Errance médicale : “Non, ce n’est pas dans ma tête !”
Publié le 13 sept. 2023 • Par Candice Salomé
M, dite @cestpasmoicestmoncorps sur les réseaux sociaux, a été diagnostiquée d’un cancer du sein à 32 ans pour lequel elle est en rémission. Néanmoins, les symptômes qu’elle ressentait à cause des traitements ne l’ont jamais quittée. Fatigue extrême, douleurs chroniques, brouillard cérébral... elle a rencontré de nombreux spécialistes dont la majorité lui ont répondu “c’est dans votre tête !”. Elle continue de se battre pour pouvoir nommer ses maux. Elle se livre dans son témoignage pour Carenity.
Découvrez vite son histoire !
Bonjour M., vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Moi c’est M., aka @cestpasmoicestmoncorps, d’un âge certain, vivant en couple et maman d’un ado et d’un chat.
J’ai choisi de rester anonyme pour ne pas être jugée pas mon entourage qui ne comprend pas toujours (ou plutôt toujours pas…) ma situation, et pouvoir aussi exprimer TOUT ce que je ressens sans filtre.
Mes passions sont simples : la danse, la musique, la mer, la nature… La vie quoi ! Je suis de nature très sociable et fais partie de ces personnes qui se servent de l’humour pour relativiser même si, par moments, c’est plus compliqué…
Pourriez-vous nous parler de vos symptômes ? Et du handicap qu’ils peuvent vous causer au quotidien ?
J’ai eu un cancer du sein assez jeune (32 ans) et, depuis, c’est la descente aux enfers…après l’euphorie d’avoir survécu, certains symptômes dus aux traitements ne disparaissaient pas (fatigue extrême, douleurs partout, brouillard cérébral, tendinites multiples, problèmes gynécologiques et digestifs et j’en passe…), et d’autres sont apparus.
C’est là qu’a commencé mon errance médicale (qui continue encore aujourd’hui), et mes visites sans fin auprès de trop nombreux spécialistes.
Des diagnostics ici et là : lymphœdème, asthme, fibromyalgie, névralgie d’Arnold, endométriose, SCI (syndrome du colon irritable), migraines, suspicion de SED (syndrome d'Ehlers-Danlos), syndrome Mastocytaire et, surtout, un commun à tous : je dois probablement être dépressive et anxieuse et cela joue sur mon état…
Aucune partie de mon corps n’est en bon état, j’aime à dire que je suis « cassée ». Je vis en permanence avec des douleurs et cette fatigue, avec des jours avec et des jours sans…
Vous faites face à de nombreuses années d’errance médicale. Combien de spécialistes avez-vous rencontrés et quels examens avez-vous passés à l’heure actuelle ?
Honnêtement, j’ai un carnet d’adresses bien fourni ! Je découvre même des spécialités comme “phoniatre”, récemment (ORL spécialisé dans la voix).
En fait, il faut s’accrocher et enfoncer les portes quand on ressent que quelque chose cloche. C’est fatiguant mais je n’ai pas le choix : rien que pour mon cancer, j’ai dû demander à 3 gynécologues pour avoir une ordonnance de mammographie.
Concernant l’endométriose, j’ai également vu 3 gynécologues et c’est ma gastro-entérologue qui l’a détectée et m’a dirigée vers un centre radiologique spécialisé.
Pour l’asthme et les migraines, j’ai dû lourdement insister auprès de ma généraliste pour avoir un courrier, une perte de temps alors que les diagnostics ont été confirmés par la suite.
Pour la fibromyalgie, les 2 rhumatologues que j’ai vus m’ont diagnostiquée mais certains médecins n’y croient toujours pas…
Et pour le SED (Syndrome d’Ehlers-Danlos), 2 centres différents : l’un a validé, l’autre a contredit, j’avoue ne pas avoir creusé plus, j’ai déjà du mal à gérer tout le reste.
Où en êtes-vous actuellement dans votre parcours de soin et votre prise en charge ? En êtes-vous satisfaite ?
Je suis donc suivie régulièrement en pneumologie, oncologie, gynécologie, rhumatologie, gastro-entérologie.
J’ai également des rendez-vous dans un centre anti-douleur, et un suivi en hématologie pour un probable syndrome mastocytaire.
J’ai des séances de kiné très régulières (à vie pour le lymphœdème) et qui sont devenues indispensables.
Je ne peux pas dire que je suis satisfaite de mon suivi car j’ai un nombre incalculable de rendez-vous médicaux qui viennent s’ajouter à ma vie personnelle et professionnelle, la charge mentale est donc au maximum et c’est épuisant... Et mon état ne s’améliore pas !
Quel est l’impact de la maladie sur votre vie privée et professionnelle ?
Aucun domaine de ma vie n’est resté le même…
Que ce soit ma vie professionnelle (je ne peux plus travailler à temps plein et j’ai dû revoir à la baisse mes projets pros), sociale (l’annulation de dernière minute n’est jamais bien loin), amoureuse et familiale, et aussi sportive…
Je fais aussi en sorte, lorsque je pars à l’étranger, qu’un hôpital ne soit jamais bien loin.
J’ai fait un énorme tri dans mes amis (pour certains ça s’est fait naturellement), et les relations avec ma famille sont très compliquées.
J’ai perdu surtout beaucoup de bons moments avec mon fils qui a grandi et c’est le plus difficile pour moi.
Vous êtes active sur Instagram sous le nom de C’est pas moi c’est mon corps. Pourquoi avoir décidé de parler sur de la maladie et de l’errance médicale sur les réseaux sociaux ? Quels sont les retours de vos abonné(e)s ?
Je n’étais pas trop adepte d’Instagram et, un soir d’insomnie, j’ai commencé à chercher des informations sur le handicap invisible.
Effectivement, il existait des comptes pour des maladies bien spécifiques, mais pas grand-chose sur le fait d’être poly-symptomatique et en errance médicale. Mon envie était aussi de montrer que, même malade, on aime toujours autant, voire plus, profiter de bons moments, rire et surtout s’informer car les médecins sont parfois limités…donc je me suis lancée (à retrouver : @cestpasmoicestmoncorps)
Mes abonnés, sont très bienveillants et tellement drôles !
Je n’ai que de bons retours sur mon compte, mes publications, mais aussi les informations santé et la dose de rire journalière en story, et rien de tel pour me motiver à continuer.
On échange aussi beaucoup sur les médecins et rendez-vous médicaux, on partage les informations, on se sent compris, l’empathie y est mille fois supérieure au milieu médical.
Qu’aimeriez-vous pouvoir modifier dans le système de santé actuel ?
Tellement de choses… mais si déjà on pouvait sensibiliser les étudiants en médecine aux maladies invisibles, faire des séminaires de mise à jour des avancées scientifiques et médicales aux médecins en activité, et surtout… investir dans la recherche ! Nous sommes tellement nombreux et beaucoup trop jeunes !
Et arrêtez de nous dire que c’est dans notre tête car, au contraire, c’est le fait d’être douloureux en permanence qui nous mène à la dépression !
Un petit cours de relations humaines à inclure dans la formation ce serait pas mal non plus ?
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Aujourd’hui, je n’arrive plus à me projeter à long terme, j’ai enfin une situation stable professionnellement (mais pas épanouissante), j’ai longtemps travaillé à temps plein, j’ai donc droit à une pension d’invalidité, ce qui me permet d’être autonome financièrement… L’une des angoisses des malades chroniques… rester indépendant…
J’espère pouvoir travailler encore quelques années, mais certains jours sont vraiment une souffrance physique mais aussi psychologique. Faire semblant d’aller bien est très fatigant.
Je prévois des voyages mais pas trop en avance (le dernier, je n’ai malheureusement pas pu y aller…) et je vis au jour le jour (très difficile pour moi qui aimait tellement tout planifier et contrôler) d’où la difficulté pour mon entourage d’accepter mon nouveau statut.
Enfin, quels conseils pourriez-vous apporter aux membres Carenity qui, comme vous, souffrent et n’ont toujours pas reçu de diagnostic ?
Vous êtes les seuls à connaître votre corps, si vous sentez que quelque chose cloche, consultez ! Si on vous dit que tout est normal et que c’est dans votre tête, consultez ailleurs ! Renseignez-vous, échangez sur les réseaux, les forums. Non seulement vous trouverez peut-être des pistes à creuser, mais en plus vous rencontrerez une communauté (bien trop) nombreuse, bienveillante et prête à vous écouter et qui vous croit, elle. Vous n’êtes pas seuls !
Un dernier mot ?
Un petit coup de gueule sur le mot « résilience », nous ne sommes pas courageux, forts, nous n’avons juste pas le choix si nous voulons avoir un semblant de vie, on se bat ! Il y aura toujours des jours sans, où on a envie de laisser tomber et c’est normal ! Mais quand ça va un peu mieux, les plaisirs de la vie sont démultipliés alors gooooo, et comme je dis toujours : On est laaaaaa !!!
6 commentaires
Vous aimerez aussi
Doctoome vous permet de trouver le médecin ou le spécialiste qui vous correspond
17 juil. 2024 • 15 commentaires
Errance médicale : “Je reste positive et j’ai décidé d’affronter ça avec le sourire.”
21 sept. 2022 • 7 commentaires