Cancer du pancréas : “Les chances de survie après l’opération étaient de 17% !”
Publié le 16 févr. 2022 • Par Candice Salomé
Kawacaroline, membre de la communauté Carenity en France, a été touchée par le cancer du pancréas. Après avoir consulté pour un mal de dos qui ne passait pas, le verdict est tombé. Les spécialistes lui annonçaient un taux de survie après opération de 17%. Elle s’est battue et est maintenant guérie, et savoure la vie à pleines dents 15 ans après son opération. Elle se livre dans son témoignage pour Carenity.
Découvrez vite son histoire !
Bonjour kawacaroline, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je m’appelle Caroline, j’ai 63 ans, je suis mariée et maman de 2 fils qui ont 24 et 28 ans maintenant. Nous habitons à Waterloo en Belgique.
J’ai été diagnostiquée il y a 15 ans, à l’âge de 48 ans. Mes enfants avaient 9 et 13 ans. J’étais Cheffe du personnel dans une grosse société internationale.
Mon mari étant handicapé léger, il a arrêté de travailler peu avant mon diagnostic et j’assurais tout : le boulot, les factures, les courses, le diner, la maison, etc...
Mon mari s’occupait de conduire nos enfants au club de basket où ils jouaient tous les deux. Je n’avais pas beaucoup de temps pour moi car il y avait match les week-ends et, la semaine, ils avaient entraînement chacun deux fois à des jours différents.
Nous habitions dans une maison près de mon travail et de l’école des enfants. Je rentrais le midi pour déjà préparer une partie du diner et je me donnais à fond dans mon travail en espérant une promotion…
Pourriez-vous nous dire comment la maladie s’est-elle manifestée dans votre vie ? Quels ont été vos premiers symptômes ?
J’ai commencé à avoir mal au dos au mois de mai 2006. J’ai mis ça sur le fait que j’avais deux écrans d’ordinateur à mon travail et que j’étais probablement mal assise.
J’ai été voir mon ostéopathe en mai, en juin et en juillet mais rien n’y faisait… J’avais mal au dos à hauteur de la poitrine.
J’avais commencé à prendre des Ibuprofène (3-4 par jour). J’avais le dos brulant le soir et je devais dormir en position relevée, presque assise.
J’ai été voir un gastro-entérologue qui m’a fait une endoscopie et coloscopie. Il n’y avait rien de spécial si ce n’est une brulure au niveau de l’œsophage due au reflux-gastroœsophagien. Il m’a alors prescrit de l’Oméprazole.
Après les 3 séances chez l’ostéopathe, il m’a conseillé d’aller voir mon généraliste et de lui demander de me faire un bilan sanguin mais nous partions en vacances en Camargue et j'ai alors décidé d’aller le voir à mon retour.
Pendant les vacances, j’étais très fatiguée et j’avais toujours mal au dos. Mon mari s’est cassé le pied juste avant notre départ. J'ai donc dû faire le trajet de retour en voiture seule. La douleur devenait intenable. Je prenais de plus en plus d’Ibuprofène.
Qu’est-ce qui vous a poussé à consulter ? Combien de temps a-t-il fallu pour que le diagnostic soit posé ?
A notre retour de vacances, j’ai pris rendez-vous avec mon généraliste. Il me fit une prise de sang en septembre 2006, soit 4-5 mois après les premières douleurs et le début de mon reflux gastro-œsophagien.
Trois jours plus tard, il m’appelle pour me dire qu’il y a eu une erreur au labo et qu’il doit me refaire une deuxième prise de sang. Le lendemain matin, j’y vais et je lui demande une copie des résultats précédents.
En arrivant au bureau, je remarque que le taux de CA 19.9 est de 326 au lieu de >36 ! Je tape CA19.9 dans Google et là je tombe de ma chaise !
Il était indiqué que c’était le marqueur du cancer du pancréas et ne pouvait être confondu avec rien d’autre. J’appelle mon médecin qui essaie de me calmer en attendant les seconds résultats qui se sont avérés être pareils.
Quelle a été votre prise en charge ?
Mon généraliste m’a envoyé faire un scanner en urgence et le diagnostic est tombé… J’avais une tumeur de 4 cm sur la tête du pancréas. Il m’a proposé d’être prise en charge par un Professeur chef de l’oncologie à l’hôpital universitaire Saint-Luc à Bruxelles qu’il connaît. Cependant, ma maman me conseilla son chirurgien qui l’avait opérée d’un cancer du côlon à l’hôpital Edith Cavell, qui est un hôpital privé.
Je suis donc allée le voir mais il m’a renvoyée à Saint-Luc : ils étaient à la pointe pour ce genre d’opérations… Si l’opération était encore possible…
Vous avez été opérée selon la procédure « Whipple ». Pourriez-vous nous dire de quoi il s’agit ?
La pancréaticoduodénectomie (ou chirurgie de Whipple) est une chirurgie pour traiter le cancer qui implique la tête du pancréas.
Pendant la chirurgie, la tête du pancréas, une partie de l'estomac et du petit intestin, ainsi que la vésicule biliaire et une partie des voies biliaires sont enlevées. Dans mon cas, la tumeur avait déjà envahi la veine cœliaque (cœur) et il a fallu la reconstruire en prenant un bout de ma jugulaire dans mon cou.
Le chirurgien a retiré 98% de mon pancréas ce qui fait qu’il produit une infime quantité d’insuline et je suis donc diabétique mais de type 2.
Je suis restée un mois à l’hôpital sans boire ni manger. J’étais nourrie par sonde gastrique mais je perdais plusieurs litres d’ascite par jour dans une poche reliée à une sonde dans mon ventre.
Mon chirurgien était très inquiet et il a changé mon alimentation par voie centrale et j’ai commencé à perdre moins d’ascite après quelques jours et il m’a laissée sortir après un mois. J’avais toujours la sonde au cas où.
Quel a été l’impact de la maladie sur votre vie professionnelle et privée à l’époque ?
L’impact a été terrible. Ma vie a basculé du jour au lendemain. Les chances de survie sont quasi nulles même si on est opéré… Les chances de survie, à l’époque, après 5 ans (après l’opération) étaient de 17% !
On m’a conseillé « de faire mes papiers ». Nous n’avions pas dit aux enfants de quoi il s’agissait car nous n’arrivions pas à trouver les mots et ils m’avaient vue à l’hôpital avec des tuyaux partout et je ne parvenais pas à leur dire que je n’étais peut-être pas guérie…
Le psy de l’hôpital m’a dit pareil et qu’il serait toujours temps de leur dire lors de la rechute. Peu de temps après, j’ai fait de la chimiothérapie. Six mois plus tard, je retournais travailler à 50%.
Quel soutien receviez-vous de la part de votre entourage ? Parliez-vous facilement de la maladie ?
Mon mari et ma maman me soutenaient énormément mais comme nous n’avions rien dit aux enfants, nous ne parlions jamais de la maladie.
Au travail, on me regardait comme une bête curieuse. J’avais perdu 17 kilos. On m’a demandé d’engager quelqu’un pour m’aider dans mon travail car je n’étais revenue qu’à 50%, puis à 75% après 8 mois. C’était surtout qu’ils pensaient que j’allais y passer et qu’il fallait que je forme quelqu’un qui puisse me remplacer…
Vous êtes désormais en rémission voire guérie du cancer du pancréas. Quel message d’espoir aimeriez-vous faire passer aux membres Carenity qui vous lisent ?
En fait, c’était très dur de survivre à ce cancer car je devais faire un PET scan, un CT scan et une prise de sang tous les 3 mois, puis tous les 6 mois et ce, pendant 10 ans…
Dès que j’avais la moindre douleur, je pensais que le cancer était revenu. Je ne pouvais pas imaginer survivre à ce cancer qui est généralement mortel.
Tout ce qui m’importait, c’était de retrouver ma vie d’avant. Mon boulot, mes enfants, réapprendre à manger avec les médicaments, reprendre du poids et gérer mon diabète… rien d‘autre ne comptait.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Après 10 ans de « survie », j’ai fait mon dernier PET scan. Mon chirurgien m’a dit que j’allais très certainement mourir, comme tout le monde, mais sans doute pas du cancer du pancréas.
C’est alors que j’ai commencé à revivre. Je suis rentrée à la maison et j’ai dit à mon mari que j’étais guérie.
Lorsque j’étais jeune je roulais en enduro, une discipline de moto tout terrain. Mon mari m’a offert une moto tout terrain et je m’y suis remise comme si j’avais encore 20 ans ! J’ai fait des stages et participé à des compétitions. J’ai terminé 3ème au championnat de Belgique en féminine et on m’appelle la « Mamie de l’enduro » en Belgique.
J’ai été interviewée à plusieurs reprises et je suis même passée à la TV.
Ma vie a complètement changé depuis lors. J’ai été licenciée de mon travail après 19 ans de bons et loyaux services à 59 ans (ils ont gardé la dame que j’avais formée) et, depuis, je savoure la vie à pleines dents depuis 5 ans … soit 15 ans après mon opération !
Que pensez-vous des plateformes d’échanges entre patients comme Carenity ? Y trouvez-vous les conseils et le soutien recherchés ?
Je trouve cette plateforme géniale. Je regrette qu’elle n’existât pas à l’époque.
Pour ma part, je ne cherche plus d’information mais c’est très important pour les personnes qui sont touchées par la maladie. Au début, on veut tout savoir : quel chirurgien, quelle opération, quels médicaments, quel suivi médical, que mangez-vous, avez-vous fait de la chimio ou de la radiothérapie, etc… mais ce qui importe le plus c’est d’être à l’écoute de son corps et même si moi j’ai eu beaucoup de chance, en général, la maladie se manifeste lorsque c’est déjà trop tard.
J’ai eu « la chance » d’avoir ce mal de dos car la tumeur était tellement grosse qu’elle appuyait sur mon cœur et cela me faisait mal mais c’est rarement le cas.
Enfin, que conseillerez-vous aux membres Carenity également touchés par le cancer du pancréas ?
La seule chose que je peux conseiller, c’est de ne pas perdre de temps pour faire les choses qu’on a remises à plus tard car après il sera trop tard. J’ai attendu 10 ans avant de recommencer à profiter de la vie. La seule chose qui différentie une personne qui est, ou a été, atteinte d’un cancer, c’est qu’on croit savoir de quoi on va mourir et on attend que ça vienne. Les autres personnes qui ne sont pas en sursis ne pensent pas à leur mort.
Un dernier mot ?
Vivez comme si c’était le dernier jour de votre vie ! Ce cancer est vraiment très mauvais mais, aujourd’hui, il y a plus de chances de survie après l’opération qu’avant donc ne pas hésiter à faire cette opération malgré toutes les contraintes post-opératoires.
Merci beaucoup pour votre confiance !
Un grand merci à kawacaroline pour son témoignage !
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