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Cancer du sein : espoir, reconstruction et résilience avec Delphine Remy (partie 2)

Publié le 22 janv. 2025 • Par Candice Salomé

Après les traitements, un nouveau défi commence pour les personnes touchées par le cancer. Delphine Remy raconte avec authenticité ce « no man’s land » de l’après-cancer, ses effets à long terme, et son cheminement vers la reconstruction de soi. À travers son récit, elle met en lumière l'importance de l'espoir, de l'entraide et du courage pour surmonter les défis et redéfinir sa vie après la maladie.

Découvrez vite son histoire !

Cancer du sein : espoir, reconstruction et résilience avec Delphine Remy (partie 2)

Dans la première partie de son témoignage, Delphine Remy nous plonge dans son histoire : son diagnostic, son combat, et sa mission pour soutenir les autres à travers ses nombreux projets. Dans cette seconde partie, elle nous emmène au-delà des traitements, dans cette étape souvent méconnue qu’est l’après-cancer. Elle y explore des thèmes essentiels comme l’espoir, les séquelles invisibles et la reconstruction du féminin

L’espoir plus contagieux que le COVID 

Quand j’ai appris ma maladie, mon premier réflexe a été de chercher des solutions, des inspirations et des réponses sur le net et je suis tombée sur les témoignages de la fameuse Lili Sohn, auteure de La Guerre des Tétons. Cette jeune femme m’a donné une force incroyable. Je me suis dit « Si elle a pu traverser cette épreuve avec courage, je serai aussi capable de le faire, elle m’a insufflé de l’espoir en dose massive. » Ce qui m’a amené à faire une découverte de malade, au sens propre comme au sens figuré ! L’espoir est plus contagieux que le COVID. Je m’explique en tentant de rester brève… j’en ai fait toute l’expérience dans mon groupe de soutien. 

Ce dernier m’a permis d’identifier trois groupes ou types de personnes

  1. Celles qui n’arrivent pas à se relever ou en veulent à la terre entière ou subissent ou se révoltent ou ne voient absolument pas la possibilité d’un changement, peu importe les raisons. J’insiste sur le fait qu’il n’y a pas jugement de valeur. C’est un constat à un moment précis et peut-être que le lendemain, les choses auront évolué pour ces personnes. 
  2. Les personnes qui avancent et suivent leurs traitements. Elles sont courageuses et elles souhaitent bon courage à celles qui commencent, à celles en cours de traitements et à toutes les autres. 
  3. Et puis, le dernier groupe. Lumineux ! Des espèces de lucioles dans la nuit, des petits soleils, des porteuses d’espoir qui brillent de partout. En quelques propos, elles rayonnent sur tout le groupe en partageant la manière dont elles ont transformé l’obstacle en tremplin. Certaines sont à des stades avancés de la maladie, d’autres ont de multiples métastases, d’autres encore terminent leurs traitements, peu importe, elles rayonnent et apportent énormément d’espoir aux autres. C’est étonnant. 

L’histoire ne se termine pas là ! Ce que j’ai observé, c’est que les personnes du groupe 1 et 2 évoluent au contact des personnes du groupe 3 et le plus fou encore, et je l’ai observé à maintes reprises, c’est que des personnes du groupe 1 après avoir été reboostées par des personnes du groupe 3 se mettent à donner espoir à celles qui vont mal

L’espoir, comme l’amour, est une force de vie dont nous avons tous besoin. Parlons d’incertitude et soutenons l’espoir. Personne ne sait comment la maladie va évoluer mais nous savons tous que nous avons grandement besoin d’espoir pendant tous les traitements et après. Vous vous imaginez d’aller au combat, de supporter 5, 6, 7, parfois plus, mois de chimio en vous disant que c’est perdu d’avance ? L’espoir est la clé et nous donne toute la force dont nous avons besoin pour avancer. 

L’après-cancer 

64% des personnes atteintes du cancer rapportent que l’après-cancer est plus difficile que la période des traitements

Le post, c’est le vide, c’est le creux, c’est le cul entre deux chaises, le no man’s land. On a été secoué, balloté, maintenu par quelque chose qui nous a fait avancer, quelque chose qui nous a fait vibrer, quelque chose qui nous a fait découvrir une part de nous-même tout à fait surprenante et que nous ignorions. On était en mode survie parfois, maintenu par une force de vie, un élan vital qu’on n’avait jamais expérimenté auparavant et puis… Paf. Paf. Le vide. 

Des effets secondaires et des difficultés à long terme peuvent survenir. A ces difficultés se rajoute souvent l’incompréhension de l’entourage. Les cheveux repoussent, il est attendu que nous soyons aussi performants qu’avant, que la vie reprenne son cours, qu’on tourne la page mais la réalité est bien différente. C’est bien souvent l’entourage qui veut tourner la pageCe décalage est source de souffrance. On a encore envie et besoin de beaucoup parler de ce qui nous est arrivé et on a tendance à s’autocensurer en présence de personnes qui n’ont jamais été malades pour ne pas les ennuyer avec notre maladie « soi-disant finie ». 

Il n’est pas simple de rapidement tourner la page d’un événement aussi énorme qui est venu chambouler nos vies et celle de notre famille. Personnellement ça m’a énormément aidée de me rapprocher de femmes qui vivaient également ce post-cancer et qui avaient, elles aussi, lancé des projets suite à leur maladie. 

Les effets et les troubles à long terme sont bien souvent invisibles. Ils peuvent être divers et variés et ne concernent pas tout le monde. J’ai envie de mentionner l’empreinte de la fatigue, les troubles sexuels et cognitifs, le retour au travail difficile, l’atteinte à l’image corporelle, les troubles émotionnels et psychiatriques, la peur de la rechute, l’infertilité, la gestion de la douleur… Il faut trouver ses repères dans une nouvelle vie et un nouveau corps. Ça prend du temps et ça demande souvent un accompagnement. 

Il y a énormément de professionnels qui sont là pour aider et j’aimerais insister sur le fait que c’est crucial d’en parler afin de ne pas laisser les troubles s’installer. Au même titre qu’il est important d’être acteur de sa maladie, il est primordial d’être acteur de son après-cancer. 

La reconstruction du féminin 

Je ne peux pas ne pas vous parler de la « reconstruction mammaire », association de mots que je n’aime pas beaucoup pour être tout à fait honnête. 

Reconstruction mammaire, reconstruction du féminin, reconstruction de SOI finalement. 

Je pense qu’il est important de lever les tabous par rapport à ce processus de reconstruction qui est long, lourd et compliqué physiquement et psychologiquement. On est sensée être heureuse car on arrive en fin de parcours et de l’extérieur, la reconstruction peut paraître si simple. « Elle a perdu un sein (ou deux) et elle le(s) reconstruit (= on lui glisse une prothèse) et basta. » La réalité est loin d’être aussi simple et l’entourage ne fait pas la distinction entre la chirurgie reconstructrice et une chirurgie esthétique des seins. Ça n’a rien à voir ! 

J’aimerais mentionner les quelques éléments qui provoquent parfois un certain chaos psychologique… 

  • L’indécision par rapport à la reconstruction ou non ; 
  • L’indécision par rapport au type de reconstruction. Toutes les informations (parfois contradictoires) récoltées chez divers plasticiens viennent se mêler aux questions personnelles par rapport à la féminité, tout cela dans un état de fatigue après les longs traitements ; 
  • La fatigue des reconstructions vient se rajouter à cette fatigue préexistante ; 
  • On veut croire que c’est un processus linéaire, mais la réalité nous montre que c’est un processus qui est constitué d’allers et de retours incessants entre contentements et mécontentements, entre joies et peines, entre attentes et déceptions, sans oublier de mentionner l’insensibilité des zones à reconstruire et reconstruites, et les cicatrices supplémentaires quand il s’agit d’une reconstruction autologue. 

J’ai voulu très vite rencontrer des plasticiens, certains avant même de perdre mon sein. A tort ou à raison ? Peu importe, c’est ce dont j’avais besoin. Je ne peux pas vous cacher que quand je visualisais leurs slides sur les types de reconstruction possibles, la seule chose que je voyais était la souffrance, les balafres, des seins qui ne ressemblaient pas toujours à des seins, des tétons en 2D, des boules, des plis, des vagues. Je voyais l’empreinte de la maladie et je trouvais finalement que ma belle cicatrice d’amazone était plus belle. J’ai mis un an à tergiverser et à me sentir perdue dans mon identité. 

Étonnant non de parler d’identité, comme si l’identité dépendait d’un sein ou de deux seins ? J’ai finalement décidé de reconstruire pour arrêter ces questionnements, obsédants par moments, et parce qu’au fond de moi, je sentais que c’était juste. C’est étonnant comme une zone qui n’était pas si investie avant le cancer devient tout à coup une zone surinvestie. Beaucoup de femmes rapportent ce phénomène. 

Corps organique et corps symbolique 

Je pense qu’il est intéressant aussi de mentionner la différence entre le « corps organique » et le « corps symbolique ». Quand on est malade, les médecins s’adressent à notre corps organique. La priorité est de nous sauver la vie et d’éradiquer la maladie. Quand on sort de la phase « corps organique » reviennent alors la place de la féminité, tous les questionnements liés à celle-ci, et bien souvent la violence de la mutilation. 

Loin de moi l’intention d’être négative, c’est absolument formidable ce qu’on fait de nos jours mais il est important de mentionner que la reconstruction mammaire et la reconstruction du féminin n’ont pas toujours le même timing. 

Il y a tout un travail personnel pour se réapproprier ce « volume mammaire » et que celui-ci devienne à nouveau un organe intime, et rares sont les plasticiens qui intègrent le regard du féminin. 

Pour moi, la phase du deuil du sein est indispensable avant de pouvoir se réapproprier cette partie intime. Il faut pouvoir nommer cette blessure, panser et repenser sa féminité. Le toucher a été pour moi une thérapie extraordinaire. J’ai mis un an à aller voir une kiné. Il n’y a pas beaucoup de choses que je referais différemment dans mon parcours de soins, en revanche, je ne commettrais plus l’erreur d’attendre un an pour rencontrer cette kiné qui m’a accompagnée sur le chemin de la reconstruction. 

Chacune doit faire son chemin. Il n’y a pas de règle mais il est évident qu’il y a un deuil à faire pour avancer sereinement et se réapproprier son ou ses nouveau(x) sein(s). 

Happy ending 

Life sucks sometimes, je pense qu’on est tous d’accord là-dessus. Un proche me disait que la Vie, le Réel sont rugueux, on s’y écorche la peau parfois mais il y a toujours la possibilité de faire un choix, celui de transformer l’obstacle en tremplin, et c’est cela la définition de la résilience et de l’optimisme. Et puis, j’aime parler de la joie, c’est important la joie, ça permet de continuer. Il y a le choix d’accueillir la joie MALGRE TOUT, malgré tous les « life sucks ». C’est une démarche active et volontaire de tous les jours, cancer ou pas. Ça nous concerne tous, cancer ou pas. 

J’ai pu constater tout au long de ma vie, dans toutes les épreuves rencontrées, certaines bien plus dures que le cancer, que c’est dans les moments les plus durs qu’on se découvre des ressources extraordinaires. Et c’est important de se le dire et redire. C’est important de faire des petites évaluations avec soi-même et se dire « Bein merde, c’était l’horreur mais je me suis encore relevée » et de célébrer toutes ces petites victoires parce que des combats à gérer, il y aura encore un paquet. 

Je terminerais par mon expression préférée : Every cloud has a silver lining (après la pluie le beau temps). Tentons d’envisager la possibilité que l’épreuve puisse faire découvrir une part étonnante de nous-mêmes, et je dirais même des ressources insoupçonnables et insoupçonnées. Ça vaut vraiment la peine d’aller creuser ! 

Accueillons le réel tel qu’il est, parfois atroce, dur, tragique, ne le nions pas, surtout ne le nions jamais, ne mettons pas une couche dessus pour ne pas le sentir, mais ne nous y perdons pas. Ouvrons-nous à la possibilité d’un changement. Un changement possible, une amélioration possible, une attitude différente qui changera notre regard sur la situation. Tentons de ressentir au plus profond de nous-même la fierté et le courage dont nous avons fait preuve quand nous nous sommes relevés après certains traitements, après certaines nouvelles difficiles. Je parle ici de la maladie, mais je pourrais étendre ces propos à tous les obstacles que nous rencontrons tous, et que nous allons rencontrer, parce que tant que nous sommes vivants, il y en aura encore à gérer. 

J’entends si souvent « On ne sera plus jamais comme avant. » A cela, je réponds « Non, on ne sera plus jamais comme avant mais si on se focalisait sur comment construire quelque chose de beau après ? » 

Pour accéder au site, livre, podcast et Petit Guide pour consoler une personne malade, c’est par ICI !

Un grand merci à Delphine Remy pour son témoignage !  
  
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avatar Candice Salomé

Auteur : Candice Salomé, Rédactrice Santé

Créatrice de contenus chez Carenity, Candice est spécialisée dans la rédaction d’articles santé. Elle a une appétence particulière pour les domaines de la psychologie, du bien-être et du sport.

Candice est... >> En savoir plus

1 commentaire


marmottedessavoie
le 22/01/2025

"l'obstacle devient un tremplin", ca j'adore, il y a tant de vérités dans cet article, les 3 groupes parfois se mêlent ,on passe de l'un à l'autre selon les jours, ou les semaines.. A part mon mari et une amie ,personne ne sait que j'ai un cancer de l'endomètre, sans doute pour éviter les apitoiements laborieux ,les curieux malsains (même dans la famille),ceux qui prennent à leur compte "notre" maladie pour s'apitoyer sur eux même, vous savez les "dans ma famille on est vraiment les plus malheureux ,tu te rends compte ma sœur a un cancer" et surtout qu'on exige de moi une certaine attitude. Ma phrase favorite ,je l'ai lu sur le fronton d'une église ,en latin, sous un cadran solaire : " les heures les plus froides précèdent l'aube"

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