L'endométriose détruit la femme
Publié le 14 mars 2018 • Par Léa Blaszczynski
Découvrez le parcours de @Louise">@Louise* une jeune femme de 30 ans, atteinte d'endométriose depuis dix-neuf ans.
Vous souvenez-vous du jour de votre diagnostic ?
J’avais 20 ans et cela faisait déjà neuf ans que je me plaignais de douleurs intenses pendant mes règles. J’avais même fait une overdose médicamenteuse à force de prendre de l’ibuprofène pendant mon bac. Je suis allée voir la gynéco qui avait diagnostiqué ma grande sœur et tout est allé très vite. J’ai passé une IRM et le diagnostic a été posé. J’étais à la fois soulagée et en colère.
De quelle façon l’endométriose a-t-elle altéré votre qualité de vie ?
J’ai passé seize ans à mettre ma vie sur pause au moins quatre jours par mois. Allongée sur un lit, à prendre de la morphine en buvant du thé avec une bouillotte sur le ventre. Quatre jours sans dormir, sans manger, sans pouvoir lire ou parler, juste à serrer les dents en attendant que ça passe. Ce n’est pas une vie.
Sans compter que l’endométriose a complètement détruit l’image que j’avais de la femme. J’ai fait de l’anorexie à 18 ans parce que je ne voulais plus devenir une femme. Tout ce qui rapporte à la femme : la sexualité, les règles, le corps, la maternité est détruit par l’endométriose.
A-t-elle eu un impact sur vos relations avec vos proches ?
Evidemment. Cela a d’ailleurs fait le tri parmi mes amis. Il y a ceux qui étaient capables de comprendre, qui faisaient preuve d’empathie et qui étaient là pour moi et ceux qui pensaient que j’en faisais trop… Ceux-là ont disparu assez rapidement de ma vie.
Et avec les hommes, c’est encore un autre problème. Déjà, il faut accepter de voir sa compagne souffrir tous les mois, accepter que, peut-être, elle ne pourra pas avoir d’enfants mais en plus, les relations sexuelles peuvent faire mal. Ça fait beaucoup pour les épaules d'un garçon. Certains n’ont pas compris, d’autres ont essayé sans vraiment y arriver. De toute façon, de manière générale, les gens préfèrent aimer quelqu’un qui n’est pas malade.
A-t-elle eu un impact sur votre environnement professionnel ?
Oui, j’ai dû organiser mes jours de repos en fonction de mes deux premiers jours de règles pour ne pas avoir à poser tous les mois deux jours de congés ou deux jours d’arrêt qui n’auraient pas été remboursés. Pour les deux jours suivants, j’ai appris à serrer les dents pour travailler. J’ai eu la chance d’avoir des équipes très compréhensives autour de moi. Et paradoxalement, j’ai reçu plus de compassion de la part de mes collègues hommes que femmes…
Avez-vous souffert de violences gynécologiques ?
Il y a quelque chose d’extrêmement violent et impudique à se retrouver nue sur une table en fer devant un inconnu. Aujourd’hui, j’ai connu tellement de situations difficiles que cela m’importe moins. Mais je me souviens de ce gynéco à l’hôpital que j’avais vu parce que j’avais des règles en continu depuis cinq mois. J’avais 18 ans, j’étais terrifiée, anémiée, épuisée. Il a refusé de m’ausculter parce que j’étais « sale » et il m’a fait une injection de ménopause artificielle sans me préciser tous les effets secondaires qui allaient me tomber dessus (bouffées de chaleur, nausées, vertiges, sécheresse…). Si je pouvais le recroiser aujourd’hui…
Quels sont vos projets à court et long termes ?
A court terme, parler encore et toujours plus de l’endométriose pour que tout le monde connaisse cette maladie. C’est aberrant qu’une maladie qui touche plus d’une femme sur dix soit à ce point tabou. Et à long terme, j’espère qu’une jeune fille qui se plaint de douleurs pendant ses règles ne s’entendra plus dire : « C’est normal ! »
Personnellement, j’espère juste avoir un traitement qui arrête les règles et empêche les douleurs jusqu’à ma ménopause, j’espère que je n’aurai pas à passer par la case « opération » et j’espère que si un jour, je souhaite avoir des enfants, ce sera possible.
Quel message souhaitez-vous transmettre aux personnes dans la même situation que vous ?
Si vous avez mal, battez-vous pour que l’on vous prenne en charge et refusez d’être infantilisée. Exigez des réponses et réclamez des comptes aux médecins. Personne ne sait mieux que vous ce que vous ressentez. Si vous dites que vous avez mal alors vous avez mal et ce n’est pas normal.
Merci à Louise d'avoir partagé son histoire. Et vous, quelles répercussions l'endométriose a-t-elle eu sur votre quotidien ? Comment vous organisez-vous ?
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