Maladie de Cushing : “Je sais, et je sens, que je suis sur le chemin de la guérison !”
Publié le 15 mars 2023 • Par Claudia Lima
Les symptômes de Marie n’ont jamais réellement convaincu son médecin traitant. Elle finit par s’y faire quelques années puis, se décide à rencontrer des spécialistes.
Elle est finalement diagnostiquée de la maladie de Cushing et peut enfin être traitée médicalement. Malgré un manque d’accompagnement psychologique, elle positive aujourd’hui, et nous partage son vécu avec la maladie.
Découvrez vite son histoire !
Bonjour @_idunn_, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Bonjour !
Je me présente, je m’appelle Marie. J’ai 25 ans et je suis infirmière. Je suis la petite dernière d’une fratrie de trois enfants avec 10 ans d’écart avec ma sœur et 12 ans avec mon frère. Je suis une jeune femme discrète et, accessoirement, bibliovore à plein temps. Les livres sont mon havre de paix.
Vous êtes atteinte de la maladie de Cushing. Pourriez-vous nous dire quand vous avez constaté les premiers symptômes ? Quels étaient-ils ? Qu’est-ce qui vous a poussée à consulter ?
C’est assez compliqué. En soit, les premiers symptômes sont apparus lorsque j’étais au collège, en 5ème.
J’ai commencé à prendre du poids sans modification de mon alimentation et avec une grande particularité dans la répartition des graisses : cou, nuque (Buffalo neck), j’avais le ventre d’une demoiselle enceinte de 5 mois, des vergetures très marquées sur les cuisses et les fesses, puis sur la poitrine.
Ma sensation de satiété était inexistante, mes menstruations étaient totalement anarchiques. Je perdais mes cheveux en masse, j’avais une acné sévère sur le visage, la poitrine et dans le dos. Et sans parler des poils de moustache, de barbe, et aussi les poils sur le ventre, les fesses et les jambes.
J’étais hyper mal dans ma peau, je ne supportais ni mes changements d’humeur ni mon corps. J’avais des migraines régulièrement, j’étais fatiguée en permanence, ma mémoire s’était dégradée.
J’ai été voir mon médecin traitant qui m’a tout simplement trouvé des excuses du type : “Il faut faire du sport et manger équilibré”, “Tu es simplement trop stressée”, “Tu es typée méditerranéenne, c’est à cause de ça les poils”, “Les hormones, à l’adolescence, ça détraque tout, c’est normal les sautes d’humeur et les règles anarchiques, ça ira mieux après avoir eu un enfant”, “L'acné se calmera, il faut attendre...”.
En réalité, je culpabilisais, car j’avais, au fond de moi, cette impression que tout ce qui m’était dit n’allait pas avec ce que j’avais. Vers l'âge de 15 ans, j’ai tapé sur Internet : comment perdre le gras de la nuque ? C’est comme ça que j’ai découvert le syndrome de Cushing, mais pour moi, si c’était ça, mon médecin l’aurait vu avant. Ça aurait dû lui sauter aux yeux, merci le déni dans lequel j’étais !
Quels examens avez-vous dû passer pour obtenir le diagnostic ? Combien de temps a-t-il fallu pour que le diagnostic soit posé ?
J’ai été voir une dermatologue à l'âge de 18 ans, car j’en avais marre de mon acné. Elle m’a prescrit Roaccutane®...et ça a fait un super effet pendant 9 mois, c’est-à-dire, le temps du traitement.
Ensuite, la dermatologue m’a fait faire un bilan hormonal, car elle trouvait que ma pilosité était quand même un peu excessive et aussi, que rien, au niveau dermatologique, n’expliquait ma chute de cheveux. Ce bilan comprenait un dosage du fer et des hormones (TSH, FSH, LH, Progestérone, Testostérone, DHEA-S). Quelques données sont revenues légèrement augmentées, mais n’ont pas été exploitées.
J’avoue que les années suivantes, j’ai laissé tomber. J’avais autre chose à penser que mon “mal-être” dans mon corps. C’est à cette période-là que je me suis “dissociée” de mon corps. Ce n’était pas celui que j’aurais dû avoir, et il évoluait de manière incontrôlable. Puisqu’il ne suivait aucune logique, ce corps n’était rien, et je n’étais que ma personnalité.
En 2020, ma mère m’a poussée à voir une endocrinologue. Celle-ci m’a refait faire des bilans hormonaux ainsi qu’un contrôle de la vitamine D, la glycémie, l’hémoglobine glyquée, l’indice HOMA (pour voir l’insulinorésistance), le cortisol, l’ACTH (hormone adrénocorticotrope qui permet de sécréter le cortisol) et le cortisol urinaire.
Il en est ressorti une DHEA-S élevée (hormone sexuelle masculine présente dans le sang des hommes et des femmes), puis le niveau de testostérone limite haut, une valeur de cortisol haute, mais dans la norme (prise à 8h), pareille pour l’ACTH mais la valeur de cortisol libre urinaire était trop élevée. Mon taux de vitamine D était en insuffisance, à la limite de la carence, et pour finir, un indice HOMA supérieur à 7.
J’ai également dû faire un test au Synacthène® pour vérifier la stimulation de l’ACTH qui n’a rien révélé. Ainsi, qu’un scanner des glandes surrénales, revenu normal. On m’a donc diagnostiquée, par défaut, touchée par un syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) parce que je coche 2 cases sur 3 selon la classification dite de Rotterdam (utilisée pour le diagnostic du SOPK, elle regroupe 7 critères).
En 2022, une amie, infirmière diplômée, travaillant au service d’endocrinologie, m’a conseillé de prendre un second avis médical, car elle pensait que je rentrais dans le tableau du syndrome de Cushing. Au même moment, ma mère, avec qui j’avais parlé de ma conversation avec cette amie, m’avait proposé de prendre un rendez-vous dans un centre de référence sur Besançon. L’endocrinologue rencontré, vers janvier-février, m’a fait refaire beaucoup d’examens médicaux, dont ceux précités. Certains dosages étaient encore une fois, trop élevés, j’ai donc dû faire un test à la dexaméthasone (freinage faible) qui permet d’explorer un hypercorticisme et de diagnostiquer le syndrome de Cushing.
En mars 2022, j'ai été hospitalisée sept jours dans un service d’endocrinologie pour effectuer d’autres tests dont une prise de sang toutes les 4h pour suivre le cortisol, puis un test à la CRH (Corticotropin Releasing Hormone), pour doser la corticolibérine, ou au Minirin® pour surveiller les troubles de la coagulation, et à nouveau un test à la dexaméthasone, cette fois-ci en freinage fort.
Initialement, tous ces examens servaient à trouver l’origine de mon hypercorticisme hypophysaire. J’ai passé une IRM hypophysaire le 1er avril 2022, celle-ci montrait un adénome de 6 mm de diamètre, que j’ai décidé de surnommer “le colocataire indésirable Eude-Hippolyte". J’étais assez contente de dire à mon médecin traitant qu’en effet, tout était dans ma tête !
Le 6 avril, jour de mes 25 ans, j’ai été officiellement diagnostiquée de la maladie de Cushing après une dizaine d’années d’errance et de symptômes. J’ai l’impression que ce jour-là, était le jour de ma renaissance.
Le 1er juillet, j’ai été hospitalisée pour retirer Eude-Hippolyte, ce fut un succès.
Avez-vous pu recevoir toute l’information nécessaire à la compréhension de la maladie ? Avez-vous fait vos propres recherches ?
Là où je me trouve chanceuse, c’est que depuis toujours, je suis curieuse. Comme dit précédemment, j’ai découvert ce qu’était le syndrome de Cushing lors d’une recherche sur le net au début de mes symptômes, surtout à cause de la bosse du bison caractéristique de la maladie.
Aussi, j’ai toujours aimé le milieu médical, et durant mes stages infirmiers, j’ai acquis des connaissances biologiques et sur les pathologies. Du coup, je considère que les informations n’ont pas été si difficiles à trouver et à comprendre. Il existe de nombreux sites tels qu’Orphanet, Firendo et Association Surrénales, qui aident à la compréhension.
Il y a également la page Facebook Syndrome et maladie de Cushing bis, qui permet d’échanger avec des personnes qui ont cette pathologie.
Je remercie Thérèse Fournier pour le témoignage dans son livre “Poisson Lune” (aux éditions Vent des lettres), celui-ci aborde très bien la maladie et jusqu’où l’erreur médicale peut aller avant que l’on ne diagnostique enfin Cushing.
Quelle est votre prise en charge actuelle ? En êtes-vous satisfaite ? Quel est votre traitement ? Comment avez-vous jugé/vécu l'accompagnement médical et/ou psychologique ?
Actuellement, je ne produis pas de cortisol. Je suis donc traitée par hydrocortisone. En cas de besoin, j’ai les coordonnées de l’endocrinologue et du neurochirurgien.
Je dois repasser une IRM en avril 2023. J’ai fait un bilan sanguin en janvier, un autre est à venir en avril aussi pour adapter le dosage de mon traitement. Ensuite, ce sera une IRM annuelle et des bilans sanguins réguliers.
Je suis plutôt contente de ma prise en charge. Néanmoins, l’une des choses que je trouve dommage est que je n’ai pas vu de psychologue avant et après mon opération. Alors que je sais que cela aurait pu m’aider, car j’avais une colère énorme en raison de ce retard de diagnostic. Suite à ma consultation chez l’endocrinologue, il n’aura fallu que 6 mois pour que je sois correctement diagnostiquée et traitée. Il y a aussi le fait que les médecins ont d’abord rejeté la faute sur moi et mon hygiène de vie.
Autre petit loupé, on m’a fait bénéficier de l’éducation thérapeutique du patient (ETP), pour que j’apprenne à m’auto-injecter de l’hydrocortisone en urgence, 3 mois après mon opération, et seulement parce que j’ai insisté pour apprendre et pour recevoir une carte de soins et d'urgence d’insuffisance surrénale. Je l’ai sur moi en permanence.
Globalement, je suis vraiment contente du travail qui a été fait, de la communication dont j’ai bénéficié, aussi de la pédagogie et de la façon dont ils m’ont rassurée.
Parfois, la personne atteinte du syndrome de Cushing peut aussi souffrir du syndrome de fatigue chronique, d'anxiété, de dépression et de problèmes cognitifs. Vous avez souhaité aborder l’aspect psychique lie à cette maladie, qu’en est-il pour vous ?
En effet, on nous dit souvent qu’on a un problème psychique avant d’accepter que le problème soit physique à la base. J’ai énormément été culpabilisée durant ces années de Cushing en pensant réellement que j’étais incapable de prendre soin de moi ou que j’étais un humain défaillant.
J’étais épuisée par les commentaires non sollicités de personnes que je ne connaissais pas, de ma propre famille et parfois de moi-même. Je me suis détestée. J’étais incapable de me voir en photo sans pleurer. Je suppose que ça a contribué à faire penser à une dépression.
Aujourd’hui, plus de 6 mois après mon opération, je me sens mieux. Je suis réconciliée avec moi-même, bien que je n’aie pas dégonflé, je sais qu’il faut encore un peu plus de patience.
Ma mémoire s’est améliorée, ma fatigue a diminué et je n’ai plus ces crises de larmes incontrôlées. Et je découvre la confiance en soi !
Avez-vous changé votre mode de vie, votre alimentation depuis l’annonce de votre maladie de Cushing ?
Non, pas volontairement en tout cas. Depuis mon opération, je mange beaucoup moins. Parfois, un seul repas me suffit, mais ça, c’est lorsque je mange plus que de raison. Sinon, les portions ont bien diminué. J’ai souvent envie de manger salé !
Quel est l’impact de la maladie sur votre vie privée et professionnelle ?
L’impact le plus significatif, c’est l’absence de confiance en moi... J’avais, et j’ai encore, du mal à croire en moi donc j’ai tendance à ne pas comprendre que l’on puisse m’aimer, après tout, moi-même, je ne m’aimais pas.
Je sais que j’ai des compétences, mais j’ai passé la plus grande partie de ma vie à ne pas rentrer dans les critères sociaux et à être jugée sans rien demander. Donc, même si je croyais en mes capacités, quoi qu’il puisse arriver, j’étais “écrasée”. “ON” n’a jamais cru en moi quand j’étais malade.
Dans ma vie professionnelle, je reste discrète. J’essaie d’être la moins visible possible. J’ai encore du mal à m’imposer, le regard des autres est encore trop important à mes yeux.
Avez-vous été soutenue par votre famille, vos amis ? Comprennent-ils la maladie ?
Au début, cela a été compliqué. Avant le diagnostic, je n’avais pas vraiment de soutien.
Même si je sais que ma mère s’inquiétait beaucoup, elle sentait qu’il y avait un truc qui n’allait pas, mais, pour elle, c’était une dépression. Elle est venue à toutes les consultations, elle avait aussi besoin d’entendre les choses et de poser des questions, plus que moi, puisque j’avais fait mes recherches d’informations, et de par mon métier d’infirmière.
Il faut dire aussi, que lors de mes recherches sur Cushing, je n’en parlais pas autour de moi, sauf sur le groupe Facebook. Je n’avais pas envie d’être prise pour une hypocondriaque, en plus de l’aspect dépressif.
Ce n’est qu’après le diagnostic officiel que j’en ai parlé à ma sœur et à mon frère. J’ai pas mal sollicité mes amies, même si elles ne comprenaient pas tout. Elles ont toujours su trouver les mots et les activités pour que je garde l’énergie et le sourire.
En dehors de vos traitements médicamenteux, avez-vous recours à des méthodes alternatives ? Lesquelles ? Quels ont été leurs bénéfices ?
Pas spécialement... je me suis mise au Zen art, un concept de relaxation et de gestion du stress par le biais de dessins et à l’aquarelle.
Je me dégage aussi encore plus de temps pour lire. Ça m’apaise. Pareil pour la marche, j’en fait plus qu’avant, et c’est agréable. Et c’est là où j’ai le moins de douleurs liées au sevrage de cortisol !
Aujourd’hui, comment allez-vous ? Comment gérez-vous le quotidien ? Avez-vous accepté votre maladie ?
Aujourd’hui, je vais mieux. Il faut encore de la patience pour voir les effets. Mais je sais, et je sens, que je suis sur le chemin de la guérison. Le quotidien est de plus en plus facile, car les douleurs musculaires disparaissent au fur et à mesure.
Quels sont vos projets ?
Ils sont plus d'ordre professionnel, j’aimerais me spécialiser dans l’éducation thérapeutique pour les maladies rares endocriniennes. Pour pouvoir communiquer avec des personnes qui ont besoin d’être comprises et aussi pour aider les familles à comprendre ce qui arrive au proche malade.
Enfin, quels conseils pourriez-vous apporter aux membres Carenity, également touchés par le syndrome de Cushing ?
Ayez confiance en vous et surtout soyez patient. Cette maladie n’est qu’un jeu de patience au final. Et, quand vous trouvez un professionnel qui connaît cette pathologie, gardez-le !!! Ils sont encore trop rares et difficiles à trouver.
Un dernier mot ?
Je suis contente d’avoir pu faire ce témoignage, cette maladie blesse bien plus qu’on ne l’imagine. Elle m’a volé mon adolescence, ma confiance en moi, ma féminité et ma vie de jeune adulte.
Mais elle m’a fait grandir en tant qu’humaine et en tant qu’infirmière. Je ne peux qu’être une meilleure version de moi-même après cette épreuve !
Je reste positive !
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