Cancer : “Skin Association m’a permis d’entrevoir la lumière au bout du tunnel”
Publié le 4 févr. 2024 • Par Candice Salomé
Ségolène a été diagnostiquée d’un cancer au poumon non fumeur en 2020. Elle a décidé de quitter Paris et d’être prise en charge dans sa région natale, entourée de sa famille et de ses proches. 7 mois après que les médecins lui ont annoncé sa rémission, elle connaît une rechute au cerveau. Désemparée, elle décide de rejoindre une association en qualité de bénévole afin d’aider d’autres personnes en proie au cancer. Elle devient, par la suite, Responsable communication et évènements de Skin Association et mène, elle aussi, son projet créatif en binôme : un podcast où les proches aidants interviennent afin de libérer la parole de ceux qui n’osent, souvent pas, exprimer leurs angoisses profondes.
Découvrez vite l’histoire de Ségolène dans son témoignage !
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Il m'est toujours difficile de me présenter. Je pense pouvoir me définir comme une hyperactive. J'ai besoin d'être animée en permanence. Débordante d’énergie, je suis une boulimique de l'agenda rempli.
Mais ce que j'aime par-dessus tout ce sont les voyages. Je pars dès que je le peux. J'ai cette liberté de pouvoir partir seule, cela me ressource et j'en ai parfois besoin. Être seule avec la nature ce n'est jamais être seule, c'est aller à la rencontre de la beauté à l'état brut. C'est pour moi ce qu'il y a de plus pur et qui permet de se reconnecter à soi.
Quel a été votre diagnostic ? Quand avez-vous été diagnostiquée ? Et quel est votre parcours de soin ?
Début avril 2020, je me lève par une belle matinée, et ma voix ressemble à une crécelle, ce genre de son agaçant, aiguë, moi qui d'ordinaire ai une voix tendant vers le grave. De généraliste, en ORL, c’est un scanner le 30 mai où un début d'annonce se fait : "le scanner révèle un nodule pulmonaire ainsi que des ganglions anormalement gros pour votre âge. Vous devez consulter un pneumologue".
Dans ma tête, je n'ai qu'une pensée : poumon-pneumologue-cancer.
Il aura fallu 5 mois comprenant tout un tas d’examens médicaux sans résultat pour qu’on décide de m’opérer.
Le 30 septembre 2020, on réalise une thoracotomie (le but étant de retirer le nodule pulmonaire en passant par l'omoplate et de faire une biopsie ganglionnaire).
11h le lendemain, le 1 octobre 2020, le chirurgien vient me voir en salle de réveil "l'opération s'est bien déroulée mais le bilan est assez négatif".
Des fontes de giboulées s'abattent, il n'a pas besoin d'en dire plus, je sais !
"Comme je vous l'avais dit avant l'opération, il était possible que ce soit un cancer et malheureusement le nodule pulmonaire est cancéreux. Tout est parti en analyse et nous devons maintenant attendre le retour des résultats qui se fera long. Il est important maintenant que vous vous remettiez de l'opération."
Ma vie s'est joué en 3 heures, quand le périple a débuté depuis 5 mois.
2 mois se sont écoulés afin que je me remette de mon opération, puis j’ai pu démarrer la radiothérapie avec cycles de chimiothérapie concomitantes.
Février 2021, on m’annonça ma rémission.
Quel était votre état d’esprit au moment du diagnostic ? Avez-vous pu être entourée et soutenue par vos proches ?
Si à mes débuts, ce cycle qui m'était inconnu était à l'image d'un enfant sortant brusquement du ventre de sa mère, j'ai par la suite appris à marcher, j'ai composé.
Si j'ai su le faire, il est vrai, par moi-même, j'y suis aussi parvenue grâce à mon entourage.
Étrangement, durant ce parcours où beaucoup parlent de combat, je ne le mentionnerais pas comme tel, c'est juste un non-choix, de ceux pour lesquels vous devez avancer sans trop réfléchir au risque de vous arrêter et de tomber. J'ai suivi le chemin qu'on me donnait, celui qui allait être celui de la guérison, sans me retourner, en fonçant comme à mon habitude, tête baissée, en vivant l'instant présent, sans projection si ce n'est celui du bilan. Ce fameux Carpe Diem qui se veut poétique et qui fut pour moi une bataille de chaque jour, puisqu'un besoin incommensurable d'avancer, de savoir.
J'ai fait le choix de retourner dans ma province natale pour ma prise en charge.
Je savais que je serai très entourée chaque jour, chose plus délicate en région parisienne. J'ai donc délaissé mon conjoint, il a fallu gérer la maladie, le couple, la distance et les ravages de ce pou qui s'était incrusté.
La présence de mon neveu et ma nièce a été une réelle force, il n'y a rien de tel qu'un enfant et son innocence pour vous faire passer des moments incroyables malgré la difficulté de la situation.
Je parle de premier pan car 7 mois après ma rémission, j'ai eu une rechute au cerveau, diagnostiqué en septembre 2021.
J'avais repris ma vie parisienne. Je me revois l'annoncer au téléphone à ma mère et être complètement désemparée.
J'avais tout mis en place, une hygiène de vie stricte, j'avais éliminé tous les sucres lents et rapides, pas une goutte d'alcool, du sport, j'allais courir tous les 2 jours et c'était devenu obnubilant.
A ce moment-là, je ne voyais plus quoi faire.
Si en mettant toutes les chances de mon côté cela n'y faisait rien, alors je devais lâcher prise et tout simplement vivre.
Quel a été l’impact du diagnostic sur votre vie privée et professionnelle ?
Cela faisait quelques années que je réfléchissais à une reconversion.
J'ai fini par délaisser mon ancien travail pour lequel j'étais passionnée mais où j'ai laissé des plumes. Aujourd'hui, mon travail n'est plus du tout une priorité. J'ai trouvé un équilibre et m'épanouie pleinement avec tous mes projets professionnels et associatifs.
Il y a eu un avant et un pendant, l'après quant à lui est mouvant.
Le sourire d'avant loin d'être le même, est toujours présent.
Mon « pou » m'a laissé des traces, quelques balafres par-ci par-là, certaines physiques et largement visibles, d'autres intérieurs, plus profondes. Aujourd'hui, je suis face à moi-même, différente de celle que j'ai été ; comprendre les changements, composer avec l'impact que cette maladie a eu, et a toujours sur moi, en ressortir plus forte certes, mais à la fois affaiblie. Reprendre la route en faisant attention à l'itinéraire, si tant est qu'il y en ait un, se réaccaparer son corps, et parvenir à se recréer sa bulle.
J'en suis là aujourd'hui, j'avance à petits pas, dans une ligne incertaine, je reste donc fidèle à moi-même puisque le linéaire ne m'a jamais convenu.
Comment avez-vous découvert l’association Skin ? Pourquoi avoir décidé de rejoindre l’association ?
Au sortir de mon parcours, j'ai eu une réelle envie de m'investir dans une association en lien avec ma pathologie.
Je n'ai rien trouvé qui me correspondait et la période Covid-19 n'aidait pas à développer des projets, tout était à l'arrêt. J'ai donc laissé le temps filer.
A ma première rechute, c'est devenu une nécessité. Si je ne pouvais pas m'aider moi-même alors je devais accompagner les autres. Je n'étais pas au fait de ce qui se faisait sur le sujet, j'ai vécu mon parcours de soin dans mon cocon familial et je ne me retrouvais pas dans ce que je voyais passer sur les réseaux sociaux.
Courant mars 2022, une personne a partagé une story sur Instagram : "L'association Skin recherche une bénévole pour s'occuper des ateliers et sorties culturelles".
Je suis allée voir leur Instagram, et j'ai voulu en savoir davantage. J'ai eu un premier contact téléphonique avec Julie qui s'occupait de cela. J'ai tout de suite été transportée.
Puis j’ai échangé par téléphone avec Cécile Reboul, la Présidente et, à cet instant, j'ai su que je voulais valider ma candidature.
Pour la première fois, je me sentais comprise et j'étais face à une personne dont la vision de cette pathologie concordait avec la mienne.
J'ai commencé par m'occuper des sorties culturelles (je travaillais, par ailleurs, à temps plein, alors c'était une façon d'allier les deux pour débuter). Depuis, je suis responsable de la communication et des évènements.
Quels bienfaits tirez-vous de l’accompagnement Skin Association ? Qu’est-ce que cela a changé pour vous dans votre manière d’appréhender la maladie ?
D’une part, en qualité de bénévole active dans l'association, je ne peux que constater les bienfaits de Skin sur nos membres. Skin, c'est l'art de se réinventer par le beau et dans le partage.
La pathologie n'est pas le centre de nos rencontres, nous prônons l'humain avant tout. Car avant d'être malade, nous sommes bel et bien des êtres humains. Il y a un avant et un après Skin. C'est l'art de faire prendre conscience à l'ensemble de ces femmes (et quelques hommes) qu'ils sont tout autre chose que des malades. Les aider à dépasser leurs propres limites, les accompagner dans leur reconstruction en proposant notamment des moments de partage et de co-création.
Être bénévole chez Skin m'a aidée à avancer. Sincèrement, sans Skin je ne sais pas ce que je serai devenue. Ça a donné un sens à tout ça, notamment aux pires moments de ma vie.
D’autre part, en ma qualité de patiente, Skin m’aide à toujours voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. J'ai compris que je pouvais moi aussi m'aider et que tout était encore possible. Qu'il y avait un après, même lorsque je n'y croyais plus.
Pourriez-vous nous parler du projet artistique sur lequel vous travaillez en binôme avec un artiste ? De quoi s’agit-il ?
J'ai la chance de pouvoir appeler cela un trinôme. J’œuvre en collaboration avec Romain et Marguerite de l’agence audiovisuelle Les Beaux Yeux. Je travaille sur la co-création d'un podcast dont l’objet est de donner la parole aux aidants.
Les ravages du cancer ne touchent pas seulement les malades et on oublie trop souvent ce que cela génère chez les proches. La parole est compliquée, ils n'osent pas dévoiler leurs peurs les plus profondes. Ils font ce qu'ils peuvent avec les outils qu’ils ont. J'avais besoin de les mettre en lumière. De leur offrir cette liberté de s’exprimer.
Bien sûr, ce podcast est également une thérapie pour moi. Ne plus taire ce qui n'est pas dit. Notamment parce que je suis entourée de beaucoup de taiseux.
Parce que dire à haute voix, c’est aussi mettre en lumière une réalité qui, pour eux, n’est pas facile à admettre. Car, aujourd’hui, je ne suis pas en rémission, la réalité c’est que je ne pourrai pas guérir de ce cancer, je vais devoir continuer à vivre avec. Et je pense que cette réalité leur fait peur.
Je voudrais qu’ils comprennent ce que je traverse.
C’est du reste le but du binôme artistique chez Skin : laisser s’exprimer les émotions, libérer la parole à travers la création. Plus je parle de la création, plus je parle de moi. Et plus c’est moi que je libère. Ce moi de « l’après ».
La quasi-totalité du podcast a été tournée, il nous reste la partie montage.
Le premier épisode pourrait voir le jour d'ici un mois.
Conseilleriez-vous aux membres Carenity de rejoindre l’association Skin ? Pourquoi ?
Ce n'est pas un conseil, c'est une nécessité.
Skin est la seule association que je connaisse qui propose des binômes artistiques.
Tenter l'aventure Skin, c'est oser l'expérience d'être pleinement soi.
Se laisser porter par un projet dans lequel on n’aurait pas osé se lancer seul.
C'est entrevoir la lumière au bout du tunnel. Se redresser complètement. Passer de l’état passif - de l’état patiente - à une nouvelle étape : être debout de nouveau, reprendre les manettes de son existence, décider de qui je deviens après, maintenant.
Skin, c'est une aventure humaine avant tout.
La rencontre à travers le binôme, les membres de l’association, les partenaires aussi. Des liens qui se créent. C'est se laisser porter par le désir le plus intime, que certains enfouissent et n’osent pas laisser émerger.
L’opportunité d’accéder à des univers auxquels nous n’aurions jamais osé rêver. Mais aussi des personnes, que nous n’aurions jamais rencontrées dans un autre contexte que celui-là. C’est se sentir libre et compris sans jamais être considéré comme un malade, mais bien comme un individu à part entière.
L’ADN Skin, c’est être là les uns pour les autres. Dans le beau, dans le partage, dans le plaisir. Dans la vie.
Où en êtes-vous à l’heure actuelle ? Quels sont vos projets pour l’avenir ?
3 ans se sont écoulés depuis l'annonce.
2 rechutes plus tard, je suis désormais désignée en cancer métastatique.
Je suis sous traitement médicamenteux depuis 2 ans ; il permet une stabilisation des cellules cancéreuses, qui sont actuellement endormies.
Je n'ai plus de projet sur le long terme.
L'année 2023 a été particulièrement complexe pour moi. J’ai vu s'envoler le seul désir que j'avais depuis toujours, celui de devenir mère, et avec lui le retour au célibat. Ma reconstruction se fait jour après jour.
Si j'ai accusé le coup, aujourd'hui je sais que s’ouvre le champ des possibles et que ma seule limite, c'est moi-même.
Un dernier mot ?
Il faut être acteur de sa santé. Savoir se faire aider mais également s’écouter.
Y croire, toujours, parce que personne ne le fera pour vous.
Il est difficile d’affronter les choses, mais c’est en le faisant que nous pouvons avancer.
Retrouver Skin Association ici :
- Sur le site Internet,
- Pour adhérer à l'association,
- Sur Instagram.
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