Violences gynécologiques : la parole des femmes se libère
Publié le 30 janv. 2019 • Par Louise Bollecker
Que l’on souffre d’une maladie chronique ou non, les examens gynécologiques sont un passage obligé et parfois redouté pour les femmes. L’année 2018 a vu de nombreuses voix s’élever contre des pratiques douteuses, offensantes ou dangereuses, concomitamment au mouvement #MeToo contre le harcèlement et les agressions sexuelles.
Des violences gynécologiques dénoncées
Rendez-vous intime et régulier dans la vie d'une femme, l'examen gynécologique est parfois vécu comme une source d'embarras mais peut se transformer en un moment physiquement et psychologiquement violent. Le médecin généraliste et écrivain français Martin Winckler a dénoncé ce phénomène dans l’un de ses livres : « quand un professionnel maltraite physiquement ou verbalement une patiente et répond à ses protestations (ou à ses signes de douleurs) par le mépris, c'est de la maltraitance, ce n’est plus une maladresse ». Selon lui, la forme de maltraitance la plus fréquente est le jugement porté par le médecin sur le poids de sa patiente, son choix contraceptif, son orientation sexuelle, sa volonté ou non d’avoir des enfants…
>> 70% des patients ont déjà menti à leur médecin, notamment pour éviter son jugement
« Le silence, le mépris, la dérision, la menace, le chantage sont monnaie courante, et ils sont inacceptables » poursuit Martin Winckler. En effet, on se rend chez son médecin pour être accompagnée et comprise, non pour être jugée. Les violences dépassent parfois le cadre du psychologique : de nombreuses femmes ont pris la parole, notamment sur les réseaux sociaux, pour dénoncer des frottis volontairement brutaux ou des touchers vaginaux parfois inutiles et douloureux.
La situation est plus ou moins encadrée selon les pays : au Royaume-Uni, des règles strictes de comportement auxquelles les gynécologues doivent se plier ont été édictées. Des mesures suffisantes pour limiter les problèmes ?
Être comprise et devenir l’actrice de sa santé
Être l’actrice de sa contraception, de son accouchement, de ses choix médicaux, est-ce seulement possible ? Par exemple, les réseaux sociaux et les magazines féminins ont relayé l’épineuse question de la pose d’un DUI (stérilet), très souvent refusée aux femmes qui n’ont jamais eu d’enfants.
L’accouchement est également une source de crispations : refus du personnel de santé de laisser la future mère se déplacer comme elle le souhaiterait ou adopter la position qu’elle juge nécessaire, épisiotomies systématiques, manque de suivi psychologique… De nombreuses sages-femmes ont néanmoins déploré certains commentaires trop à charge, arguant qu’elles se souciaient plus que quiconque du bien-être des femmes et que les patientes n’avaient pas toujours conscience des impératifs médicaux qui se cachent derrière les décisions prises, parfois dans l’urgence, en salle d’accouchement.
La médiatisation de l’endométriose a également pesé sur les débats : cette maladie qui touche 1 femme sur 7 est sortie de l’ombre il y a seulement quelques années. Beaucoup de patientes n’ont pas été écoutées par les médecins. Leurs douleurs, pourtant comparables à des coups de couteau dans le ventre, n’ont pas été prises au sérieux pendant des années.
>> Vers le forum dédié à l’endométriose
Le scandale des Balkans
Si le mouvement #MeToo n’avait au départ pas opéré dans les Balkans, il aura eu un effet à retardement : après le discours au Parlement d’une députée croate sur les pratiques médicales « dignes du XVème siècle » en vigueur dans son pays, de nombreux témoignages ont été diffusés depuis tous les Balkans.
En Croatie, une femme sur trois n’aurait pas bénéficié d’anesthésie lors d’un traitement douloureux comme un curetage, une biopsie, une ponction folliculaire ou une épisiotomie. « Pendant qu'ils m'immobilisaient les mains, les jambes et la tête, le médecin a dit que je pleurais parce que je suis une femme gâtée » a raconté une femme victime d’un curetage sans anesthésie à une association locale qui relaie un maximum de témoignages. Au total, quelque 400 témoignages ont été recueillis, lus publiquement dans plusieurs villes du pays, et remis au ministère de la Santé.
L'association bosniaque Accouchement naturel a collecté les témoignages de plus de 300 femmes sur des traitements gynécologiques douloureux. Même constat en Serbie où, d’après l'association Centre pour les mamans, ces traitements douloureux et humiliants sont la cause de la baisse de la natalité. Un sondage a montré en 2015 que 10% des femmes serbes « ne veulent pas avoir un autre enfant en raison d'une expérience traumatisante dans les maternités lors du premier accouchement ».
Et vous, que pensez-vous de ces témoignages ?
Avez-vous déjà eu une mauvaise expérience avec un gynécologue ?
Comment s’est passé votre accouchement, si vous êtes maman ?
Avez-vous confiance dans votre professionnel de santé ?
Carenity
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