Vivre un grave accident vasculaire cérébral à 21 ans
Publié le 29 mars 2018 • Par Léa Blaszczynski
Découvrez l'histoire de Natacha (@Natacha2018) touchée par un grave accident vasculaire cérébral (AVC) à l'âge de 21 ans. Après un douloureux parcours de onze ans, elle est enfin apaisée et souhaite partager son histoire.
Comment est survenu cet AVC ?
Le soir du 22 décembre 2006, j'allais rentrer en "blocus", j'étais off pour mon stage et mes cours afin de pouvoir étudier mes examens de janvier. Du coup, une dernière petite sortie s'imposait. Dans la voiture avec mon meilleur ami, on rigole comme des fous, mon dernier instant de bonheur avant bien longtemps... On arrive à la soirée, je n'ai pas le temps de dire bonjour que bam bam bam... Sans que je m'y attende, je sens que quelque chose ne va pas, je perds pied, je tombe, je vomis, je n'ai plus de force et tout mon côté droit se paralyse. Les gens me parlent, je ne les comprends pas et je n'arrive plus à m'exprimer.
Quelle a été votre prise en charge immédiate ?
Mes amis m’emmènent directement aux urgences. Là, on me demande de rester dans la salle d'attente... Je suis enfin reçue alors que mes parents arrivent. La personne des urgences déclare que soit je me suis droguée (alors que je n'ai jamais touché aux drogues dures), soit que j'ai fait une crise d'épilepsie ! Je reste là, allongée, ne comprenant rien et durant un instant, je vois de la lumière très blanche... Avec le recul, je pense que j'étais très loin ce soir-là !
Je suis arrivée à l'hôpital dans un état déplorable et je vois encore mes parents s'énerver contre la non-réactivité de ma toilette. Quand, enfin, ils me changent, je re-vomis, du coup, on me rechange et m'installe dans une chambre seule. Je suis dans un état d’épuisement total... Je dors pendant deux jours entier. Etais-je surmenée ? Aujourd'hui, je le pense !
Des amis, de la famille sont venus me voir mais j’étais dans un sommeil profond... Je me souviens juste de la visite de mon meilleur ami avec deux amis (que je n'ai pas reconnu à ce moment) qui m'ont demandé ce que j'avais mangé et je leur ai répondu "des céréales au Bruce Willis et Cameron Diaz..." Deux jours plus tard, on me laisse rentrer chez moi avec pas de réel diagnostic et des médicaments non-adaptés : des calmants et des cachets pour les épileptiques. Je dors constamment, je ne suis capable de rien. J'ai récupéré une partie de mon côté droite sauf la mâchoire.
Mes parents, déboussolés, me ramènent à l’hôpital. On y passe la journée à attendre d'être pris en charge et puis, on tombe sur quelqu'un qui nous dit en me voyant, que j'ai autre chose qu'une crise d'épilepsie et que cet hôpital n'a pas d'IRM et que ça serait bien que j'aille en faire un dans un autre hôpital... Arrivés là-bas vers 23h30, le service des IRM rouvre pour moi. C'est horrible, ça fait tellement de bruit... Après un AVC, tous les bruits violents sont démultipliés. C'est insupportable. Le verdict tombe enfin : AVC à 21 ans. Mais je ne me rends pas compte...
Que s'est-il passé alors ?
On me place dans une chambre en isolement pendant 2-3 jours. Personne à qui parler, pas de TV, impossible de lire même un magazine. Je dois appeler pour faire mes besoins et ma toilette... L'horreur totale. Mais surtout, j'ai peur. C'est très dur pour une jeune fille de se rendre compte de ce qui arrive. Je me sens fatiguée, affaiblie et je suis dans une profonde colère... Je veux juste qu'on me foute la paix ! Les médecins sont constamment sur mon dos, sans doute parce que je suis très jeune pour faire un grave AVC. J'ai l'impression d'être un rat de labo ; je me souviens d'une fois où j'avais 6 médecins autour de mon lit et je ne comprenais toujours rien !
Comment avez-vous affronté la suite ?
De retour à la maison, je suis encore plus perdue que jamais mais la vie doit reprendre son cours. Je reprends mes cours, mon stage et, un peu plus tard, ma vie sociale... Je veux courir, sans prendre le temps de me poser ou de réfléchir aux causes de cet AVC. Bref, une souffrance constante me suit jour après jour.
Dans des moments de découragement total, heureusement que mes parents sont là. Je n'aurais probablement jamais été au bout de mes études, je n'aurais jamais pu voir Niagara Falls ou New York. J'ai de la chance d'avoir des parents qui m'ont entourée d'un amour bienveillant tout en me poussant vers les haut.
Quel impact l'AVC a-t-il eu sur votre quotidien ?
Avant mon AVC, j'avais un corps parfait, j'étais vraiment bien dans mes pompes mais à l’hôpital, j'ai commencer à faire une petite boulimie... Manger, manger, manger... Il n'y avait que cela qui me réconfortait. On m'a dit : "Ne prenez plus la pilule, ne fumez plus, mangez sainement, mâchez beaucoup de chewing-gum, prenez votre asaflow (toute ma vie??), allez chez le neurologue tous les 6 mois et plus si vous tombez enceinte..." Et une autre chose : ma perte de libido totale. Pendant un an, j'ai perdu tout envie. Le fait qu'on me touche me dérangeait et mes règles ont mis du temps à revenir.
Comment avez-vous réussi à construire votre vie ?
Après avoir galéré pendant trois ans pour mes études, pour mes cours intensif de logopédie, mes séances de psy, mes visites chez les neurologues, psycho-pédagogue, je n'en pouvais plus... J'ai pris le large et me suis embarquée pour la plus belle aventure de ma vie : neuf mois au Canada, seule. Une expérience unique. Je découvrais la liberté et j'étais enfin moi-même.
A mon retour, ce sentiment de souffrance est revenu. Mais j'ai enchaîné. J'ai accepté un travail qui, au fond, ne me correspondait pas du tout. Au début, je me sentais bien, j'apprenais le job de vendeuse, mes collègues étaient top, je suis devenue assistante, j'étais contente... Je pensais que je remontais mais non. Je m’embêtais, je n'étais pas valorisée, il n'y avait aucune reconnaissance... Cela a duré sept ans avant que mon corps ne dise stop. J'ai démissionné et je suis sortie de ma zone de confort. Quel chemin, quelle bataille mais quel bonheur.
Quelle est votre situation aujourd'hui ?
Je suis enfin heureuse et presque épanouie. Je prends le temps de me reconstruire. Je crois en moi, en l'avenir, en la vie et je pense que j'aurais dû prendre ce temps-là après mon AVC. Prendre conscience que c'était un appel à changer quelque chose dans ma vie. Mais il a fallu onze années de galère, de souffrance et de mal-être pour m'en rendre compte...
Je ne suis qu'au début de mon Everest mais je pense être prête à vivre ma vie et retrouver le bonheur simple. La beauté du doute, l'inconnu qui a encore de belles choses à m’offrir ! Merci la vie de m'avoir donné ces forces, ces expériences, je n'en tire que le meilleur...
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