mes douleurs, mon handicap, et le centre de la douleur n’a actuellement plus rien de nouveau à me proposer.
Je prends un traitement médicamenteux en continu depuis plusieurs années, mais que l’on modifie/réajuste régulièrement : antidouleurs (acupan, versatis, doliprane, antadys), antidépresseur (paroxétine) et anxiolytique (alprazolam).
Je prends de l’acupan depuis plus de 5 ans maintenant et ce médicament m’aide vraiment à surmonter les douleurs au quotidien. Sans lui, je ne pourrais absolument rien faire de toute la journée.
Avez-vous recours à des traitements non-médicamenteux ? Si oui, lesquels ? Quels en sont les bienfaits ?
J’utilise des orthèses (attelles) pour soulager régulièrement mes articulations douloureuses. Les massages des kinésithérapeutes me font du bien car ils soulagent mes douleurs musculaires mais me prennent trop de temps, c’est pourquoi j’ai pour le moment arrêté. L’hypnose m’aide à un peu mieux dormir. J’utilise également très régulièrement la technologie de stimulation électrique transcutanée (TENS) via les appareils Paingone. Ceux-ci me permettent de prendre moins de médicaments et soulagent efficacement mes douleurs neuropathiques et musculaires.
Depuis six mois maintenant, je suis des ateliers d’ergothérapie/art-thérapie et cela me fait beaucoup de bien mentalement, tout en me permettant de discuter avec des gens plus à même de me comprendre. Je compte bientôt essayer de faire une cure thermale car il parait que c’est très bénéfique.
Quel est l’impact de la maladie sur votre vie privée et professionnelle ?
La fibromyalgie a un très gros impact sur mes vies privée et professionnelle.
Dans la sphère privée, la maladie est un poids important qui repose sur mon conjoint car je dépends souvent de lui pour faire des choses simples comme cuisiner, faire le ménage, me déplacer… Toutes nos sorties et loisirs dépendent de mon état de santé, de mes douleurs au jour le jour voire à l’heure près. Il faut vérifier que les lieux où nous allons soient équipés d’ascenseurs ou ne possèdent pas trop de marches à monter. Lorsque nous partons en vacances, plus d’un tiers de nos bagages contiennent mes médicaments et équipements médicaux (canne, fauteuil roulant, orthèses, etc…). Je ne peux également pas vraiment organiser mon emploi du temps comme je le désire car la fibromyalgie induit une fatigue chronique intense qui me contraint à faire une voire plusieurs siestes par jour et à limiter le nombre d’activités que je fais quotidiennement car la moindre action peut être très fatigante et douloureuse pour moi (m’habiller, faire les courses, marcher, ranger…).
Professionnellement parlant, on a mis fin à mon dernier contrat car j’étais trop souvent absente pour raison de santé et que mon poste nécessitait trop d’aménagements pour me correspondre, bien qu’il s’agissait d’un poste administratif. Depuis, j’ai été reconnue en invalidité de catégorie 1 et ne peux plus travailler qu’à mi-temps. Je suis cependant au chômage car les postes à mi-temps et adaptés à mon handicap sont rares voire parfois inexistants. Je cherche actuellement à me reconvertir mais ne suis là encore pas libre de mes choix puisque la fibromyalgie restreint grandement mes capacités et le type de tâches que je suis capable de faire. J’ai donc beaucoup de mal à trouver un moyen d’allier vie professionnelle et maladie chronique.
Vous avez créé votre propre site Internet « La Vie en Fibromyalgie », quelles ressources proposez-vous sur votre site ? En quoi ces ressources permettent aux personnes atteintes de maladies chroniques de mieux vivre au quotidien ? Quels sont leurs retours ?
Mon site Internet vise à informer les malades chroniques sur leurs droits et à partager les informations que j’accumule sur la fibromyalgie, ses conséquences et les moyens de la soulager.
Vous pouvez par exemple y retrouver des informations, conseils et documents sur les différentes prestations offertes par la MDPH et la CPAM et les démarches qu’il faut effectuer pour faire valoir vos droits. Ces différentes prestations ont pour but de simplifier et d’adapter votre quotidien à votre pathologie ainsi qu’à faire reconnaitre votre handicap officiellement.
Vous pouvez également retrouver sur mon site des tests et recommandations de produits antidouleurs en fonction de vos zones douloureuses, que vous soyez fibromyalgique ou non. Je suis heureuse d’avoir déjà reçu beaucoup de retours positifs de malades ayant obtenu des aides comme l’AAH, la RQTH ou la CMI grâce à mes conseils et instructions.
Vous avez aussi un compte Instagram, également nommé « La Vie en Fibromyalgie ». Qu’y proposez-vous ? Dans quel but avez-vous décidé de créer ce compte ?
Le message principal que véhicule mon compte Instagram est « vous n’êtes pas seul(e) ! ». Ce n’est pas parce que les médecins ne trouvent rien que c’est dans votre tête ! Les médecins n’ont pas la science infuse, il leur arrive de ne pas avoir toutes les réponses, et dans ces cas-là, il est souvent plus simple pour eux de dire que tout est de votre faute, que c’est dans votre tête, ou que vos douleurs disparaitront peut-être un jour comme elles sont venues. Dans ces cas-là, le mieux à faire est d’aller voir d’autres médecins, de faire d’autres examens, même si c’est épuisant et même si vous ne devriez pas avoir à vous battre pour être bien pris en charge.
J’ai créé ce compte Instagram suite à mon diagnostic officiel afin d’informer le plus possible des personnes diagnostiquées ou non, et contribuer à leur éviter une errance médicale aussi longue que la mienne. Mon compte Instagram et mon site Internet me servent à centraliser toutes les informations susceptibles d’aider les malades chroniques à s’orienter et gagner du temps dans leurs démarches et leur prise en charge médicale. L’objectif est aussi de leur donner des pistes pour améliorer leur quotidien (produits antidouleurs, médecine douce…).
Je publie essentiellement du contenu informatif, sur le quotidien d’un malade chronique, de ses proches, mais aussi des témoignages et anecdotes de malades de tout horizon, pour insister sur le fait que nous sommes des millions de malades chroniques et qu’en se fédérant sous forme de communauté comme celle de La Vie en Fibromyalgie, il est beaucoup plus facile de combattre les douleurs, les difficultés, et de faire connaitre nos pathologies ainsi que le handicap invisible.
Que pensez-vous que les réseaux sociaux, forums santé et podcasts apportent aux patients dans la gestion de la maladie ? Est-ce important, selon vous, d’être informé sur ses pathologies ? Si oui, pourquoi ?
Selon moi, les réseaux sociaux, forums santé et podcasts, permettent aux patients de s’informer, de s’instruire sur leurs pathologies, sur celles des autres et le fonctionnement réel de notre système de santé. Ce sont des moyens pour les malades de devenir acteurs de leur vie, de leur prise en charge. Découvrir que des milliers d’autres personnes vivent la même chose que nous procure une grande force : celle de continuer de se battre, d’oser dire ce que l’on souhaite ou non pour essayer d’aller mieux, celle d’oser échanger avec ses proches sur son ressenti, ses désirs, ses frustrations…
Le patient est le plus à même de savoir ce qui est bon ou non pour lui, de savoir comment décrire sa pathologie, l’impact qu’elle peut avoir au quotidien, etc… Être informé sur sa ou ses pathologies permet de ne pas dépendre entièrement du personnel médical, et justement d’avancer, de proposer de nouvelles prises en charges, de nouveaux examens ! Médecins et malades doivent travailler conjointement afin d’obtenir la meilleure prise en charge possible et de manière à ce que les malades ne subissent par leur vie avec la maladie mais la prenne en main. Et ceci est uniquement possible si l’on donne les moyens et les connaissances suffisantes aux malades pour s’impliquer réellement dans leur parcours médical.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
À plus ou moins court terme, j’aimerais éduquer ma chienne pour en faire un chien d’assistance qui m’aidera à gagner en autonomie et en sérénité au quotidien. J’envisage également de créer l’association La Vie en Fibromyalgie afin d’aider encore davantage les malades chroniques et de sensibiliser du mieux possible le grand public au handicap invisible et aux maladies chroniques.
Enfin, quels conseils pourriez-vous donner aux membres Carenity également touchés par le fibromyalgie ?
Je sais à quel point la fibromyalgie peut être dure à vivre tant physiquement que psychologiquement, mais même si c’est difficile, ne perdez pas espoir. Vous n’êtes pas seul(e), plus le temps passe et plus la recherche avance. On finira par obtenir un traitement. N’ayez pas peur de parler de ce que vous vivez à vos proches. Il n’y aucune honte à être malade ou handicapé. Vous n’avez pas moins de valeur car vous êtes malade.
Il est tout à fait possible d’obtenir une reconnaissance de votre handicap en tant que fibromyalgique (pension d’invalidité, carte handicapé…). Si vous essuyez un refus de la part d’un organisme, n’ayez pas peur de faire appel et de leur expliquer à quel point vous avez besoin de ces aides. C’est un processus épuisant, mais qui vaut le coup.
Un dernier mot ?
Quelques vœux pour cette nouvelle année : je souhaite à toutes les personnes en errance médicale d’obtenir un diagnostic en 2023, aux malades d’être entourés de personnes qui les aiment, les aident et les acceptent tels qu’ils sont, et je remercie du fond du cœur tous les aidants de l’ombre, qui ne se considèrent même pas comme tels, et qui font un travail essentiel et formidable. Courage à tous !
Un grand merci à Ludivine pour son témoignage !
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