Delphine Remy : entre combat et espoir face au cancer du sein (partie 1)
Publié le 15 janv. 2025 • Par Candice Salomé
Le cancer du sein bouleverse bien des vies, mais il révèle aussi une incroyable force intérieure chez celles et ceux qui le traversent. Delphine Remy partage son expérience unique, entre les hauts et les bas de la maladie, et l'envie d'accompagner d'autres personnes sur ce chemin. À travers ses écrits, son livre, son podcast et son engagement, elle illustre la puissance de l'entraide, de la résilience et de l'espoir.
Découvrez vite son histoire !
Dans le cœur de la maladie et juste après, quand j’écrivais un témoignage, un article ou un post, mes propos pouvaient prendre une tournure diamétralement opposée d’un jour à l’autre. De joyeuse, positive et optimiste dans un premier temps, je pouvais virer le lendemain, ou l’heure d’après, vers une humeur plus négative, sombre et plombante.
C’est cela un cancer.
Une suite infinie de joies, de peines, de paysages désertiques, de zones d’accalmie, de rencontres inoubliables, magiques parfois, mais aussi de pertes, de deuils à faire et de réalités difficiles à accueillir. Mais n’est-ce pas cela la vie finalement ? Une suite de hauts et de bas qui sont, pour beaucoup, particulièrement exacerbés pendant et après la maladie.
Alors qu’ai-je envie de partager dans cet article ? Pas évident de résumer puisqu’il m’a fallu non seulement un livre de 400 pages pour raconter mon histoire, mais également un blog que j’alimentais encore deux ans après la sortie de mon livre et un podcast où je publie de manière hebdomadaire. Il y a tant à dire de cet événement qu’on n’a vraiment pas choisi et qui vient chambouler notre vie en un quart de seconde, bien souvent à la lecture d’une imagerie inquiétante et/ou d’une biopsie qui marquera à tout jamais notre vie d’un avant et d’un après.
Qui suis-je ?
Je m’appelle Delphine Remy. J’habite en Belgique après avoir vécu un paquet d’années au Texas. J’ai fait mes premiers pas professionnels dans le monde financier, mais ça ne m’a pas passionnée. J’ai ensuite été interprète médicale pour des réfugiés africains séropositifs, professeure de français, chef privé et traiteur pendant plus de dix ans, j’ai lancé « Les Tartes de Marie » à Houston. Je suis nutrithérapeute spécialisée dans les comportements alimentaires et j’ai créé une école virtuelle pour aider les personnes souffrant d’une relation compliquée à la nourriture, ayant moi-même connu l’enfer des troubles alimentaires.
C’était enivrant mais épuisant ! Et puis pourquoi en fait ? C’était trop, mais je l’ai compris un peu trop tard…
Le cancer est venu s’inviter dans ma vie en juin 2019. Il était petit mais très agressif et j’ai donc eu la « totale ». Tumorectomie, mastectomie, chimiothérapie, radiothérapie, mastectomie prophylactique et hormonothérapie pendant 5 à 10 ans, c’est encore à décider. J’ai terminé le long processus de reconstruction mammaire en « 8 stops ». Un vrai parcours du combattant… C’est d’ailleurs la première fois que j’utilisais le mot « combat », je n’avais pas l’impression d’être sur un ring de boxe pendant ma maladie. J’y reviendrai dans cet article.
Ma mission aujourd’hui
Aujourd’hui, je suis totalement investie dans la lutte contre le cancer. Mon combat pour les personnes touchées de près ou de loin par la maladie se fait via ces canaux :
- Mon livre nommé « Cancer ? Je gère ! » publié aux Ed. Mardaga
- Mon site du même nom
- Mon groupe de soutien, du même nom encore, sur Facebook
- Mon podcast « Naître princesse, devenir guerrière » où je donne la parole à des personnes ayant traversé l’épreuve de la maladie (tout cancer confondu), ainsi qu’à des experts et professionnels de santé.
- Mon « Petit Guide pour consoler une personne malade : les choses à (ne pas) dire et les gestes et attentions qui consolent »
Cancer ? Je gère ! Je suis loin d'avoir tout géré... Gérer pour moi signifie s'écrouler, puis se relever. S'écrouler encore et puis se relever encore, et tenter de transformer l’obstacle en tremplin.
Via tous ces canaux et réseaux, j’offre aux personnes malades un espace où tous les sujets liés au cancer, quel qu’il soit, sont abordés sans tabou ni jugement mais avec bienveillance, complicité et respect. L’épreuve du cancer m’a donné une envie incompressible d’informer, de partager, de (re)donner espoir et d’aider.
Tips and tricks pour passer à travers la tempête
On me demande souvent si j’ai des conseils à donner. En fait, je déteste les conseils non-sollicités et encore moins les injonctions. Il faut garder le moral, il faut rester positive, il faut garder espoir, tu dois bouger, tu dois voir le verre à moitié plein, il faut tourner la page. Du poison. Un réel poison pour la personne malade. Mais souvent le reflet des peurs de celui qui les énonce, ou une simple maladresse plutôt qu’une mauvaise intention. Il est très difficile de se mettre dans la peau d’une personne malade, de même que de comprendre le tsunami émotionnel engendré par la maladie si on ne l’a pas vécu soi-même. C’est normal et surtout c’est ok, mais les injonctions, c’est un no no !
Il n’y a pas vraiment de trucs et astuces applicables à tous parce que nous vivons cette épreuve de manière unique et très personnelle. Elle vient nous bousculer au plus profond de nous-même et bien souvent tout remettre en cause. Ce que je partage donc ici et à travers tous mes canaux et réseaux sociaux n’est que le reflet de mon expérience personnelle et ne constitue en rien des règles à suivre. Seul VOUS savez ce qui est bon pour vous. En revanche, j’en ai fait ma mission (de vie…) de lever les tabous, de faire bouger les lignes, d’informer avec bienveillance mais également de réduire ce fossé, parfois abyssal, entre bien-portants et malades.
Le cancer est un réel problème sociétal puisqu’une femme sur deux et un homme sur trois développeront un cancer au cours de leur vie et avec l’amélioration des traitements, le cancer est devenu une maladie chronique pour beaucoup. Il est crucial d’aider les personnes qui sortent des traitements lourds à réintégrer la société. Et d’un point de vue professionnel, elles doivent pouvoir retrouver une entreprise ou un projet qui respecte leurs limites mais qui reconnait également toutes les soft-skills non-négligeables acquises pendant la maladie. Et si je ne devais n’en citer qu’une, je dirais la résilience. Une arme pour la vie !
Ce que le cancer est et n’est pas
Le cancer, c’est un nombre incalculable d’heures à l’hôpital. Enfin je rectifie, j’ai tenté de calculer ! Voilà mon décompte à ce jour : 692 heures à l’hôpital, dont 25 heures en salle d’op et de réveil, 65 heures dans des salles d’attente ou à attendre les résultats des prises de sang pour savoir si la chimio aura lieu, pas loin de 120 heures avec des liquides toxiques, mais salvateurs, qui coulent dans nos veines.
C’est aussi des heures entières et parfois interminables à être malade comme un chien, à rêver de dormir mais le sommeil est aux abonnés absents, à se demander ce qu’on a fait de travers et à essayer de comprendre le sens de tout cela, mais ces heures-là, je ne vous les compte pas !
Le cancer, ce n’est pas qu’une histoire de faits. On nous met dans des cases, on nous parle de taille de tumeur en mm ou cm, de grade, de stade, de pourcentages à gogo. Il y a certes des traitements et un protocole, mais le cancer, c’est avant tout une histoire d’émotions avant d’être des chiffres et des faits !
Communication verticale vs. communication horizontale
Il est important de souligner que le médecin a un savoir mais le patient a l’expérience propre de sa maladie, c’est donc une relation qui se joue à deux mais la communication est souvent verticale entre le médecin et le patient. Heureusement les choses changent et la médecine intégrative gagne du terrain. Le paysage médical a fortement changé car les médecins font face à des patients 2.0, hyper informés, hyper instruits grâce à la magie de la toile. Je pense, ou plutôt j’espère, que d’ici quelques années cette vision très paternaliste d’exercer la médecine évoluera pour laisser place à une alliance thérapeutique entre le médecin et le patient. Ceci étant dit, certains patients sont plus rassurés par cette vision paternaliste.
Ce qui me semble important pour le patient pendant son parcours de soins, c’est la communication horizontale avec des sœurs ou frères de combat qui vivent la même chose. Qui peut mieux comprendre une femme qui a perdu un sein qu’une autre femme qui a perdu un sein ? C’est important d’avoir la possibilité et l’opportunité de pouvoir échanger par rapport à de toutes les émotions engendrées par la maladie et c’est précisément ce que les réseaux sociaux, les groupes de soutien sur Facebook ou les groupes de discussion en présentiel offrent. Notre époque offre un nombre infini de possibilités pour ne plus se sentir seul car ce qui importe vraiment dans tout ce tsunami physique et émotionnel est de se sentir compris, entendu et moins seul. « Peine partagée divisée, joie partagée multipliée », maxime d’autant plus vraie pendant et après le cancer.
Nous, les patients 2.0
Je me dis souvent que nous en avons de la chance d’avoir accès à autant d’informations. Cela devait être si difficile il y a 20 ans. Le mot « cancer » était tabou pour beaucoup de familles, les traitements n’étaient pas aussi pointus et supportables et la parole n’était pas libérée. Troubles de la sexualité, de la mémoire, séquelles à long terme, difficultés au sein du couple, retour au travail, reconstruction du féminin… tous ces sujets sont aujourd’hui abordés partout et permettent aux patients de se sentir moins seuls. Grâce à toutes ces infos utiles, il me semble plus aisé d’être acteur de son parcours de soins. Je pense également qu’un patient mieux informé est un patient mieux soigné.
Nous avons également la chance d’avoir accès à une pléthore de soins complémentaires ou de support pour adoucir les effets secondaires des traitements, ainsi que les dégâts causés par ces derniers. Soins du corps, socio-esthétiques, soins énergétiques, médecines complémentaires telles que l’acupuncture, la naturopathie, l’homéopathie, la réflexologie plantaire, l’activité physique adaptée, l’art-thérapie et j’en passe. Juste un petit attention ici, toujours en parler avec son médecin avant et une mise en garde contre la mésinformation et les traitements miracles… Je parle bien ici de médecines complémentaires à la médecine conventionnelle.
Chacun réagira différemment à toutes les étapes du parcours de soins
L’annonce, la mutilation, les yeux posés pour la première fois sur la petite « zone de guerre », la perte des cheveux, le rasage de la tête, les traitements lourds, les effets secondaires, l’impression parfois d’être en décalage total par rapport aux bien-portants, les difficultés administratives, il y en a des étapes à accueillir, à franchir et à accepter ! Personnellement, ce qui m’a le plus aidé, c’est l’écriture et l’engagement.
Dans un premier temps, l’écriture pour dépasser le chaos de l’annonce. Il n’y a pas de meilleure image que le ring d’auto-tamponneuses pour décrire cette annonce par téléphone. Les émotions sont contradictoires. Ça cogne, ça coince, ça s’entrechoque, ça part dans tous les sens. Déni, incompréhension, agitation, culpabilité et confiance cohabitent au même instant avant de laisser place dans les jours et les mois qui suivent à des sentiments de colère, de tristesse, de solitude, de désespoir même, mais aussi de joies et de découvertes étonnantes. L’écriture me permettait de dépasser tout cela mais pour vous, ce sera peut-être une autre forme d’art, une discipline particulière, la musique, se balader avec des amis proches, le repos, peu importe. On finit tous par trouver des moyens pour gérer toutes ces étapes le mieux possible. Qu’est-ce qui vous fait du bien ? Qu’est-ce qui vous nourrit en dehors de cette réalité qui rappelle sans cesse à l’ordre ? Qu’est-ce qui vous permet de vous évader ?
Quand j’ai décidé de publier mon journal de bord dans un blog, ce fut un véritable win-win. Mettre des mots sur les maux, transcender et digérer la réalité me permettaient d’avancer plus sereinement, mais mes écrits aidaient d’autres femmes à également mettre des mots sur leurs maux et à se sentir comprises et moins seules. Le blog est devenu une espèce de lieu de partages où j’ai été aidée par des femmes qui avaient elles-mêmes été touchées par le cancer et j’ai pu à mon tour aider celles dont le diagnostic venait de tomber.
J’ai découvert la puissance de la sororité et de l’entraide féminine. Magique ! Le blog et les autres canaux comme le podcast, le groupe de soutien et le livre créent du lien et véhiculent l’espoir. La difficulté du réel n’y est jamais niée et toutes les personnes qui y témoignent expriment leur grande vulnérabilité mais également leur force et comment elles ont franchi pas à pas toutes ces épreuves.
👉 Le témoignage de Delphine Remy est si riche et détaillé qu’il nous a semblé essentiel de le partager en deux parties pour en restituer toute la profondeur. Retrouvez la suite de son récit, où elle aborde l’après-cancer, l’espoir et la reconstruction, en cliquant ici !
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