Endométriose et fibromyalgie : “Ma vie s’est un peu arrêtée, mise en stand-by.”
Publié le 10 avr. 2024 • Par Candice Salomé
Célia, dite @cadou_endoandco sur Instagram, est atteinte d’une endométriose sévère. Ses douleurs ont débuté dès l’arrivée de ses premières règles et n’ont fait qu’empirer au fil du temps. Il aura fallu plus de 7 ans pour qu’elle puisse être diagnostiquée.
Lors d’une cure thermale, l’un des médecins lui fait remarquer qu’il ne s’agit peut-être pas uniquement de l’endométriose. Célia prend alors rendez-vous avec un rhumatologue qui lui diagnostiquera également une fibromyalgie.
Actuellement, sa vie est mise sur pause, elle ne peut plus travailler et doit être aidée au quotidien. Elle espère que sa future opération lui permettra de pouvoir avancer.
Elle se livre dans son témoignage pour Carenity. Découvrez vite son histoire !
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je m’appelle Célia, je vis dans le Sud de la France, proche de la frontière espagnole. Je suis espagnole du côté de ma mère et française du côté de mon père. J’ai 27 ans et j’ai un grand frère de 30 ans dont je suis très proche. Je suis également « Tatie » de la fille de mon frère, ma petite princesse, qui a 15 mois, et « Tatie de cœur » de la fille de ma meilleure amie, qui a 2 ans et demi. Je vis encore chez mes parents, à ce jour, à cause de la maladie.
J’aime passer du temps en famille. Mais pour être honnête, nous venons d’apprendre que ma mère, dont je suis très proche également, est atteinte de son troisième cancer. Donc ma vie est actuellement centrée sur elle. J’apprécie également passer du temps avec ma meilleure amie, d’autant plus que nous partageons la même maladie. On pourrait dire que j’ai trouvé ma moitié à la fois sur le plan amical, que sur le plan médical. J’avais une vie bien remplie avant d’être malade.
Vous êtes atteinte d’endométriose et avez été diagnostiquée en 2019. Pourriez-vous nous dire comment la maladie s’est-elle manifestée dans votre vie ? Quels ont été vos premiers symptômes ? Quel âge aviez-vous ?
La maladie s'est manifestée lors de mes premières règles. Ce n’est pas venu progressivement, mais dès le début, ça a été violent. Je les ai eus tard : j’étais en étude, au collège, j’avais 15 ans. Je ne me sentais pas bien. Je suis allée aux toilettes et j’ai vu des tâches orangées sur ma culotte. Ma mère m’avait parlé de ce moment. Je l’ai appelée, elle m’a dit quoi faire, puis mon père est venu pour me récupérer. Mais là, l’enfer a commencé et ne s'est jamais arrêté. J’ai fait un premier malaise dans les toilettes. J’avais d’énormes douleurs, des coups de couteaux, des brûlures, à me tordre les ovaires, et avec des vomissements, de la diarrhée, une migraine et un sacré mal au dos. Et je perdais énormément de sang. Ce schéma s'est répété mois après mois, et les symptômes ont progressivement empiré.
Qu’est-ce qui vous a poussé à consulter ? Combien de temps a-t-il fallu pour que le diagnostic de l’endométriose soit posé ? Combien de médecins avez-vous rencontrés ? Et quels examens avez-vous dû passer ?
Après trois mois, mes symptômes ne faisaient qu'empirer. On a donc décidé de consulter un médecin, d’autant plus que mes parents étaient également inquiets. Les médecins ont commencé par me prescrire une pilule, puis deux, puis trois… J'ai subi de nombreux examens, dont des IRM, des échographies, des prises de sang et des scanners, mais tous les résultats étaient normaux. Les examens se sont donc poursuivis. Quatre, cinq, six, sept pilules… Il m’aura fallu presque sept ans pour obtenir un diagnostic. Je ne peux pas vous dire le nombre exact de médecins que j’ai rencontrés, mais j’ai vu plusieurs gastroentérologues, gynécologues, endocrinologues, en plus de mon médecin traitant. Et puis, j’ai finalement rencontré ma spécialiste actuelle, qui a été ma sauveuse.
Quel est votre parcours avec l’endométriose ?
Après des années à tourner en rond, j’ai enfin rencontré un gynécologue qui m’a parlé de l’endométriose et qui m’a dit que mon cas y ressemblait beaucoup. Mais comme il n'était que remplaçant, je ne l’ai vu que deux fois. La gynécologue qui a repris mon dossier m'a presque ri au nez. Mais par chance, ou miracle je ne sais pas, j’en ai parlé à mon médecin traitant : pour lui, c’était sûr que c’était de l’endométriose. Il m’a même dit qu’il aurait dû y penser plus tôt. Il m’annonce alors qu’il donne des cours avec une spécialiste de l’endométriose et me somme de prendre rendez-vous, pour lequel il me fera un courrier.
Pour être diagnostiquée, j’ai dû être opérée une première fois en coelioscopie avec exérèse des lésions le 2 août 2019. À ce moment-là, j’étais déjà à dix pilules et des cachets plus forts les uns que les autres, toujours crescendo (Doliprane Codéiné, Lamaline, Izalgi, Acupan, Tramadol, et pour finir Morphine…). À l'issue de l’opération, la spécialiste m’a mise sous ménopause artificielle par injection qui dure trois mois et à la fin des trois mois, je devais reprendre une nouvelle pilule. Donc la onzième.
Malheureusement, la maladie est revenue de plus belle six mois après l’opération et j’étais réglée, malgré la pilule. Il a fallu m’opérer une deuxième fois, le 15 mars 2021, pour de nouveau retirer les lésions et me soulager un peu. Elle m’a de nouveau remise sous ménopause artificielle pendant trois mois. Mais cette fois-ci, le post-opératoire ne s'est pas passé comme prévu et j’ai été hospitalisée. Entre l’endométriose et le syndrome du côlon irritable, rien n’allait.
Après cet épisode et à la suite de grosses douleurs au diaphragme, on m’a suspecté une endométriose diaphragmatique. Après cette opération, j’ai eu cinq mois de répit mais la maladie est revenue de plus belle. À ce jour, je suis à quatorze pilules essayées, cinq injections de ménopause artificielle et je vais me faire opérer pour la troisième fois fin mars 2024.
En 2022, suite à de nombreuses douleurs, on vous conseille de rencontrer un rhumatologue. Que s’est-il passé lors de cette consultation ? Quel diagnostic avez-vous reçu ? Quels étaient vos symptômes à cette époque ?
En 2022, je décide de faire une cure thermale pour l’endométriose. Le médecin de la cure, très gentil, disponible, à l’écoute, me fait part de ses doutes concernant certaines de mes douleurs. Il me dit que tout n’est pas expliqué par l’endométriose et que certaines de mes douleurs lui font penser à une fibromyalgie. À ce moment-là, je faisais justement la cure avec une fille déjà diagnostiquée d’une fibromyalgie et elle aussi m’a fait part de ses doutes.
Quand la cure s’est terminée, j’ai décidé de prendre rendez-vous avec un rhumatologue qu’on m’a conseillé. Lors de la consultation, je lui explique pourquoi je suis là, quelles sont mes douleurs, l’intensité, la durée… J’ai de fortes douleurs au cou, aux cervicales, aux épaules, dans le bas du dos, au niveau des membres inférieurs et, surtout, la hanche et jambe gauches qui me font énormément souffrir (je pensais que ça venait de l’endométriose), j’ai aussi des fourmillements dans les mains et une raideur importante le matin (je me lève et j’ai mal partout).
Je lui explique surtout que j’ai beaucoup de mal à marcher et à courir, que je ne peux plus conduire une voiture manuelle et que j’ai une perte de sensibilité à la jambe gauche, des fourmillements et que juste, parfois, la poser est un enfer. Il m’ausculte, puis me prescrit des examens mais ne peut pas se prononcer tout de suite, car pour lui, cela peut également être une spondylarthrite ankylosante. Il m’a dit : « seuls les examens nous donneront les résultats ».
Il me prescrit toute une batterie d’examens : prise de sang, ECBU, radio de tout le corps, IRM des sacro-iliaques et scanner, et me fait remplir un questionnaire sur mes douleurs pour évaluer s’il y a une fibromyalgie (par le biais d’un score). Quatre mois après, je le revois en consultation avec les résultats : mes résultats ne montrent pas de spondylarthrite, cependant, le questionnaire montre bien une fibromyalgie sévère. Il m’explique qu’avec l’endométriose, ce n’est pas étonnant, que ces maladies vont souvent de pair et que c’est l’effet d’une bombe. Sur le compte-rendu, il est donc noté : « présente une rachialgie cervico-lombaire et des polyarthralgies d’horaire inflammatoire avec atteinte des 4 membres, dans un contexte de fibromyalgie ».
Avez-vous recours à des traitements non-médicamenteux ? Si oui, lesquels ? Quels en sont les bienfaits ?
Oui, j’ai eu recours à des traitements non médicamenteux, comme des compléments alimentaires à base de plantes que je prends en cure et des vitamines. J’utilise également le TENS (technique d’analgésie non médicamenteuse utilisée depuis plus de 30 ans dans la prise en charge des douleurs chroniques).
Je fais aussi de la kinésithérapie depuis maintenant deux ans. Je pense d’ailleurs que c’est ce qui m’aide le mieux pour les douleurs chroniques. J’ai généralement deux à trois séances par semaines. Elle utilise INDIBA : c’est une technique de radiofréquence qu’elle utilise pour les douleurs pelviennes, notamment pour détendre les lésions. Elle peut également servir pour les cicatrices à la suite d’une opération. Elle a des propriétés antalgiques, anti-inflammatoires, de vascularisation et de réparation sur différents types de tissus à traiter (muscles, tendons, ligaments, tissus vasculaires ou nerveux). J’ai aussi fait de la balnéothérapie mais ça ne m’a pas convenu.
Je fais également beaucoup d’étirements qui m’aident au quotidien et je me suis mise au yoga.
Quel est l’impact de la maladie sur votre vie privée et professionnelle ?
La maladie a eu et a toujours un grand impact dans ma vie. Je devais passer les concours de sous-officier de Gendarmerie mais à un mois des concours, j’ai dû arrêter à cause de ma santé. Il y a bientôt deux ans, j’ai été reconnue inapte à mon emploi de conseillère clientèle. Aujourd’hui, j’attends ma troisième opération pour espérer me lancer dans la reconversion professionnelle que je souhaite entreprendre.
Concernant ma vie privée, il y a des hauts et des bas. J’ai un copain compréhensif donc ça m’aide beaucoup. Mais pour le reste, ma vie s’est un peu arrêtée, mise en stand-by. J’ai perdu mon emploi, puis j’ai dû arrêter de conduire à cause de ma jambe douloureuse car la conduite me provoquait des douleurs. J’avais totalement perdu mon indépendance, vous imaginez à 27 ans ? Être accompagnée partout de son père, de sa meilleure amie, de son copain, son frère ? J’avais imaginé ma vie différemment. Moralement, c’est très compliqué également. Mais heureusement, et à force de se battre, j’ai pu reprendre la conduite en m’achetant un véhicule adapté à mon handicap, sinon c’était un cercle vicieux.
Vous avez un compte Instagram nommé « Cadou_Endo&Co ». Qu’y proposez-vous ? Dans quel but avez-vous décidé de créer ce compte ?
Effectivement, j’ai un compte Instagram en lien avec mes pathologies. J’y parle des maladies chroniques et invisibles qui m’handicapent au quotidien. Je parle aussi de mon quotidien, de ma vie avec les maladies, de mes victoires comme de mes échecs. J’ai décidé de créer ce compte, tout d’abord pour sensibiliser à l’endométriose, premier diagnostic que j’ai reçu, puis après est venue la fibromyalgie.
Mon but était de sensibiliser, écouter, partager mon parcours. En fait, je voulais juste aider d’autres filles afin qu’elles ne vivent pas autant d’années d’errance médicale que moi. Moi, personne ne m’a aidée. Je savais que d’autres étaient dans le même cas que moi, donc je voulais être cette épaule, si elles en avaient besoin. Je partage, je véhicule des informations, je sensibilise, je conseille et donne des astuces, j’écoute, etc. Bref, vous l’aurez compris : j’essaye d’être la plus présente pour toutes ces femmes en détresse.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Je me fais opérer fin mars pour l’endométriose. À l’issu de cette opération, j’aimerais pouvoir commencer ma reconversion professionnelle, sachant que j’ai enfin pu changer mon véhicule pour une boite automatique (je tiens à souligner que la MDPH a refusé de m’aider malgré les cinq courriers de mes spécialistes). Heureusement, j’ai vendu mon ancienne voiture, et avec l’aide de mes parents et de mon frère, j’ai pu en racheter une, pour retrouver un sentiment d’indépendance qui m’a été arraché il y a deux ans. Et, à terme, avoir un chez moi, construire ma vie et peut-être avoir un enfant. Je dis bien peut-être car j’ai passé des examens pour la fertilité qui ne sont pas très bon pour mon âge, je risque de devoir passer par une PMA.
Enfin, quels conseils pourriez-vous donner aux membres Carenity également touchés par le fibromyalgie et/ou l’endométriose ?
Le plus important est que si vous souffrez : non, ce n’est pas dans votre tête. Avec l’endométriose, on vous le dira souvent. Malgré tout, il faut vous battre et ne rien lâcher. Je sais que le système médical peut être dur et cruel, mais vous êtes autant légitime que quiconque, même si votre maladie est invisible. Ne vous laissez pas rabaisser par qui que ce soit. J’ai mis 7 ans mais j’ai réussi à avoir des mots sur mes maux. Il faut montrer que l’invisible peut devenir visible auprès de tous.
Un dernier mot ?
Merci Carenity de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer et de témoigner. Merci pour ce que vous faites, c’est-à-dire mettre les maladies chroniques en lumière et permettre aux personnes dans l’errance et aux proches d’être informés. Merci de votre présence.
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