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Déodorants et cancers du sein: plus de bruit que de preuves
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Nathali57
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Nathali57
Dernière activité le 18/12/2024 à 18:17
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L'opprobre est régulièrement jeté sur les rayons cosmétiques. Entre autres cibles, les sels d'aluminium. Utilisés dans les déodorants parce qu'ils empêchent la transpiration en «bouchant» les pores de la peau, ils augmenteraient le risque de cancer du sein. Transpirer ou survivre, faudra-t-il donc choisir?
Dernière étude en date, celle publiée dans l'International Journal of Cancer par le Pr André-Pascal Sappino, oncologue médical, et le Dr Stefano Mandriota, biologiste, du Laboratoire de cancérogenèse environnementale à la Fondation des Grangettes (Suisse).Les auteurs ont injecté des cellules mammaires cultivées in vitro à trois lignées de souris génétiquement manipulées pour avoir un système immunitaire déficient, «dont deux lignées chez lesquelles les tumeurs expérimentales poussent d'ordinaire difficilement », explique le Pr Sappino. Certaines souris ont reçu des cellules mammaires cultivées dans de l'eau, d'autres des cellules cultivées dans du chlorure d'aluminium (AlCl3). Après l'injection de cellules mammaires «saines », seule la lignée la plus fragile a développé des tumeurs limitées ; en revanche, «de larges tumeurs et métastases » sont apparues chez toutes les souris qui avaient reçu des cellules mises en contact avec les sels d'aluminium. Conclusion des auteurs: «Ces effets correspondent à une activité mutagène du chlorure d'aluminium» et montrent que l'aluminium peut pousser les cellules mammaires à «former des tumeurs et des métastases», explique le Pr Sappino. De quoi selon lui éviter ces produits au nom du «principe de précaution».
Pourtant, n'en déplaise aux ennemis de l'antitranspirant, on est encore loin d'affirmer que ce dernier provoque le cancer… Les auteurs eux-mêmes n'évoquent qu'un «potentiel cancérogène » et réclament des «études épidémiologiques sur l'homme et des expérimentations in vivo dans lesquelles l'aluminium est directement appliqué sur la peau».
«L'article est de bonne qualité, note un oncologue médical. Cependant, les conditions utilisées sont très loin de celles d'un usage même fréquent d'antitranspirants, en particulier les doses et les voies d'administration.» La polémique est «un vieux serpent de mer, note pour sa part le Dr William Jacot, oncologue sénologue au centre anticancéreux de Montpellier. Des travaux ont été menés sur des lignées cellulaires, cancéreuses, du tissu primaire de glandes mammaires… Mais à ma connaissance, aucune étude épidémiologique ne montre de relation claire entre cancer et sels d'aluminium.»
«Risques osseux et neurotoxiques»
Il faut dire que certains arguments couramment assénés contre les sels d'aluminium peinent à convaincre. «L'idée qu'ils remonteraient à contre-courant le circuit lymphatique pour aller dans le sein est un peu contre-intuitive», sourit le Dr Jacot. Autre «preuve» régulièrement invoquée, les cancers seraient particulièrement fréquents dans la partie du sein la plus proche des aisselles; mais c'est aussi la zone la plus dense en tissu épithélial, donc logiquement la plus à risque. Le fait que des concentrations anormales d'aluminium aient été trouvées dans les seins de femmes ayant eu un cancer ne prouve rien non plus, ceci pouvant être non une cause, mais une conséquence du cancer si le tissu tumoral agit comme réservoir de l'aluminium apporté par l'environnement. Enfin, d'aucuns avancent que la hausse du nombre de cancers du sein a coïncidé avec l'essor des antitranspirants. «Les années 1940 nous ont aussi apporté la télévision, le frigo et les voyages à l'étranger», glissent les oncologues, goguenards. «Si les antitranspirants étaient en cause, on verrait une hausse des cancers bilatéraux puisque les utilisateurs en mettent a priori des deux côtés, et une hausse des cancers chez les hommes qui les utilisent aussi», s'agace le Dr Élisabeth Luporsi, oncologue médicale à l'Institut de cancérologie de Lorraine et auteur d'une revue de littérature sur le sujet.
Quant à une prétendue méfiance des autorités de santé, elle porte bien sur les sels d'aluminium, mais… pas sur le risque de cancer du sein! Ainsi, un rapport d'expertise de l'Afssaps (depuis devenue Ansm) recommandait bien en 2011 une limitation de la concentration d'aluminium dans les produits cosmétiques ainsi qu'une information du consommateur pour que ces produits ne soient pas appliqués sur une peau lésée. Mais c'était en raison des «risques osseux et neurotoxiques», non de cancers.
Bref, le tohu-bohu médiatique régulier autour des antitranspirants et du cancer est «énormément de bruit pour presque rien, tranche Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave-Roussy. Si les femmes jettent leur déodorant et continuent à fumer, à boire, à être en surpoids, à prendre des traitements hormonaux… elles auront terriblement tort.»
Source : http://sante.lefigaro.fr/