Fibromyalgie et AVF : “Je souhaite aider les personnes en errance diagnostique.”
Publié le 6 sept. 2023 • Par Candice Salomé
Jade, dite @nuage.chronique sur les réseaux sociaux, est âgée de 20 ans et est atteinte de fibromyalgie et d’algie vasculaire de la face (AVF). Ses premières douleurs ont débuté pendant l’adolescence mais son médecin ne la prenait pas au sérieux, pensant qu’elle était “hypocondriaque”.
Désormais diagnostiquée et prise en charge, elle est très handicapée dans son quotidien de jeune adulte et a développé d’autres troubles tels qu’une anxiété chronique. Elle partage son quotidien pour aider d’autres personnes en errance diagnostique ou, simplement, qui souhaitent s’informer sur leurs pathologies. Elle se livre dans son témoignage pour Carenity.
Découvrez vite son histoire !
Bonjour Jade, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je m'appelle Jade, j'ai 20 ans et j'habite la magnifique ville de Strasbourg. Ma passion (qui est également le rêve de ma vie) est la cuisine ! Je suis également une grande passionnée de jeux de société, je rêverais d'une ludothèque immense.
Vous êtes atteinte de fibromyalgie. Pourriez-vous nous dire comment la maladie s’est-elle manifestée dans votre vie ? Quels ont été vos premiers symptômes ? Quel âge aviez-vous ?
Les premiers symptômes remarqués ont été des douleurs de ventre, comme de règles mais en dehors de cette période, très intenses. J'avais, à ce moment-là, 17 ans.
Puis, des problèmes de vessie et, par la suite, des douleurs aux jambes avec du mal à marcher.
Avec du recul, je pense avoir eu de premiers symptômes lorsque j’étais plus jeune, mon médecin disait à mes parents que j'étais hypocondriaque puisque la moindre petite blessure faisait mal plus que chez d'autres personnes (même si le seuil de tolérance à la douleur est personnel) et ça durait plus longtemps que le moyenne.
J'ai également, à mes 16 ans, eu les cervicales bloquées avec des douleurs qui sont toujours là aujourd'hui et qui sont inexpliquées.
Qu’est-ce qui vous a poussé à consulter ? Combien de temps a-t-il fallu pour que le diagnostic de la fibromyalgie soit posé ? Combien de médecin avez-vous rencontré ? Et quels examens avez-vous dû passer ?
Ma maman m'a emmenée aux urgences en juin 2020, à cause de douleurs aux lombaires, et du fait que j'avais du mal à uriner (elle avait peur d'une pyélonéphrite).
Après avoir éliminé les risques graves, j'ai été hospitalisée 10 jours. Ma prise de sang montrait des signes d'inflammation assez hauts, sans trouver la cause.
J'ai eu beaucoup d'échographies, prises de sang, IRM, une coloscopie et une gastroscopie. La seule chose trouvée fût une légère endométriose, on me dira donc que mes douleurs viennent de là.
En sortant, j'ai été sous morphine et suivie par une pédiatre de la douleur qui sera la médecin la plus humaine que j 'ai connue. Elle me diagnostiquera au mois de décembre 2020 d'une fibromyalgie au vu de mes symptômes et après avoir éliminé les autres maladies possibles.
Aussi, vous êtes atteinte d’algie vasculaire de la face (AVF). Quand avez-vous été diagnostiquée ? Quelles sont les manifestations de la maladie dans votre quotidien ?
J'ai été diagnostiquée de l'AVF en novembre 2021, très rapidement, car grâce aux réseaux sociaux, j'avais déjà entendu parler de la maladie.
C'est une maladie extrêmement douloureuse. En période de crise, je peux avoir 6 crises par jour d'une durée variant entre 30 minutes à 3 heures. J'ai tellement mal que je souhaiterais mourir dans ces moments-là pour ne plus ressentir la douleur. Il m'arrive d 'essayer de me faire mal ailleurs pour ressentir moins la douleur de la crise.
Il y a également une forte fatigue chronique et un épuisement après les crises.
Comment avez-vous réagi à l’annonce de ces diagnostics ? Connaissiez-vous ces deux pathologies ?
Les deux annonces ont été un choc. Moi qui étais plutôt en forme, me voilà atteinte de maladies chroniques sans traitements existants. Beaucoup de « pourquoi » et de questions se mélangeaient dans ma tête. J'ai aussi fait une dépression et je suis actuellement en rechute.
J'ai eu la chance de pouvoir compter sur le docteur A., ma pédiatre de la douleur qui ne m'a pas laissée jusqu'à ce qu'un médecin d'adultes, avec qui ça se passe bien, me suive. J'ai donc pu avoir beaucoup d'informations par des médecins et, d'autres part, des personnes ayant les mêmes pathologies sur les réseaux sociaux.
Quelle est votre prise en charge actuelle ? Quels sont vos traitements ? En êtes-vous satisfaite ?
Je suis prise en charge au CETD (Centre d'Évaluation et de Traitement de la Douleur) par une neurologue géniale, je vois régulièrement mon médecin traitant et 2 fois par semaine ma kiné à domicile.
Je n'ai plus énormément de traitements, ayant eu un sevrage de morphine en juin 2022, je n'ai plus le droit aux opiacés. Je prends de l'Acupan en anti-douleurs et du triptan en spray nasal (trop peur des piqûres) avec de l'oxygène en cas de crises.
J'avais également une fois par mois des perfusions de kétamine en HDJ (Hôpital de jour) qui me permettaient de n'avoir quasiment plus de crises pendant 4 à 12 semaines.
J'utilise du CBD en huile et en baume de massage également.
Avez-vous d’autres pathologies ? Si oui, lesquelles ? A quel point vous handicapent-elles au quotidien ? Quels sont leurs symptômes ?
Je suis atteinte d'endométriose et/ou d’adénomyose (endométriose interne à l'utérus), les médecins ne sont pas d'accord entre eux.
Chez moi, ce sont principalement des douleurs au ventre majorées une semaine avant, pendant et après les règles, ainsi que des douleurs lombaires, des règles hémorragiques, des dyspareunies, des malaises tellement les douleurs sont atroces… Avec la pilule en continue, ça m'handicape moins, c'est plus supportable. Sans, je ne peux pas sortir pendant des jours.
J'ai une thyroïdite auto-immune qui ne me donne pas de symptômes, je dois juste contrôler par prise de sang régulièrement.
Niveau psychologique, j'ai un trouble de l'anxiété généralisé qui fait que j'angoisse et que je stresse non-stop pour pas grand-chose.
Un SSPT (syndrome de stress post-traumatique) qui joue grandement sur mon quotidien avec des réflexes, des choses que j'ai peur de faire, une grande angoisse, particulièrement face à certaines situations.
Aujourd'hui, je n'ai pas de suivi psy, car tout le monde se redonne la charge entre eux, ou alors ça se passe mal, en me disant que je n'ai rien ou encore que mon cas est trop complexe… Je suis seule face à moi-même.
Quel est l’impact de la maladie sur votre vie scolaire et sociale ? Qu’est-ce qui est, selon vous, le plus dérangeant au quotidien ? Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous faites face ?
C'est arrivé pendant mon année de bac. Par chance, les cours étaient à distance et le bac en contrôle continu à cause du Covid.
J'ai pu faire ma poursuite en Mention Complémentaire Employé Traiteur (spécialisation en cuisine traiteur). Malheureusement, je n'ai pas pu effectuer mes stages mais je me suis forcée et j’ai tout donné pour aller en cours, quitte à rester assise 6 heures d'affilées à ne rien faire. Au final, ça n'aura rien changé car, à une semaine de l'examen, quand j'ai reçu ma convocation, j'ai appris que le rectorat avait refusé que je le passe à cause des stages manquants.
Cette année s'est mal passée, le médecin scolaire a refusé de me voir pour des aménagements toute l'année car « il y avait plus urgent que moi », rien n'était adapté (pas le droit à ma béquille en cuisine, accès possible que par escaliers…). La seule chose fût que les professeurs et la direction étaient tops !
Désormais, vous parlez de la maladie sur les réseaux sociaux. Qu’est-ce qui vous y a poussé ? Quels messages souhaitez-vous transmettre à vos abonnés ? Et quels sont leurs retours ?
Je souhaitais pouvoir aider les gens qui viennent de se faire diagnostiquer ou qui sont en errance diagnostique, ainsi que sensibiliser aux maladies et aux handicaps invisibles. Certains comptes ayant fait la même chose, pour moi, avant et après mon diagnostic. Je souhaiterais que personne ne sente seul, perdu, ou abandonné.
Certaines personnes me remercient, j'ai également rencontré des personnes qui sont des amis aujourd'hui.
>> Retrouvez Jade sur Internet ici <<
Que pensez-vous que les réseaux sociaux, forums santé et podcasts apportent aux patients dans la gestion de la maladie ? Est-ce important, selon vous, d’être informé sur ses pathologies ? Si oui, pourquoi ?
Les différentes ressources qui parlent de la maladie sont très utiles pour se sentir moins seul, compris, apprendre des détails ou pouvoir poser des questions de type questions « bêtes » même si, à mon sens, il n'y a aucune question bête ! Celles que l'on n'oserait pas forcément poser à son médecin. Il est important d'être informé sur les maladies car lorsque l’on sait, on n’a moins peur de l'inconnu !
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
J'aimerais aider les malades, j'essaie actuellement de monter un projet mais c'est plus compliqué que ce que je ne pensais. J'aimerais, sur le long terme, reprendre une activité professionnelle.
Enfin, quels conseils pourriez-vous donner aux membres Carenity également touchés par un handicap invisible ?
Vous avez des ressources que vous ne soupçonnez pas, vous êtes capables de plus que vous ne le pensez. Après la pluie vient toujours le soleil, sans pluie, il n'y a pas d'arc en ciel, ne l'oubliez pas !
Un dernier mot ?
C'est dur et souvent injuste mais ce n'est jamais de votre faute. Merci à Carenity de me donner la parole ainsi qu'aux autres. Une grosse pensée pour les proches et aidants, on n'y arriverait pas sans vous !
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