Fibromyalgie : “J’ai vite compris qu’il faudrait que je m’adapte à une nouvelle vie !”
Publié le 19 juin 2024 • Par Claudia Lima
Dans ce témoignage, @Lotusviolet raconte ses premiers symptômes, la difficulté de vivre avec la fibromyalgie, et son long chemin vers un traitement efficace. Elle nous partage ses méthodes de gestion de la douleur.
Découvrez aussi comment elle a retrouvé espoir et confiance en elle, tout en devenant patiente experte, formée en ETP (Éducation Thérapeutique du Patient), auprès des patients douloureux chroniques.
Bonjour @Lotusviolet, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
J’ai 55 ans, j’habite en Loire-Atlantique (44). Je vis seule et, depuis ma mise en invalidité (catégorie 2) et mon licenciement pour inaptitude au travail, je suis devenue patiente experte, formée en ETP (Éducation Thérapeutique du Patient), grâce à l’AFVD (Association Francophone pour Vaincre les Douleurs).
Je suis aussi bénévole et membre du conseil d’administration au sein de cette association qui œuvre, entre autres, pour une meilleure qualité de vie des patients douloureux chroniques. J’interviens également dans l’animation d’un groupe de parole pour l’association Espoir fibromyalgique 44 à Vertou.
Pouvez-vous nous décrire vos premiers symptômes ? Comment la fibromyalgie affecte-t-elle votre vie quotidienne, vos activités habituelles et votre mobilité ?
Mes premiers symptômes étaient des douleurs de type brûlures, très vives au niveau des épaules et des bras, de la colonne vertébrale et du bassin. Elles s’accompagnaient d’une fatigue quasi permanente que le repos ne diminuait pas. Aussi, mon sommeil n’était pas réparateur, ce qui fait que je me réveillais autant fatiguée que lorsque que je me couchais, et cela, très régulièrement.
Je n’avais plus de force, plus d’énergie, je devenais irritable et perdais patience. Je n’arrivais plus à marcher comme avant et je ne pouvais plus soulever des choses comme une bouilloire par exemple. Je ne sortais plus, car trop douloureuse et trop fatiguée. Je m’isolais de plus en plus.
Des migraines sont ensuite apparues, ainsi que le syndrome du côlon irritable, des troubles cognitifs, le syndrome des yeux secs, le syndrome de la vessie irritable, etc. La liste est assez longue !
Quand avez-vous été diagnostiquée ? Quels examens avez-vous passés ? Qu’avez-vous ressenti au moment du diagnostic ?
J’ai été diagnostiquée en 2019, j’ai passé des tas d’examens : IRM cérébral, IRM médullaire, scanners et radiographies des épaules, du bassin, ainsi que beaucoup de prises de sang pour écarter d’autres maladies comme la sclérose en plaques, la spondylarthrite ankylosante, la polyarthrite rhumatoïde, des tumeurs, etc.
Pour le diagnostic, j’étais à la fois soulagée et contrariée car je pressentais que c’était une fibromyalgie et comme je savais que cela ne se guérissait pas, je me sentais démunie. J’ai vite compris qu’il faudrait que je m’adapte à une nouvelle vie !
Quelle est votre prise en charge médicale ? Quels sont vos traitements ? En êtes-vous satisfaite ?
Au début, j’ai eu de nombreux traitements médicamenteux de type Tramadol, Lyrica® (pregabaline), Laroxyl®( amitriptyline), des perfusions de kétamine et j’en passe. J’étais très réactive et avais beaucoup d’effets secondaires. Alors petit à petit, en accord avec mon algologue et mon médecin traitant, nous avons mis en place une diminution puis un arrêt total des traitements médicamenteux de type antalgiques.
Nous avons mis en place la balnéothérapie depuis mon diagnostic et j’en fais toujours car c’est une bonne alternative pour la gestion de la douleur, la réadaptation à l’effort et la remise en mouvement. Je pratique aussi depuis le début de la kiné en fasciathérapie, car c’est une méthode douce qui me convient parfaitement. Je fais de l’Activité Physique Adaptée (APA). C’est très satisfaisant. Petit à petit, mes capacités ont augmenté, et c’est grâce à tout cela que mon corps s’est réhabitué à l’effort et à moins de douleurs. Ça peut paraître contradictoire, mais le fait de bouger diminue la douleur et fait du bien à notre moral. De plus, j’ai repris confiance en mes capacités motrices. Du coup, dès que je le peux, je fais de la marche.
J’ai aussi longuement fait des séances de rTMS (stimulation magnétique transcrânienne répétitive) pour soulager mes migraines de type algie vasculaire de la face (AVF). Et cela a fonctionné, je n’avais quasi plus de crises. Malheureusement, la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) a décidé du jour au lendemain, de ne plus prendre en charge ces séances de thérapie non invasive et sans effet secondaire, c'était en septembre 2023. J’étais choquée, j’en aurai pleuré. Mes migraines sont revenues évidemment, je peux prendre un comprimé de type triptan (médicament destiné au traitement des crises de migraine aigüe), mais il ne faut pas le prendre trop fréquemment sinon cela augmente les migraines !
J’attends donc avec impatience une autre alternative, qui sera mise en place fin août 2024. C’est la tDCS (stimulation transcrânienne à courant direct), qui a le même principe que la rTMS. Cependant, il s’agit de l'induction, par l'intermédiaire de deux électrodes posées sur le scalp, d'un courant continu de faible intensité, à raison de 40 minutes par séance, et ce, tous les 15 jours, dans le service de traitement de la douleur.
Avez-vous essayé des thérapies alternatives ou des changements de mode de vie ?
Oui, j’en ai cité plus haut.
J’ai aussi fait de la réflexologie plantaire, cela m’a aidée à me détendre. J’ai testé la kinésiologie afin d’apprendre à mieux écouter mon corps. J’ai rencontré une magnétiseuse, afin de me redonner de l’énergie. J’ai pris des compléments alimentaires, comme du magnésium, du radis noir, etc. Je me massais avec des huiles essentielles pour essayer de calmer la douleur ou pour trouver un sommeil réparateur. De ce côté-là, ça n’a pas fonctionné, c’est trop ancré pour le moment.
J’ai changé mon alimentation, je ne supportais plus le gluten, alors j’évite d’en manger et je me sens beaucoup mieux quand je n’en consomme pas. Je mange plutôt des aliments anti-inflammatoires et j’évite les aliments inflammatoires, qui engendrent des douleurs. J’ai aussi appris dans les livres, mais aussi en ETP, sur l’alimentation et la fibromyalgie à la Maison de Santé Pluri-professionnelle (MSP) de Clisson (44). J’ai constaté une nette différence, et quand je fais des écarts, et bien, je le sens passer !!
J’ai également suivi une psychothérapie avec une psychologue et une art-thérapeute. Cela m’a bien aidée pour soigner certains traumatismes.
Je vis à mon propre rythme, du moins j’essaie, car si je me mets trop la pression, je stresse et le stress engendre des douleurs, et le cercle vicieux se réinstalle. Je pratique la respiration abdominale et/ou cardiaque, ce qui apaise mon système nerveux. Je prends du temps pour moi aussi, et j’essaie d’avoir un équilibre dans ma vie. Je travaille beaucoup sur moi, cela aide aussi énormément à relativiser et à accepter les choses telles qu’elles sont. Je me fais plaisir, cette notion est primordiale afin de garder une vie plus joyeuse et non ponctuée de rendez-vous médicaux. Trouver son propre équilibre et redonner un sens à sa vie ont été pour moi « ma solution » afin de tenir avec la fibromyalgie.
Êtes-vous soutenue par votre entourage ? Parlez-vous facilement de la maladie ?
Oui, je suis soutenue. J’ai tout de suite expliqué ce qu’était la maladie afin que mon entourage comprenne qu’un jour, ils peuvent me voir en forme et le lendemain, au lit ! Ainsi, c’était aussi plus simple de dire oui à une invitation tout en spécifiant : “mais si ce jour-là, je ne vais pas bien, j’annulerai à la dernière minute”. Quelques personnes n’ont pas été dans l’empathie, mais plutôt dans le scepticisme, le doute. Eh bien, ces personnes ne font plus partie de ma vie, et finalement, ce n’est pas plus mal ! Autant s’entourer de personnes bienveillantes et avec de bonnes énergies !
Avez-vous été confrontée à des préjugés ou des malentendus en raison de la fibromyalgie, et comment vous y avez réagi ?
Au début, oui, sur mon lieu de travail, avec quelques rares personnes, mais je m’en souviens, elles me faisaient des remarques du style : “Mais tu marches ? Ah, mais ça va beaucoup mieux ?”. Je sentais pertinemment que ce n’était pas sincère et que derrière, il y avait des jugements, mais je ne me suis pas laissée embarquer par ce genre de comportement, cela n’en valait pas la peine, je devais mettre le peu d’énergie que j’avais dans des choses bien plus constructives.
Comment gérez-vous l’impact émotionnel et psychologique associé à la fibromyalgie ?
Comme je l’ai précisé plus haut, j’essaye de mettre en place des rituels bien-être (respiration, cohérence cardiaque, APA, loisirs, plaisir, alimentation anti-inflammatoire, ateliers de développement personnel, savoir dire non, me reposer, communiquer les choses.).
Quand je sens que je suis plus vite submergée, je prends du recul pour me dire qu’il est grand temps que je change quelque chose qui impacte mon équilibre psychologique et émotionnel, et si besoin, je me fais aider par un professionnel de santé. De plus, je n’hésite pas à communiquer avec mes soignants afin de garder un relationnel de confiance, c’est important, car je les vois souvent.
Vous êtes patiente experte en éducation thérapeutique, pouvez-vous partager comment votre propre expérience avec la fibromyalgie a influencé votre approche de l'éducation et du soutien aux autres patients atteints ?
L’éducation thérapeutique du patient (ETP) a été pour moi un élément déclencheur, j’ai pris conscience que je voulais animer ce genre d’atelier. J’ai tout de suite été convaincue que ces ateliers étaient une autre façon de se prendre en charge et d’être le moteur de notre autonomie en termes de soins !
J’en profite pour remercier chaleureusement l’AFVD (Association Francophone pour Vaincre les Douleurs) qui m’a permis de me former à l'ETP, pour pouvoir ensuite coanimer des ateliers à Clisson, avec les professionnels de santé qui m’ont d’abord accueillie, puis intégrée à leur équipe en tant que patiente experte.
Cette approche est indissociable du parcours de soin. Elle est même, à mon sens, primordiale pour les pathologies chroniques et surtout pour la fibromyalgie dont le diagnostic et la prise en charge sont compliqués. J’étais persuadée que mon expérience pouvait enrichir celles d’autres patients, mais aussi des professionnels de santé. Néanmoins, la prise de recul est nécessaire pour mettre à distance son vécu personnel, afin d’apporter une expérience vécue sans être dans les émotions qui peuvent faire parfois écho à mon parcours.
Être patient expert est aussi une question d’attitude. La bienveillance, l’écoute ainsi que la compréhension et l’absence de jugement dans les différents parcours des autres patients sont des qualités majeures pour avoir des échanges de confiance. On ne naît pas patient expert, on le devient !
Comment collaborez-vous avec d'autres professionnels de la santé, tels que des médecins, des infirmières ou des thérapeutes, pour intégrer l'éducation thérapeutique dans les soins et le suivi des patients atteints de fibromyalgie ?
Je collabore avec les différents professionnels de santé comme étant un membre de l’équipe à part entière. Je coanime les ateliers concernant la fibromyalgie avec un kinésithérapeute sur toutes les séances. S’y rajoutent des médecins, une diététicienne et une coordinatrice de la MSP, ainsi qu’une autre kiné et un professeur de Pilates.
Nous n’hésitons pas non plus à inviter d’autres professionnels, pour qu’ils comprennent ce qu’est l’ETP. Nous observons que les relations entre patients et professionnels sont plus sereines, plus enclines à l’échange et à la compréhension lors de ces ateliers où nous prenons le temps de laisser la parole aux patients. Le facteur temps est très important pour avoir une relation d’écoute et d’échanges constructifs.
Je participe aussi à des réunions de travail sur l’ETP, pour des actions communes, des formations et des participations à des journées spécifiques.
Ma voix compte autant que celles des professionnels de santé. Nous travaillons ensemble et non séparément.
Comment vous envisagez l'avenir avec la fibromyalgie, et quels sont vos espoirs et vos objectifs pour votre santé et votre qualité de vie ?
L’avenir, un point très important en effet ! Tout devient plus difficile avec la fibromyalgie, il est nettement préférable de prendre de la hauteur si l’on veut envisager un avenir. Avoir des projets est primordial pour espérer aborder une vie plus qualitative. C’est pourquoi, apprendre à mieux vivre avec une fibromyalgie nécessite la mise en place d’une ETP, afin d’y construire son programme et ses projets de manière individualisée et en accord avec ses propres ressources.
On en apprend tous les jours donc, laissons-nous surprendre par nos capacités, car nous en avons !
Je crois que la fibromyalgie va être une pathologie mieux comprise par le monde médical, et qu’il y aura de plus en plus de médecins formés à sa reconnaissance. Ce qui serait idéal, c’est que celle-ci soit comprise et surtout reconnue par la CPAM afin d’établir un protocole et une reconnaissance en ALD.
Car c’est une maladie qui ne se soigne pas et qui engendre chez certains malades des dépenses pour ce qui est de certaines approches de soins, qui sont très souvent nécessaires dans l’accompagnement des multiples symptômes de la fibromyalgie. En effet, et selon moi, les effets secondaires des traitements médicamenteux sont souvent plus fréquents chez les fibromyalgiques, nous devons tester beaucoup d’autres thérapies non-médicamenteuses. Hélas, rarement prises en charge par l’Assurance maladie.
En ce qui concerne ma qualité de vie, j’essaye d’avoir du temps libre pour mes soins certes, mais aussi pour mes loisirs, car la notion de plaisir est essentielle afin de garder une bonne qualité de vie.
Dès que je sens que je vais moins bien, je ralentis le rythme pour ne pas surexciter mon système nerveux. C’est pour moi la chose la plus difficile à réaliser, car quand je suis dans une bonne période, j’ai envie d’en profiter, malheureusement, je le paye très fort par la suite.
Quels conseils donneriez-vous aux autres membres Carenity atteints de fibromyalgie pour les aider à gérer leur quotidien ?
La notion de prendre soin de soi, de respecter son propre rythme et sans pression est tout un art qu’il faut développer avec cette pathologie complexe. Avoir conscience qu’il y aura à nouveau des bas, mais savoir que nous avons les ressources nécessaires ainsi que des professionnels de santé pour y faire face d’une manière plus douce et plus sereine.
Une bonne communication avec son entourage, ses proches, ses médecins, kinés et autres professionnels, est pour moi primordial si nous voulons avancer ensemble. Ne pas craindre de livrer ses émotions, car elles sont légitimes et nous aident à savoir quels besoins ne sont pas satisfaits.
Notre parcours est certes difficile, mais il est aussi notre richesse, car il nous apprend tellement de choses sur nous et sur notre façon de nous adapter à une autre vie.
Ma fibromyalgie m’a fait acquérir des compétences et aussi des qualités, et m’a fait me surpasser sur des choses que je n’aurai jamais osé faire auparavant. C’est-à-dire, animer un groupe. J'en avais très envie, mais j’étais bloquée par des croyances limitantes, au lieu de déployer mes compétences. Ma fibromyalgie m’a aussi ouvert les yeux sur le fait que je ne pensais pas assez à moi, au sujet de ma santé, et que pour prendre soin des autres, il faut avant tout prendre soin de soi !
Souhaitez-vous ajouter un dernier mot ?
Le parcours du fibromyalgique peut être long et sinueux, mais il est riche de découvertes sur soi. Et cette aventure nous rend meilleur, nous avançons vers une autre version de nous-même !
La maladie est comme une opportunité de grandir !
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