Vent en poupe pour l’immunothérapie, la nouvelle arme anti-cancer
Publié le 3 juin 2014 • Par Louise Bollecker
Les spécialistes réunis au 50e Asco confirment l'intérêt grandissant pour cette approche thérapeutique encore confidentielle il y a peu. De notre envoyée spéciale à Chicago.
BOOSTER. Encore confidentielle il y a quelques années, l’immunothérapie, cette approche qui cherche à booster le système immunitaire pour lutter contre les tumeurs, occupe désormais une place d’honneur dans la lutte contre le cancer.
Pour preuve, l’intérêt grandissant que lui portent les spécialistes réunis au 50e congrès de l'ASCO (Société américaine d'oncologie clinique), la plus grande conférence internationale consacrée au cancer qui se déroule actuellement à Chicago. Mais à peine entrée dans la pratique quotidienne des cancérologues, cette approche pose déjà de nombreuses questions quant à son usage et son évaluation.
Un système immunitaire actif est associé à une moindre risque de récidive tumorale
Immunothérapie. Voilà une stratégie astucieuse et complexe qui s’avère l’une des voies de recherche les plus prometteuses en cancérologie. Elle repose sur la capacité du système immunitaire à détruire les cellules tumorales qui savent souvent faire profil bas, voire se rendre carrément invisibles pour déjouer les attaques du système immunitaire.
On sait d’ailleurs de longue date que les immunodéprimés sont par exemple plus à risque de certains cancers (lymphomes) et aussi qu’un système immunitaire actif est associé à une moindre risque de récidive tumorale.
QUATRE-VINGT. "Longtemps, les efforts des chercheurs pour stimuler le système immunitaire à combattre les cancers se sont avérés vains, explique le Pr Christian Borg, oncologue à Besançon. Or, depuis quelques années, de plus en plus de molécules sophistiquées chargées de réveiller le système immunitaire ont été mises au point. Résultat, le domaine est en plein essor puisqu’il y en aura près de 80 en 2018", poursuit le spécialiste.
Aujourd’hui, la plupart des molécules, testées encore sur de petits groupes de patients, suivent presque toutes le même but : booster le système immunitaire pour qu’il détruise toujours plus de cellules tumorales. Mais cette destruction dépend des liaisons cellulaires entre les nombreux acteurs du système immunitaire (lymphocytes T, B, NK, cellules dendritiques…) et les cellules cancéreuses.
Des molécules aux noms imprononçables
En fait, elle est souvent ralentie par des freins naturels, des récepteurs situés à la surface des différentes cellules et sur lesquels agissent les molécules utilisées en immunothérapie. Un point commun en tout cas à ces nouvelles molécules : leurs noms souvent imprononçables ! Anti CTLA-4 ( Yervoy, ipilimumab, laboratoire BMS), anti PD1 (nivolumab laboratoire BMS, lamprolizumab MK-3475, laboratoire Merck… ) ou encore anti PDL1 (MPD3280A laboratoire Roche, BMS 936559 laboratoire BMS…)…
THÉRAPIES CIBLÉES. Histoire de gagner encore plus en puissance mais pas en toxicité, toutes ces molécules commencent d’ailleurs à être associées non seulement entre elles mais aussi parfois aux autres thérapies dites ciblées, ces médicaments plus anciens, développés depuis plusieurs années en cancérologie et également affublés de noms bizarres, tous se terminant en -mab ou en –tinib selon leur mécanisme d’action.
En tout cas, il est clair que l’éventail des combinaisons s’élargit considérablement. Mais il s’agit maintenant pour les chercheurs de trouver l’alliance optimale, la plus adaptée à tel type de cancer pour mettre rapidement KO debout la tumeur tout en générant le moins d’effets secondaires.
Reste néanmoins encore à préciser le profil des patients qui en bénéficieront… Car la pratique démontre malheureusement que ces molécules ne marchent pas chez tous les malades. Et on ne sait pas encore repérer ceux chez qui ils seront le plus utiles. De plus, souvent après un premier temps d’efficacité, des résistances apparaissent. Et les cancérologues ne savent pas non plus bien encore quel schéma de prescription adopter : les donner de manière continue ou par intermittence, pendant combien de temps, quand les arrêter…
Des molécules qui ne fonctionnent pas, hélas, pour tous les malades
Autant de questions pour l’instant sans réponse mais qui font l’objet d’âpres recherches, les scientifiques cherchant à identifier des marqueurs qui permettraient de savoir à qui les prescrire en priorité. D’autant que leur coût souvent prohibitif (de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers d’euros par patient) n’est pas sans poser d’autres questions, là d’ordre économique… Mais déjà, avec l’envol de l’immunothérapie, émerge une autre interrogation : celle de son évaluation.
TAILLE DES TUMEURS. "Celle- ci s’avère radicalement différente et nettement plus complexe qu’avec les chimiothérapies classiques ou les thérapies ciblées dont les critères classiques sont basés sur la diminution de taille des tumeurs, pointe le Dr Agnès Buzyn, directrice de l’institut national du Cancer. Or, ici, c’est souvent l’inverse au début des traitement, le réveil du système immunitaire entrainant souvent à une augmentation de taille des tumeur".
Enfin, il faut savoir que quelque soit la ou les molécules utilisées, le raisonnement des cancérologues ne se fait désormais plus en terme d’organe. Ce qui prime, c’est justement la cible moléculaire. "C’est un véritable changement de paradigme en cancérologie, insiste le Dr Agnès Buzyn, et cela va aussi changer la donne pour les autorisation de mise sur le marché des médicaments". Exemple concret avec le premier essai clinique mené par l’institut Curie, Shiva, et lancé en 2012. Il pose justement comme postulat de sortir du dogme d’organe pour traiter la maladie en fonction de son profil moléculaire.
"Nous avons déjà inclus 700 patients dans 8 centres en France, précise son coordonnateur, le Dr Christophe Le Tourneau, onconlogue médical à l’institut Curie. Pour chaque patient, il s’agit de rechercher systématiquement toutes les anomalies biologiques pour lesquelles il existe des traitements, et ce quelle que soit la localisation de leur maladie . Une approche innovante qui fait intervenir des biostatisticiens, afin de traiter toutes les données et d’établir rapidement des algorithmes de traitement". Résultats lors d’un prochain Asco, sans doute dans moins de trois ans.
Sciences et Avenir
Commentaires
Vous aimerez aussi
Cancer de la prostate : quels sont les facteurs de risque et les symptômes et comment le diagnostiquer ?
30 juin 2023 • 6 commentaires