Skin Association favorise une guérison durable du cancer par le beau et le partage
Publié le 12 oct. 2022 • Par Candice Salomé
Skin Association accompagne les malades de cancer pendant la période dite de rémission en proposant des ateliers créatifs et sportifs afin de permettre aux patients de se reconnecter à soi et de reprendre confiance en soi dans ce combat qu’ils mènent souvent seuls.
L’association propose aux patients de travailler en binôme avec des artistes ou des sportifs. Ensemble, ils créent des œuvres ou des performances qui seront restituées sous forme d’expositions ou de spectacles puis exposées par la photographie dans le milieu hospitalier.
Pour en savoir plus sur Skin Association, découvrez vite le témoignage de Cécile Reboul, fondatrice et présidente de l’association !
Bonjour Cécile, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Pourriez-vous commencer par vous présenter ?
Bonjour, je suis Cécile Reboul, fondatrice et présidente de l’association Skin, une association d’intérêt général qui accompagne les malades du cancer dans leur reconstruction après le parcours de soins.
Pourriez-vous nous dire comment est née Skin Association ? Pourquoi avez-vous décidé de fonder cette association ?
J’ai souffert d’un cancer du sein en 2007. L’association est née d’un constat que j’ai fait à l’époque : la période de « l’après cancer », dite période de rémission, est particulièrement compliquée à vivre. Et c’est précisément la période pendant laquelle tout le monde vous abandonne, convaincu que le pire est passé, que tout est comme avant. C’est une période très difficile car on se sent véritablement lâché.e par l’entourage, seul.e face à soi-même, hébété.e. Quand on rentre chez soi, que nos journées ne sont plus rythmées par les soins, que nous ne sommes plus couvé.es quotidiennement par les soignants, que nos amis et nos familles soufflent et se réjouissent de nous savoir en vie, un autre combat commence qu’il faut mener seul.e face à soi-même. Après la bataille, on compte ses blessures. On prend soudainement conscience qu’on n’est plus du tout comme avant, mais qu’on n'est pas encore « comme après ». On ne sait vraiment plus à ce stade qui on est. Les émotions nous submergent. Les mots nous manquent. Si ce n’est le désespoir, l’angoisse nous gagne. Comment se reconstruire quand les troupes ont déserté ? Vers qui se tourner ? Comment revenir à la vie quand plus rien ne fait sens ?
C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de fonder Skin. Skin, c’est la peau, la mue, une succession de mues réussies. J’en ai fait l’expérience par hasard en croisant la route d’une artiste à l’époque où je sortais des traitements. Nous nous sommes lancées dans une création à quatre mains. Ce long processus artistique a pris un an et demi. Cette aventure a été littéralement cathartique. Je m’en suis inspirée pour la proposer à d’autres patient.es.
Quelles sont les principales missions de Skin Association ?
La première mission, notre mission principale, qui fait l’ADN de Skin, ce sont nos binômes patient.es-artistes / patient.es-sportifs. Ensemble, ils créent des œuvres ou des performances pendant plusieurs mois (tous les arts sont possibles, des arts plastiques aux arts vivants, en passant par le parfum ou la pâtisserie…). Chacun se nourrissant de l’univers de l’autre. Skin restitue ces créations sous forme d’expositions ou de spectacles, puis expose les photographies de ces créations dans les milieux hospitaliers.
Les autres missions de Skin sont les sorties culturelles (au théâtre, au musée, au cinéma, au concert…), les ateliers collectifs (artistiques, sportifs, bien-être), les tables-rondes avec intervention d’experts, mais aussi les coachings solidaires.
Une fois les traitements du cancer terminés, les patients se retrouvent souvent livrés à eux-mêmes et la reconstruction peut être compliquée. Que propose Skin Association pour les accompagner dans l’après cancer ?
Ce que Skin propose à travers ses missions c’est d’une part, de déculpabiliser les patient.es au sortir du parcours de soins, quand ils ne comprennent pas pourquoi ils se sentent si vulnérables alors qu’ils sont guéris. Cela passe par la rencontre avec un artiste ou, plus rarement, avec un sportif. Ces artistes/sportifs prêtent une attention particulière à ces patient.es, leur accordent du temps, leur font bénéficier de leurs savoir-faire, cheminent avec eux. D’autre part, Skin permet aux patient.es de renouer avec le plaisir (ingrédient indispensable dans le processus de résilience). En se concentrant sur l’acte créatif, on s’éloigne des ruminations et des idées noires, on mobilise son cerveau sur quelque chose de positif. Skin permet également de lâcher prise avec ses émotions, toujours grâce à cet acte créatif, de libérer la parole, de renouer avec l’élan vital, de se projeter par le beau en lien à l’autre.
Skin favorise une guérison durable par le beau et le partage.
Quelles sont concrètement les actions mises en place par l’association ? Quels sont les ateliers proposés ? Comment se déroule un atelier ? Avec quels intervenants travailliez-vous ?
S’il s’agit d’une sortie culturelle au théâtre, par exemple, nous offrons l’occasion de nous retrouver en groupe et d’échanger avant ou après la représentation. On sait que le contact avec l’art, quel qu’il soit, tout comme la création, améliore la santé.
S’il est question d’un atelier collectif, je vais citer l’exemple de l’atelier de danse face au miroir. Léa, notre intervenante, a une approche très subtile des participantes. Elle privilégie la détente, la confiance, le jeu, le plaisir sans jamais porter de jugement ou placer les gens en compétition les uns par rapport aux autres. L’objectif de cet atelier est d’oser se regarder, de reprendre confiance en soi pour mieux se dépasser et se réinventer, être douce face à soi-même et apprendre à s’aimer de nouveau, malgré les blessures de la maladie. La connexion passe par le corps, le mouvement, le regard, le toucher. Pour offrir un cadre sécurisant les places sont évidemment limitées.
Nos intervenants sont tous sensibles à cette maladie. Soit qu’ils ont été eux-mêmes touchés, soit qu’un membre de leur famille l’ait été, ils sont sensibles à l’autre et font montre d’humanité.
Quels sont les bénéfices que peuvent en tirer les patients atteints de cancer ?
Une vraie déculpabilisation, la libération des émotions, une reconnexion à soi et aux autres, la confiance en soi, le plaisir, la restauration de l’image de soi, une meilleure connaissance de soi, une plus grande souplesse, une capacité à se resocialiser, à se dépasser, à rebondir, à se réinventer et à être de nouveau serein.e.
Quel est votre champ d’actions d’un point de vue géographique ?
Nous œuvrons essentiellement à Paris et en région parisienne.
Cependant, nous proposons aussi des ateliers collectifs à distance grâce à la visioconférence.
D’autre part, nos binômes peuvent se constituer de plusieurs manières. Je vous donne l’exemple de cette patiente vivant à Nice et de cette artiste dessinatrice vivant en Belgique. Ensemble, elles ont créé un splendide carnet de cadavres exquis. Quand l’une avait rempli une page elle envoyait le carnet à l’autre par courrier postal et ainsi de suite jusqu’à la création finale : somptueux !
Nous organisons parfois des événements en province. Il nous est même arrivé d’exposer les créations de nos binômes à l’étranger.
Depuis 3 ans, vous organisez le « Rallye de Amazones ». Pourriez-vous nous parler de ce projet ? Comment est née l’idée ?
En effet, cette année la troisième édition du Rallye des Amazones a lieu le 24 septembre en région Centre-Val de Loire. L’idée est d’offrir une journée d’évasion et de plaisir à nos patient.es en leur permettant de jouer l’espace d’une journée les copilotes de collectionneurs de voitures anciennes. L’idée est venue de l’un des bénévoles de l’association, qui connaissait une jeune femme dont c’était le métier.
L’intention est toujours de recréer du lien, un supplément de vie, de plaisir, de joie, de sortir les patient.es de l’univers du cancer et de les remettre littéralement aux manettes de leur vie. Quand on est malade, on est l’objet de tous les soins. Il s’agit ensuite de reprendre le dessus et de réaffirmer ses envies, ses désirs, de se réincarner.
Quels sont les projets de Skin Association à moyen et long terme ?
Je ne vous parlerai pas des 10 ans de l’association qui auront lieu au mois de novembre car c’est déjà demain !
A moyen terme, nous aimerions trouver un lieu qui concentre l’ensemble de nos ateliers, mais aussi démultiplier nos actions au-delà de la région parisienne.
Nous voulons sensibiliser les patients à nos actions pour qu’ils se sentent soutenus et pousser les pouvoirs publics à soutenir nos actions en les sensibilisant à ce vrai sujet de santé publique : l’après cancer. 2 personnes sur 3 estiment que l’après est plus difficile à vivre que la maladie. Les séquelles durent jusqu’à 25 ans après le diagnostic et affectent toutes les facettes de la vie (intime, familiale, sociale, physique, psychologique, économique, professionnelle). Tout cela a un coût. Et le coût est énorme pour la société, pas seulement pour les anciens malades. Sans compter celles et ceux qui vivent toute leur vie sous traitement pour des cancers métastatiques.
Enfin, que conseillerez-vous aux membres Carenity touchés par un cancer ?
Je leur conseillerais une chose : ne désespérez pas, gardez confiance, vous n’êtes pas seul.es. Une immense chaîne solidaire existe. Des associations de patients existent. Skin existe pour prendre la relève des soignants quand vous serez guéris ou en rémission.
Je leur conseillerais de ne pas s’essouffler à lutter contre la maladie. Laissez les soignants faire leur job. Laissez-vous porter. La vie est une vague mouvante. Le cancer se situe au point le plus creux de cette vague, mais demain la vague, dans son mouvement ininterrompu, vous portera vers sa crête.
Gardez confiance, tout ira bien.
Un dernier mot ?
Nous ne sommes rien les uns sans les autres. Ne restez pas seul.e, osez demander de l’aide. Nos vulnérabilités font notre force.
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