Maladie de Paget du mamelon : “Il ne faut pas laisser l’attente du diagnostic épuiser ses réserves !”
Publié le 12 juil. 2023 • Par Claudia Lima
Après avoir insisté auprès de ses médecins, et à la suite d’une longue attente, Marie-Laure est diagnostiquée de la maladie de Paget du mamelon, une forme rare de cancer du sein.
Non satisfaite de son accompagnement thérapeutique, elle souffre aujourd’hui d’effets secondaires qui impactent son moral et sa vie sociale. Marie-Laure espère retrouver au plus vite une stabilité professionnelle.
Découvrez vite son histoire !
Bonjour @mlaure, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je m’appelle Marie-Laure, je suis célibataire, je vis seule à la campagne avec quelques animaux domestiques.
J’ai trois enfants, une fille et deux garçons, et trois petits enfants, chacun de mes enfants à un enfant. L’ainé de mes fils vit en Angleterre depuis plusieurs années, nous correspondons beaucoup via les appels en visio et, cette année, ma petite fille est venue passer l’été avec moi. Ma fille et mon plus jeune fils ne vivent pas très loin, nous essayons de nous voir régulièrement.
Vous l’aurez compris, ma famille est très importante pour moi, je dirai même essentielle. J’aime la vie à la campagne, la nature, je lis beaucoup, et j’aime apprendre ou découvrir de nouvelles choses.
Je suis formatrice pour adultes, j’interviens dans les domaines du social, de l’animation, de l’hôtellerie, et de l’insertion. J’ai eu un parcours professionnel très varié, ce qui explique la diversité des formations dans lesquelles je peux intervenir.
Vous êtes atteinte d’un cancer du sein. Pourriez-vous nous dire quand vous avez constaté les premiers symptômes ? Quels étaient-ils ? Qu’est-ce qui vous a poussée à consulter ?
J’ai la maladie de Paget du mamelon, un cancer du mamelon ou, dans le langage utilisé autour de ce cancer, j’ai un Paget. À ne pas confondre avec la maladie de Paget qui est une maladie osseuse.
La maladie a commencé quelques mois avant que je ne consulte spécifiquement pour ça. J’ai eu comme un bouton sur l’aréole, ça me grattait beaucoup, j’ai pensé que j’avais été piquée par un insecte, j’en ai vaguement parlé à mon médecin, il n’a pas cherché plus loin.
Le 17 mai 2022, je suis allée chez un gynécologue pour une visite de contrôle annuel, j’ai parlé de ce bouton, le gynécologue m’a dit que ce devait être une piqûre. Dans le cadre du suivi gynécologique, j’ai eu une prescription pour effectuer un scanner et une échographie. Je me suis présentée au rendez-vous, je n’ai eu qu’une mammographie de contrôle. J’ai demandé pour ce “ bouton” qui ne partait pas, on me répond que c’est un problème dermatologique.
Un jour, j’ai accroché le bouton en retirant une robe, il s’est formé une croûte très noire qui ne partait pas. Elle se ramollissait puis tombait, mais pas de guérison. Au bout d’un bon mois, je suis retournée chez mon médecin en insistant sur le fait que maintenant, c’était une vilaine croûte qui ne guérissait pas. Là, mon médecin m’a prescrit une échographie, a pris lui-même le rendez-vous pour l’examen, et aussi, avec mon gynécologue.
Quels examens avez-vous dû passer pour obtenir le diagnostic ? Combien de temps a-t-il fallu pour que le diagnostic soit posé ?
Les premiers examens ont été une mammographie et une échographie, ensuite une biopsie.
Le temps d’attente pour les résultats de cette biopsie a été extrêmement long. En effet, se sont rajoutés au temps prévu, 15 à 20 jours environ, au vu du type de cancer que cela pouvait être, et aussi, parce que mon médecin traitant a été obligé de rester 2 semaines sans pouvoir honorer ses consultations suite à un accident.
J’ai donc attendu un bon mois, entre la biopsie et la communication du résultat. Le diagnostic de maladie de Paget du mamelon a donc pris deux mois, entre l’échographie et le résultat de la biopsie.
Ce temps très long pour moi, comme pour toutes celles qui attendent des résultats, a été le plus dur à vivre.
Avez-vous pu recevoir toute l’information nécessaire à la compréhension de la maladie ? Avez-vous fait vos propres recherches ?
Je dirais que les informations qui m’ont été données au fur et à mesure de la maladie n’étaient pas assez complètes pour moi. Certes, l’opération a tout de suite été envisagée. Au départ, c’était juste une tumorectomie (ablation de la tumeur), suivie d’une chimiothérapie ou de rayons, ou bien les deux.
Le gynécologue m’avait donné rendez-vous pour un prélèvement cutané afin de prélever des cellules de Paget. Le jour de cet examen, le gynécologue m’a dit que sa chef de service devait passer voir la lésion. Il m’a donc installée pour l’examen et préparé le matériel nécessaire. Nous avons attendu assez longtemps, cette attente, je m’en souviens, était pesante, j’avais le stress de l’examen à venir, peur de la douleur surtout à cause du fait que ce soit dans le mamelon que s’effectuent les prélèvements. Je voudrais préciser cependant que je n’ai jamais ressenti de douleur pour la biopsie. La partie où s’effectue l’examen est soigneusement endormie. La responsable de service est arrivée, elle a regardé mon sein et a déclaré qu’il fallait retirer l’aréole et le mamelon. L’examen du jour n’était donc pas nécessaire.
Rapidement, elle m’a expliqué, en définissant le contour avec sa main, ce qui allait être retiré, elle m’a précisé que des tatouages existaient pour l’après-opération, et elle est partie.
J’ai très mal vécu ce moment parce que l’annonce a été faite rapidement, comme si on m’annonçait qu’on allait devoir me couper un peu les cheveux, juste que les cheveux ça repoussent. Je suis restée très “marquée” par la façon dont on m’a informée...
Pour le protocole de soins, même après l’opération, rien n’était arrêté. Peut-être une chimiothérapie, peut-être pas...
Ici, je voudrais donner un conseil. Bien que je sois consciente qu’il soit très difficile de ne pas le faire, évitez les recherches sur Internet ! Pour ma part, j’ai passé des journées entières, plongée dans l’univers du cancer, avec, bien sûr, le pire qui puisse arriver. Sans m’en rendre compte, j’ai passé des journées à chercher, à lire, à me questionner. Je commençais le matin, par une question qui m’était venu dans la nuit et, sans m’en rendre compte, ça me tenait jusqu’au soir.
Quelle est votre prise en charge actuelle ? En êtes-vous satisfaite ? Quel est votre traitement ? Comment avez-vous jugé/vécu l'accompagnement médical et/ou psychologique ?
J’ai subi deux interventions chirurgicales pour ce cancer. La première pour la pamectomie (ablation de l’aréole et du mamelon), la deuxième pour un curage ganglionnaire puisque les ganglions sentinelles étaient atteints.
Actuellement, j’ai terminé la radiothérapie, je suis maintenant sous hormonothérapie, et mon suivi est essentiellement assuré par mon médecin traitant. Une fois par mois, je vois mon radiothérapeute, qui est aussi cancérologue.
Bien que j'aie demandé, lors de la deuxième hospitalisation, à être un peu aidée, tant moralement que physiquement, parce que je sentais que je n’allais pas bien et, que ma situation financière se dégradait à une allure vertigineuse, rien n’a été fait. Mon gynécologue m’avait pourtant répondu qu’il s’occupait de contacter la psychologue et l’assistante sociale !
Lorsque j’ai redemandé aux secrétaires du service de gynécologie, elles m’ont dit que c’était trop tard, comme je n’étais plus hospitalisée, il fallait que je passe par le circuit extérieur.
Je dirais donc que non, je n’ai pas ressenti les bienfaits d’un accompagnement, même minime, durant cette période.
Vous aviez déjà eu un cancer de l’autre sein ? Cela s’était-il déroulé de façon identique ?
Pour mon premier cancer du sein, j’avais remarqué une boule en haut du sein gauche. J’avais consulté mon médecin, qui avait contacté et m’avait adressée auprès d’une gynécologue.
J’ai eu un premier rendez-vous rapidement avec elle, puis un autre la même semaine, pour faire la biopsie. Environ deux semaines plus tard, elle m’a appelée pour que je vienne le lendemain. Lors de ce rendez-vous, elle m’a annoncé mon cancer et tout le protocole de soins. Une première opération et, éventuellement, une autre opération, pour curage, si les ganglions sentinelles étaient atteints.
J'ai eu des explications sur ce que sont des ganglions sentinelles, sur l’endroit où se trouveront les cicatrices des opérations, sur les séances de radiothérapie et leur nombre et sur la chimiothérapie éventuelle, en fonction de l’atteinte des ganglions.
Je suis repartie de ce rendez-vous avec un dossier explicatif, très bien fait, et un numéro de téléphone où je pouvais appeler si des questions me venaient.
Vraiment, la deuxième fois, ça ne s’est pas du tout passé comme la première fois ! Et moi qui m’étais dit au début de ce nouveau cancer : “Ça va, je vais gérer, je sais déjà comment ça se passe !”.
Avez-vous changé votre mode de vie, votre alimentation depuis l’annonce de votre cancer du sein ?
Non pas vraiment, pourquoi changer puisqu’il- le cancer- est déjà là.
Je suis quelqu’un qui, naturellement, essaye d’équilibrer son alimentation, bien que je ne fasse pas un sport défini, je bouge à ma façon (balades, entretien de mon jardin, etc.).
Quel est l’impact de la maladie sur votre vie privée et professionnelle ?
Sur ma vie privée, comme je vous l’ai dit, je vis seule. Alors pour le moment, je n’ai pas trop de “problèmes” du côté de ma vie privée, si ce n’est la certitude que je ne pourrai avoir de relations intimes avec un homme. Peut-être que dans un couple, la transition d’avant et après se gère mieux ? Je ne sais pas.
Par contre, du côté professionnel, la situation est rude. J’avais des CDD successifs, et le dernier n’a pas été renouvelé. Mon employeur m’a dit de ne pas hésiter une fois que je serai soignée. Il m’avait aussi été “promis” que l’on allait m’appeler pour prendre de mes nouvelles et m’inviter aux repas de fin de mois (petite tradition maison). Je n’ai plus jamais eu d’appels, personne ne m’a invitée à quoi que ce soit. Aujourd’hui, je ne me sens pas d’aller redemander du travail là-bas.
Avez-vous été soutenue par votre famille, vos amis ? Comprennent-ils la maladie ?
Je me suis sentie très seule, bien que ce soit un état de fait.
À trop vouloir épargner mes enfants, je n’ai pas eu un grand soutien de leur part. En même temps, ils ont leur vie.
Je n’ai pas beaucoup d’amis, au sens où j’entends le mot “ami”. J’ai beaucoup de connaissances, mais peu d’amis. Pour les connaissances, peu sont au courant. Je ne me vois pas croiser une connaissance et lui dire : “Ah tiens, au fait ! J’ai un cancer du sein !”. Si la conversation s’y prête, je le dis, sinon non, parce que je ne sais pas comment aborder le sujet.
Ma meilleure amie, qui vit assez loin de moi, ne le sait pas non plus. Au début de la maladie, j’ai voulu lui dire, mais elle m’a annoncé qu’elle se séparait de son mari, que je connais très bien aussi. Et elle m’a parlé de ses difficultés liées à cette séparation, et je n’ai pas voulu en rajouter. Je me suis dit que je lui en parlerai plus tard, quand le diagnostic serait bien établi, et que je saurai où je vais.
Comme dit précédemment, cela a été très long pour arriver à définir mon protocole de soins, si long que je n’ai plus osé lui dire et elle ne le sait toujours pas.
Vous avez souhaité aborder la maladie et son impact dans la vie d'une femme seule. Que voulez-vous nous dire à ce sujet ?
Je veux dire que le fait d’être une femme seule devrait être pris en compte au début de la maladie. Les services devraient proposer une mise en relation avec l’assistance sociale, afin d’être préparée aux dépenses financières liées au cancer.
Femme ou homme face à la maladie et son impact social, je pense que c’est la même chose. Sauf si, vous détenez une prévoyance pour le maintien de salaire, vos revenus sont divisés par 2 en cas de maladie, les charges, elles, ne le sont pas. Les économies sont vite épuisées et, à la situation incertaine face à la maladie que vous vivez déjà, se rajoute celle, de plus en plus dégradée, de votre situation sociale.
Aujourd’hui, comment allez-vous ? Comment gérez-vous le quotidien ?
Aujourd’hui, j’apprends à vivre avec un lymphœdème secondaire du bras, celui où j’ai eu le curage axillaire.
J’essaye de faire ce qu’il faut pour limiter les effets invalidants de cet effet chirurgie des ganglions. La nuit, je porte un manchon de compression. J’ai des séances de drainage lymphatique avec un kinésithérapeute. J’essaye de faire, moi-même, des massages lymphatiques.
Mon bras est quand même très gonflé et la lymphe s’accumule aussi dans le sein opéré, alors je dirais que si actuellement le mot cancer est un peu sorti de mon quotidien, mon moral reste très bas quant à mes perspectives d’avenir.
Quels sont vos projets ?
Je travaille avec ma conseillère au Pôle Emploi sur mon projet professionnel, afin de trouver une activité compatible avec ma condition physique. J’espère trouver rapidement.
Enfin, quels conseils pourriez-vous apporter aux membres Carenity, également touchées par ce type de cancer du sein ?
N’allez pas chercher sur Internet !!!
Restez positive, il se peut que le parcours soit long à cause de l’attente des résultats.
Faites-vous accompagner pendant cette période où vous ne savez pas. Il ne faut pas laisser cette attente épuiser vos réserves de dynamisme, de combativité et d’optimisme. Vous en aurez besoin par la suite.
Un dernier mot ?
Plein de courage à toutes. Soyez fortes, mais donnez-vous le droit d’être faibles.
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