TOC : "la peur de moi-même ne m’empêchera pas de vivre une belle vie"
Publié le 10 juil. 2015 • Par Léa Blaszczynski
Découvrez le témoignage de Virginie, atteinte de trouble obsessionnel compulsif (TOC) mais déterminée à se battre.
1 - Bonjour Virginie, pourriez-vous vous présenter en quelques lignes ?
Je me nomme Virginie, 39 ans, je suis mariée et mère de trois enfants, vivant dans la région parisienne. Je suis pour l'instant en congé parental mais je devrais reprendre mon poste d'Auxiliaire de Vie Scolaire en septembre 2015. Mes passions : écrire, lire et sortir.
2 - Lors de l'annonce de votre diagnostic, quelle a été votre réaction ?
Déjà du soulagement car ce que j'avais portait un nom, c'était une maladie que je ne peux pas contrer. Je veux dire, tout ne vient pas de moi. Ce n'est pas forcément moi qui attire mes obsessions, qui les appellent pour me faire du mal, c'est une maladie derrière laquelle je me suis protégée trop longtemps et qui venait de révéler son caractère pathologique. Ce n'est pas moi mais une déficience neurobiologique au niveau des synapses, une partie de mon cerveau trop active ou pas assez ! Bref, ce n'est pas ma faute.
Je suis soulagée aussi parce qu'on peut vivre avec et "gérer" les crises. Triste aussi car, ben oui, j'ai des tocs, ok ! Et maintenant, qu'est-ce que j'en fais ? C'est pourquoi je me suis renseignée et ai appris l'existence des TCC.
3 - Quels impacts ont eu la maladie sur votre vie quotidienne ?
Enfant, déjà, j'avais recours à des rituels qui apaisaient des tensions en moi. Comme me retourner en classe pour toucher le pupitre du voisin, ou toucher ma culotte sous mes jupes ou dire le mot "putain" au travers de sons inintelligibles. C'était plus fort que moi. Il me fallait les faire pour être soulagée de je ne sais quelle angoisse sous-jacente.
Quand j'ai été plus vieille et surtout à l'adolescence, je fonctionnais par périodes d'obsessions, je m'accrochais à des gens, connus ou non, comme à des bouées de sauvetage et nourrissais sur eux des obsessions quasi amoureuses. Ces obsessions me servaient d'écran de fumée, de diversion pour ne pas vivre dans la réalité et ça ne me dérangeait pas, au contraire.
C'est à la fac que c'est devenu problématique car ces obsessions amoureuses m'ont gâché la vie et mes relations avec autrui dont avec la personne "aimée". Je le voyais partout, ne pensais qu'à lui et ça a commencé à me poser problème dans ma vie professionnelle et ça a empiré avec les années. Ces obsessions me rendaient de plus en plus malade et "autiste" et en 2002, lors d'une nuit passée seule face à moi-même dans un studio que j'avais loué pour un stage, j'ai eu une violente crise d'angoisse qui a été l'élément déclencheur de la dépression. J'ai passé une nuit si horrible que je suis retournée vivre chez mon père dès le lendemain.
Depuis, chaque obsession m'est devenue dangereuse, angoissante jusqu'en 2011 où le diagnostic est tombé. J'ai fait depuis, le rapprochement entre le début des "crises obsessionnelles" et des périodes de ma vie assez difficiles (deuil, séparation, changement d'environnement professionnel ou personnel avec mal-être). J'ai réalisé aussi que ce n'était pas l'évènement en question que je craignais mais ma réaction face à lui, donc peur de mes propres émotions, de moi-même.
Entre temps, j'ai eu des enfants et chaque naissance a été accompagnée de "phobies d'impulsions" où j'avais peur d'avoir envie de faire mal à mes bébés et de passer à l'acte alors j'avais recours à des rituels pour conjurer ces pensées. Hélas, me soumettre à ces gestes conjuratoires ne m'apaisaient plus mais me faisaient au contraire, me poser de sérieuses questions quant à ma santé mentale et du coup, ça m'angoissait bien plus ! Cette maladie a aussi gâché ma relation en partie avec mon premier mari et ne fait pas que de bonnes choses avec mon mari actuel malgré mon combat et mon traitement en cours car il y a toujours cette tension qui me pousse à m'enfermer dans mes pensées en boucle comme un besoin de les appeler pour me protéger de quelque chose ! J'essaie juste de ne plus avoir peur de ces pensées ni des émotions qu'elles génèrent.
Après le diagnostic, il y eu une période de mieux durant laquelle j'ai entamé une TCC (thérapie comportementale et cognitive). Ça semblait se calmer et j'étais en plein préparatif de mon mariage quand, en 2012, une dépression que je croyais finie, sans possibilité de rechute, m'a frappée à cause de la prédiction maya de l'apocalypse du 21 décembre. De nouveau des angoisses sans fin et des phobies d'impulsion, peur de craquer et de me jeter sous le métro, ce qui fait que prendre les transports en commun devenait anxiogène. J'ai dû reprendre un traitement que j'ai stoppé ensuite en douceur. Mais cette crise est revenue, fixée cette fois sur des angoisses morbides dont je n'arrive pas à sortir encore aujourd'hui comme si la peur de la mort avait toujours été cachée derrière toutes mes obsessions et ce, depuis l'enfance. Toutes ces fixations ne me servaient que de diversion, d'évitement face à un problème existentiel que je ne voulais pas regarder en face. Je me suis sentie dernièrement encore en danger continuel, incapable d'être heureuse à cause de la mort qui viendra me prendre un jour et j'ai dû ajouter à mon traitement un neuroleptique avec l'avis de mon médecin. Ces angoisses morbides se sont calmées entre temps puis me sont retombées dessus à plusieurs reprises, après la naissance de mon troisième enfant et après mon déménagement en février dernier. De plus, ma mère est morte à l'âge que j'ai aujourd'hui et je pense que ça joue.
4 - Vous êtes aujourd'hui mariée avec 3 enfants. Comment votre famille vit-elle votre maladie au quotidien ?
Mon mari a du mal à comprendre et à accepter que je prenne des médicaments car selon lui, ça me "zombifie"! Il a du mal à comprendre que je sois obsédée par des idées sans raison de les avoir alors qu'il y a des choses plus importantes. Il a raison mais cette incompréhension me fait culpabiliser.
Mes enfants, surtout mon ainé est un peu pareil que moi et cela m'inquiète car je ne veux pas qu'il développe cette pathologie à mon contact et si c'est le cas, je veux l'aider à le gérer.
Le plus gros problème, ce sont mes moments d'absence où je suis dans mes pensées, enfermée dans mon monde à parler avec moi-même pour me rassurer, contrer ces idées et subir les angoisses qu'elles génèrent encore. Ce sont ces moments dont mes proches souffrent le plus et cela me peine !
Vous êtes membre Carenity depuis maintenant quelques semaines. Qu’est-ce que notre plateforme vous apporte ? La conseilleriez-vous à une personne atteinte de trouble compulsif ?
Oui pourquoi pas ! Il y a un suivi des maladies et des traitements, possibilité de parler à des membres qui souffrent du même mal que nous ! Ça aide d'en parler !
5 - Quels sont vos projets pour combattre la maladie ?
Sortir, découvrir de nouveaux endroits et de nouvelles personnes ! Faire des projets, aller de l'avant. La meilleure méthode pour lutter contre l'idée de la mort, c'est la vie, vivre ! Je lis aussi beaucoup ou écris car ça m'occupe l'esprit. Enfin, je continue à travailler sur moi pour ne plus avoir peur de moi-même et pour vivre normalement pour moi et pour ma famille !
6 - Auriez-vous un message à faire passer aux autres membres Carenity ?
Même quand on croit que la situation est désespérée, il y a toujours des solutions ! L'espoir existe ! Il y a toujours du soleil derrière les nuages !
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