Santé Mentale : “Il faut savoir s’entourer d’une équipe de professionnels bienveillants.”
Publié le 13 avr. 2022 • Par Candice Salomé
Camille est atteinte du trouble bipolaire et de TOC. Elle a d’abord, durant son adolescence, consulté pour dépression mais les traitements qui lui ont été administrés n’étaient pas efficaces. Son psychiatre a alors suspecté le trouble bipolaire. Depuis, et grâce à des traitements efficaces, elle a su remonter la pente. Elle est désormais en “rémission” et ne prend plus aucun traitement.
Afin de déstigmatiser les maladies mentales, elle a ouvert une page Instagram sur laquelle elle partage des conseils et des témoignages d’autres membres. Elle se livre dans son témoignage pour Carenity.
Découvrez vite son histoire !
Bonjour Camille, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je m'appelle Camille, j'ai 28 ans et je souffre d'un trouble bipolaire de type 2 et de TOC (trouble obsessionnel compulsif) depuis près de dix ans. Je suis aussi la créatrice de la page Instagram It will be fine.
J'ai une licence de psychologie en poche et je suis passionnée par tout ce qui touche à la santé mentale.
Il y a 10 ans, vous avez fait une dépression. Pourriez-vous nous parler des premières manifestations de la maladie ? Au bout de combien de temps avez-vous reçu un diagnostic ? Quelle a été votre prise en charge ?
Il y a dix ans, j'ai pris rendez-vous avec un psychiatre au hasard dans l'annuaire. Je me sentais différente depuis le début de l'adolescence, je sentais que quelque chose n'allait pas, mais je ne savais pas quoi. J'étais déprimée, je me sentais seule, j'étais très anxieuse et cet état d'esprit retentissait sur mes comportements et avait donc des conséquences au niveau professionnel et social. Dès le premier rendez-vous avec ce psychiatre, il m'a prescrit des antidépresseurs. Je ne crois pas me souvenir que nous ayons refixé un rendez-vous. C'était les vacances d'été et, à la rentrée, je changeais de ville, alors j'ai commencé un suivi avec un autre psychiatre. J'avais aussi un fort terrain anxieux et je faisais des attaques de panique.
Quel a été l’impact de la dépression dans votre vie privée et professionnelle ? Savez-vous pour quelles raisons la dépression est apparue ?
C'était le début de mes études de psychologie, le début de ma vie d'adulte et la maladie mentale a eu énormément de conséquences. Je n'arrivais pas à me lever le matin pour aller en cours (je dormais jusqu'à 15h par jour), j'avais des difficultés de concentration et de mémorisation. Au niveau social, ça n'a pas été facile pour les personnes qui m'entouraient : j'étais impulsive, déprimée, mon humeur était changeante et j'étais incapable de gérer mes émotions. Je me faisais déborder constamment par la colère, par la tristesse, par la peur.
Je ne sais pas pour quelle(s) raison(s) la dépression est apparue. C'est une maladie aux origines complexes et multiples.
Comment a évolué la maladie au fil des années ? Quels étaient vos traitements ? En étiez-vous satisfaite ?
J'ai donc d'abord été traitée pour dépression. Mais nous nous sommes rendu compte que le traitement n'était pas suffisant. La dépression n'expliquait pas l’entièreté de mes comportements, l'étendue de mes souffrances. Je n'allais pas bien.
Le trouble bipolaire de type 2 se caractérise par l'alternance de phases hypomaniaques et dépressives. Dans mon cas, les phases hypomaniaques sont rares et courtes. C'est ce qui les a rendues difficiles à déceler. Jusqu'au jour où j'ai fait une phase hypomaniaque plus intense, plus importante et que la question du trouble bipolaire s'est posée.
Je venais de voir cette pathologie à la faculté et mon psychiatre m'en a parlé au même moment. En plus des antidépresseurs, on m'a prescrit différents thymorégulateurs (jusqu'à trouver celui qui m’a permis d'être stabilisée). C'est comme ça que le diagnostic a été confirmé : quand le traitement a fait effet.
Ce traitement, l'accompagnement bienveillant et sans faille de mon psychiatre, m'ont permis de mettre de l'ordre dans ma vie, de calmer mes émotions, et de mieux gérer mon impulsivité et les hauts et les bas de la maladie.
Quelques années plus tard, vous avez été diagnostiquée bipolaire. S’agissait-il initialement d’une erreur diagnostique ? Ou les troubles bipolaires sont apparus ensuite ? Ou cumuliez-vous les 2 pathologies dès le début ?
Je ne sais pas. Je ne sais pas si j'ai fait une dépression puis par la suite le trouble bipolaire est apparu ou si la dépression était en fait une phase dépressive du trouble bipolaire. Je ne le saurai certainement jamais, mais ça va je le vis bien !
Comment se sont manifestés les troubles bipolaires dans votre vie ? Quel retentissement la maladie a eu sur votre quotidien ?
Comme dit précédemment, les phases dépressives sont plus présentes dans mon cas. Durant celles-ci, je suis déprimée, éteinte, fatiguée, et j'ai des idées noires. Sourire, faire semblant que tout va bien, gérer les choses de la vie courante, voir des amis, etc... Tout cela me demande une énergie considérable.
Durant les phases hypomaniaques, j'ai un surplus d'énergie, je deviens très impulsive, agitée et mes pensées et mon débit de parole vont à 1000 à l'heure.
Il existe également des phases mixtes (qui mélangent les deux phases avec plusieurs symptômes mélangés) et des phases sans symptôme.
Aujourd'hui, après plusieurs années d'expérience, les phases sont moins nombreuses et moins intenses. Elles ne sont pas agréables, ni faciles, mais elles n’altèrent plus mon fonctionnement, ni ma vie professionnelle ou sociale.
A partir de ce second diagnostic, quelle a été votre prise en charge ? En étiez-vous satisfaite ? Quels étaient vos traitements ?
J'ai donc été traitée par antidépresseurs et thymorégulateurs. Mon psychiatre m'a mis en relation avec plusieurs psychologues à l'époque du diagnostic, mais je crois que je n'étais pas prête à ce moment-là. J'ai finalement entamé une TCC (thérapie cognitivo-comportementale) il y a deux ans, et c'était le bon timing, j'étais plus stable et plus mature.
Il y a 4 ans, vous êtes déclarée « en rémission », qu’est-ce que cela veut dire ? Comment vous sentez-vous à l’heure actuelle ?
Après plusieurs années de traitement, nous avons décidé, avec mon psychiatre, de diminuer puis d'arrêter les traitements. Je voulais réussir à faire sans. Je ne voulais pas dépendre des médicaments. Et je sentais que, malgré tous les bénéfices de ces derniers, j'étais également moins créative, plus "endormie".
La rémission (et je ne sais pas si ce terme est généralisé parmi les professionnels de santé mentale concernant le trouble de la bipolarité) c'est donc la capacité à gérer le trouble sans traitement et sans incidence sur les différents aspects de la vie du patient.
En ce qui me concerne, la maladie est toujours là, elle fait partie de moi mais elle ne me contrôle plus. Je sens les phases arriver (d'autant plus que les phases dépressives ont tendance à être saisonnières), mes proches sont informés et vigilants, et je sais quoi faire pour me sentir mieux.
Vous avez décidé de lancer votre compte Instagram « It Will Be Fine ». Pourquoi avoir fait ce choix ? Quels messages souhaitez-vous faire passer à vos abonnés ?
Ce qui a été compliqué, au moment de mon diagnostic, ça a été le fait de garder espoir et de supporter la solitude.
Comme tout le monde le ferait certainement dans cette situation, j'ai fait des recherches sur Internet. Je voulais trouver des témoignages, trouver des personnes qui allaient bien, découvrir des solutions innovantes… Mais, la seule chose que j'ai pu trouver, c'était des personnes dans la même situation que moi, perdues, qui ne savaient pas s'il fallait encore y croire. J'ai cru, à ce moment-là, que je n'irai jamais bien, que j'étais condamnée à subir la maladie. Heureusement, je suis plutôt têtue : dîtes moi que je ne peux pas faire quelque chose et vous pouvez être sûr que je ne penserai qu'à atteindre cet objectif !
Et c'est ce que j'ai fait !
Par la suite, j’ai lancé It will be fine où je partage des témoignages positifs et optimistes (et pas seulement sur le trouble de la bipolarité) pour essayer de donner de l’espoir aux personnes en souffrance. Il me semblait également important de vulgariser autant que possible certains concepts clés de la psychologie, car c'est aussi à travers la psychoéducation que l'on va mieux.
Enfin, ces dernières années, la parole autour de la maladie mentale semble se libérer. Et c'est pourquoi il est important de continuer un travail de déstigmatisation. De nombreux comptes sur Instagram y participent, et j'essaie d'apporter ma pierre à l'édifice.
Quels thèmes abordez-vous ? Quels sont les retours que vous recevez de la part de vos abonnés ? Qu’est-ce que cela vous apporte au quotidien ?
Je parle de la maladie mentale en général, pas seulement du trouble bipolaire ou du TOC. Les retours que j'ai pu avoir sont positifs : c'est une communauté extrêmement bienveillante et soutenante. Lorsque je partage un témoignage, les commentaires sont toujours sans jugement et emplis de soutien.
Au quotidien, ça me permet de ne pas oublier mes cours de psychologie. Plus sérieusement, ça me met souvent du baume au cœur et, d'autant plus, durant les phases dépressives.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Si ce sont mes projets en lien avec la page : je ne sais pas. Je ne pensais déjà pas que la page pouvait évoluer à ce point et que ce serait utile pour d'autres. Je suis vraiment heureuse de voir que ça a pu mettre un peu de baume au cœur à quelques personnes. Pour la suite, je verrais au jour le jour.
Que pensez-vous des forums de santé tels que Carenity ? Pensez-vous que ces forums peuvent changer nos rapports aux maladies chroniques ?
J'ai utilisé Carenity au moment de mon diagnostic il y a quelques années, notamment, pour les traitements. J'allais voir mon psychiatre en lui disant que les retours étaient excellents sur tel ou tel traitement sur Carenity. Le forum m'a également permis de me sentir moins seule. Je pense qu'il est primordial de créer des communautés positives et bienveillantes : c'est ce qui permet de garder espoir.
Enfin, que conseillerez-vous aux membres Carenity qui, comme vous, sont touchés par la dépression et les troubles de la bipolarité ?
De bien suivre son traitement, tout d'abord. En cas d'effets secondaires trop importants ou si celui-ci n'a pas d'effet, il ne faut pas hésiter à en parler à son psychiatre pour le changer ou l'adapter. La psychoéducation est également primordiale : connaitre sa maladie, être capable de reconnaitre les symptômes, etc.
Concernant le trouble bipolaire, les routines et les habitudes m'ont beaucoup aidée également.
Enfin, il y a un autre élément qui entre en ligne de compte, c'est d'être entouré d'une équipe de professionnels bienveillants qui veut travailler avec le patient. Mais ce n'est pas toujours facile à trouver. Je suis consciente que j'ai eu de la chance à ce niveau-là et que mon diagnostic a été plutôt rapide si on compare avec les chiffres habituels.
Un dernier mot ?
Je sais qu'il est difficile de garder espoir par moment, que la petite voix de la maladie mentale parle souvent plus fort que la voix de l'optimisme. Mais pourtant, même si c'est un chemin difficile et long, la rémission, voire la guérison (en fonction du trouble) est possible. En tout cas, c'est ce que je vous souhaite !
Un grand merci à Camille pour avoir partagé son histoire sur Carenity !
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