Maladie de Castleman - Où en est la recherche ?
Publié le 23 oct. 2020 • Mis à jour le 5 nov. 2020 • Par Charlotte Avril
La Maladie de Castleman est une maladie rare lymphoproliférative, signifiant qu’elle provoque un trouble du système immunitaire en entraînant une prolifération anormale des cellules dites lymphoïdes. Celles-ci donnent notamment les lymphocytes qui sont des globules blancs défenseurs de l’organisme contre des corps étrangers.
La complexité de la Maladie de Castleman réside dans le fait qu’elle se situe à l'intersection de différentes aires thérapeutiques : l’hématologie, l’oncologie, la rhumatologie et la virologie. Une affection rare de cause incertaine, ses manifestations cliniques sont hétérogènes et elle pose de multiples difficultés tant thérapeutiques que diagnostiques.
Si vous le souhaitez, vous trouverez des informations plus détaillées concernant les traitements et le diagnostic actuels de la Maladie de Castleman dans l’article “Maladie De Castleman : Tout Ce Que Vous Devez Savoir !”.
Où en est la recherche vis à vis de l’origine, encore inconnue à ce jour, de la maladie ? Quels sont les projets de recherche clinique en cours et comment, en tant que patient, devenir acteur et faire progresser la recherche ?
Quels sont les projets de recherche actuels dans la Maladie de Castleman ?
Depuis la première description de cette maladie par le Dr. Benjamin Castleman, médecin de Boston, dans un rapport de cas en 1954 et la caractérisation seulement 18 ans plus tard de la forme multicentrique en 1972, de nombreux progrès ont été effectués. Que ce soit dans la différenciation des sous-types de la maladie, dans l’étude de ses causes avec le rôle de l’IL-6 et du virus HHV-8 dans la réaction immunitaire, ou dans la recherche de traitements efficaces, des avancées majeures ont été apportées et permettent d’améliorer la compréhension de cette maladie et sa prise en charge.
Toutefois, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour élucider les mystères entourant les causes de la Maladie de Castleman. Les questions de recherche sur lesquelles se penchent les chercheurs de nos jours sont principalement au nombre de cinq.
Quelle est la cause de l'hyperactivation du système immunitaire dans la Maladie de Castleman ?
Il s’agit ici de l'une des principales questions auxquelles les chercheurs cherchent à répondre à l'heure actuelle.
L’une des hypothèses pouvant répondre à cette question serait qu'un virus ou un autre agent pathogène déclencherait l'activation du système immunitaire. Celui-ci, une fois activé, libère des protéines inflammatoires qui peuvent provoquer des symptômes de type grippal et une défaillance des organes. Les études HUNT I, II et III examinent les échantillons de ganglions lymphatiques de patients atteints de la Maladie de Castleman pour "chasser" l'ARN (qui correspond à un genre d’empreinte digitale) des agents pathogènes. Si un virus en est à l'origine, c’est ainsi que les chercheurs pourront le confirmer.
Une autre hypothèse, en réponse à cette question, est que les patients atteints de la Maladie de Castleman pourraient avoir un défaut génétique qui entraîne un fonctionnement continue et incontrôlé du système immunitaire. Un génome est l'ensemble complet d'ADN (matériel génétique) qui contient toutes les informations nécessaires au développement et à la croissance d'une personne. L’étude Castleman Genome Project I (CDCN-2015-004-S) a examiné en 2015 l'ensemble du matériel génétique de 14 patients pour voir s'il existait un défaut génétique commun chez les patients ayant la Maladie de Castleman. Cette technique, appelée "Séquençage du génome entier", a montré une mutation du gène FAS dans une famille comptant plusieurs membres atteints. Le gène FAS est connu pour jouer un rôle important dans le maintien des organes lymphatiques et les mutations de ce gène sont associées au syndrome lymphoprolifératif auto-immun, qui peut présenter des caractéristiques similaires à la Maladie de Castleman. Sur la base de ses travaux, le Dr Byun, Professeur adjoint à la Icahn School of Medicine at Mount Sinai (New York), mène actuellement des expériences pour comprendre comment cette mutation du gène FAS peut jouer un rôle dans cette maladie. Les études Functional Validation of Genomic Hits I, II, III, IV et V cherchent aussi à confirmer cette hypothèse et à mettre en évidence des différences génétiques.
D’autres études sont en cours pour mettre en évidence le rôle des mutations génétiques dans le dérèglement du système immunitaire. Les études FAST (Flow Cytometry And Studies of T-cells) I, FAST II, FAST III, & FAST IV cherchent l’existence d’une mutation commune d'un gène inflammatoire chez les patients atteints de la Maladie de Castleman et permettra également d'étudier le rôle de cellules immunitaires importantes appelées cellules T (qui sont les “soldats” du système immunitaire).
L’étude Somatic Mutation Search (CDCN-2016-004-S), quant à elle, émet l’hypothèse que la Maladie de Castleman est causée par des cellules cancéreuses. Les cellules cancéreuses sont des cellules normales qui ont acquis des mutations (changements dans leur ADN) au cours de la vie, appelées mutations somatiques. Cette étude recherche des cellules cancéreuses dans les ganglions lymphatiques des patients et aidera les chercheurs à découvrir si celles-ci sont à l'origine de la maladie.
L'identification d'une cause génétique pourrait déboucher sur de nouveaux outils de diagnostic et orienter vers de nouveaux traitements.
Enfin, une autre piste concernant la cause de l’hyperactivation du système immunitaire est étudiée dans le projet Autoantibodies in Castleman Disease (CDCN-2018-006-S) : les auto-anticorps. Les anticorps sont sécrétés par les cellules immunitaires pour combattre l'infection, cependant il arrive que ces anticorps attaquent les cellules saines de l'organisme et sont alors appelés auto-anticorps. Des analyses antérieures ayant montré qu'au moins 20% des patients atteints de la Maladie de Castleman ont des auto-anticorps dans le sang, cette étude en cherchera dans le sang des patients pour voir si ces auto-anticorps provoquent effectivement l'attaque des cellules saines par le système immunitaire.
Quel type de cellules immunitaires est activé ?
Dans la Maladie de Castleman, le système immunitaire est activé et libère des protéines inflammatoires appelées cytokines. Ces cytokines provoquent le dysfonctionnement et l'arrêt des organes vitaux (foie, reins, moelle osseuse) et nous ne savons pas quelles cellules ou voies immunitaires sont responsables de l’activation de ces cytokines.
L’étude Unlock the Cell (CDCN-2015-001-R) recherche les voies cellulaires activées dans la Maladie de Castleman. Les chercheurs examinent ici les ganglions lymphatiques de patients à l'aide de l'immunohistochimie, un processus qui permet de mettre en évidence certains marqueurs cellulaires. Un processus appelé cytométrie de flux aidera à déterminer les types de cellules et voies cellulaires actives. L’étudePACE-LN (Pathology Analysis for Castleman Cell Type and Etiology-Lymph Node) (CDCN-2018-BLF) s’intéresse aussi à cette piste, utilisant des algorithmes d'apprentissage automatique pour identifier des modèles dans les échantillons et chez les patients.
D’autre part, des recherches antérieures ont permis d'identifier des cytokines spécifiques (IL-6, VEGF) qui ont un rôle important dans le déclenchement de la maladie, mais il reste encore à déterminer quelles cellules les produisent et si d'autres cytokines sont impliquées.
Dans l’étude Identification of Cytokine Producing Cells (CDCN-2017-004-R), le Dr Pillai, Professeur adjoint à l'Hôpital pour enfants de Philadelphie et à la Perelman School of Medicine (Université de Pennsylvanie), examinera les tissus des ganglions lymphatiques prélevés sur des patients afin d'identifier les cellules responsables de la production de cytokines spécifiques. L’étude PACE-BM (Pathology Analysis for Castleman Cell Type and Etiology-Bone Marrow) recherche aussi les cellules immunitaires et les voies cellulaires pouvant être activées, mais ici dans la moelle osseuse plutôt que dans les ganglions lymphatiques.
L'identification de ces cellules aidera à mettre au point des traitements ciblés à l'avenir.
L'étude de la Maladie de Castleman est particulièrement compliquée car il est difficile d'obtenir des échantillons de sang, de salive et de ganglions lymphatiques qui sont essentiels pour la recherche des types de cellules activés. Ces échantillons peuvent être stockés dans différents endroits du monde sans que d'autres chercheurs puissent les obtenir. Le projet CastleBank (une biobanque dédiée à la Maladie de Castleman) fournira un emplacement central pour tous les échantillons, auquel les chercheurs auront accès ce qui facilitera grandement l'étude de la maladie.
Quelles sont, dans les cellules, les voies d’activation du système immunitaire impliquées ?
Le Castleman Disease Collaborative Network (CDCN) a récemment découvert qu'une importante voie de communication du système immunitaire, appelée voie mTOR, était activée chez quelques patients et pourrait être à l’origine de l’activation des cytokines. L’étude Investigation of mTOR in Castleman Disease (URF-2017, PCPM-2017) (R01-HL141408) analyse la voie mTOR chez un plus grand nombre de patients via l'immunohistochimie et la cytométrie de flux. Les premiers résultats ont été présentés lors de la réunion de la Société américaine d'hématologie en 2017, et l'efficacité d'un inhibiteur mTOR (sirolimus) a été montrée chez certains patients réfractaires aux traitements ciblant l'IL-6.
D’autre part, l’étude Multi-omic Profiling of iMCD-TAFRO (CDCN-2018-003-R) examine les ganglions lymphatiques de patients avec la Maladie de Castleman en utilisant plusieurs technologies de pointe qui permettront d'étudier des centaines de marqueurs pour aider à déterminer les types de cellules actives et les voies cellulaires impliquées.
Quels sont les facteurs libérés par les cellules immunitaires activées ?
Nous connaissons quelques-unes des cytokines qui jouent un rôle important dans la Maladie de Castleman, cependant il en reste un grand nombre non identifiées.
L’étude SPEED (Serum Proteomics Evaluation for Etio-pathogenesis Data) I (CDCN-2014-001-S) a mesuré 1129 protéines provenant de 7 patients à la fois au cours d’une poussée de la maladie et pendant une rémission pour savoir quelles autres protéines pouvaient avoir un rôle à jouer. Les études SPEED II (CDCN-2016-005-S) et SPEED III (CDCN-2016-005-S) mesurent aussi les protéines dans le sang de patients atteints de la Maladie de Castleman, à différents moments, ainsi que de patients atteints d'autres maladies qui présentent des caractéristiques similaires (la polyarthrite rhumatoïde et le lymphome de Hodgkin notamment). Sept institutions du monde entier ont ainsi fourni des échantillons suite à ces études.
Si les chercheurs parviennent à savoir quelles protéines sont impliquées, il sera possible d’utiliser des traitements pour cibler ces protéines particulières. De plus, l'identification de ces protéines pourrait fournir de nouveaux moyens de diagnostiquer la Maladie de Castleman.
Quels sont les traitements les plus efficaces pour stopper la Maladie de Castleman ?
De nombreux traitements restent encore en phase de test actuellement. On peut notamment citer:
- Le Sirolimus, la cyclosporine, and le mycofenolate mofetil : ce sont des immunosupresseurs souvent utilisés dans les maladies auto-immunes ou pour prévenir les risques de rejet de greffe.
- La Suramine: ce médicament agirait en empêchant l'IL-6 de s'attacher aux lymphocytes et de les affecter.
- Le Bortezomib(Velcade) : ce médicament est principalement utilisé pour traiter le myélome multiple, certains rapports suggèrent également qu'il pourrait aider certaines personnes atteintes de Maladie de Castleman.
- Le Rituximab(Rituxan) : ce médicament est utilisé pour traiter certains types de lymphomes et peut être utile en cas de Maladie de Castleman.
- Le Silmitasertibou CX-4945 : ce médicament oral bloque la CK2, une protéine qui aide certaines cellules à se développer et à se diviser. Il est encore dans les premières phases de test pour la Maladie de Castleman.
De nombreux traitements différents ont été utilisés et sont encore testés dans cette maladie, mais il n'existait pas de réelles directives, ni sur l’ordre dans lequel utiliser ces traitements, ni sur les spécificités de traitements en fonction des sous-types de la maladie. Un groupe d'experts internationaux a examiné les données publiées existantes et a ensuite fait des recommandations concernant les types de traitements qui fonctionnent selon les type de patients. Les lignes directrices ont été publiées dans un ouvrage intitulé “International Treatment Guidelines”.
Comment contribuer à la recherche ?
Si vous vivez avec cette pathologie, l’un des moyens les plus importants de vous associer à la lutte contre la Maladie de Castleman et de faire progresser la recherche est de faire des dons d'échantillons. Le Castleman Disease Collaborative Network (CDCN) collecte ces dons pour constituer ce qu’on appelle une biobanque qui sera mise à disposition des chercheurs. Pour plus d’informations, vous pouvez consulter le site du CDCN à ce sujet (page en anglais).
Le CDCNest un réseau d’initiative internationale visant à accélérer la recherche et le traitement de la Maladie de Castleman. Il facilite la collaboration au sein de la communauté mondiale de la recherche en mobilisant des ressources, en investissant stratégiquement dans les études à fort impact et en soutenant les patients et leurs proches.
D’autre part, le CDCN a créé le registre “ACCELERATE” dont l'objectif est de combiner les données médicales de centaines de patients atteints de la maladie de Castleman afin que les chercheurs puissent découvrir des modèles et des indices qui pourraient aider les médecins à mieux comprendre et traiter la Maladie de Castleman. Les patients qui en sont atteints peuvent souscrire au registre et renseigner leurs données médicales pour contribuer et faire avancer ce projet. Si vous souhaitez y participer, vous trouverez plus d’informations sur le site du CDCN directement (site en anglais).
Vous trouverez également toutes les études en cours, avec leur état d’avancement, sur le site clinicaltrials.gov (en anglais). Certaines de ces études recrutent des patients pour tester de nouveaux traitements ou appellent aux dons d’échantillons.
Pour aller plus loin :
N’hésitez pas à vous rendre sur le site du CDCN (Castleman Disease Collaborative Network) pour plus d’information. Ce site est disponible en anglais uniquement.
Vous pouvez également rejoindre la communauté “Maladie de Castleman” sur Carenity pour partager votre expérience, trouver du soutien et échanger de l’information avec d’autres patients ou proches de patients.
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