Troubles bipolaires : “Mes filles sont mon seul et véritable soutien.”
Publié le 30 mars 2025 • Par Claudia Lima
Assa, salariée et maman de deux grandes filles, partage avec nous un témoignage poignant sur son quotidien avec un trouble bipolaire de type II. De l'errance diagnostique à la mise en place de stratégies pour surmonter les difficultés, elle livre un regard sincère sur la maladie, ses impacts invisibles et les ressources qui l’aident à avancer. Un témoignage fort à lire absolument pour mieux comprendre cette pathologie complexe.

Bonjour @Assata16, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Pour commencer, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Assa, j’ai 43 ans, j’ai deux filles que j’élève seule. Je suis bibliothécaire dans une université à Paris, j’adore le cinéma, la lecture, l’écriture et le sport m’aide beaucoup à évacuer.
Comment en êtes-vous arrivée au diagnostic de troubles bipolaires ? Quels signes ou événements vous ont poussée à consulter ?
Au départ, j’étais suivie depuis 2007 pour dépressions récurrentes au sein d’un centre médico-psychologique et, sachant aujourd’hui que les antidépresseurs ne sont pas indiqués et ont aggravé mon état pendant des années, lors d’une consultation, mon ex-mari s’est énervé en demandant un nouveau diagnostic.
Ma psychiatre a fait une demande auprès du centre expert pour que je sois vue pour cette suspicion d’erreur de diagnostic. Après mon passage au centre expert, j’ai été diagnostiquée bipolaire de type II.
Comment avez-vous vécu l’annonce du diagnostic ? A-t-il changé votre regard sur votre parcours et vos expériences passées ?
J’étais soulagée de pouvoir mettre un nom sur une pathologie que je ne connaissais que de nom, sans plus d’intérêt. J’ai pu faire le lien avec des événements de mon passé, notamment des achats compulsifs, une dépendance à l’alcool pendant plusieurs mois, une hypersexualité, des troubles du comportement alimentaire où j’ai atteint le poids critique de 39 kilos.
Ces comportements ne me ressemblaient pas et pourtant, j’y ai plongé la tête la première et je me suis perdue quelque temps.
Quel traitement vous a été prescrit et comment vous êtes-vous adaptée à celui-ci ? Avez-vous rencontré des effets secondaires ou des ajustements à faire ?
J’ai le lithium et cela depuis le début de l’annonce de ma maladie, mais également du Tercian®, du Loxapac® qui avait affecté ma vue en la rendant complètement floue. Le Xeroquel® aussi, mais qui m’a envoyée aux urgences pour une semi-occlusion intestinale.
Avez-vous mis en place des habitudes ou des stratégies particulières pour mieux gérer votre trouble au quotidien ?
Je suis énormément aidée par mes filles qui ont respectivement 21 et 19 ans. Elles remarquent si quelque chose dans mon comportement global a changé, je parle notamment des achats compulsifs. Aussi, elles se tiennent informées sur mon sommeil, sur mes douleurs qu’elles soient physiques ou psychiques, de ma fatigue chronique, et prennent parfois le relais au quotidien.
Y a-t-il des activités qui vous aident à maintenir un équilibre émotionnel et mental ? Comment celles-ci influencent-elles votre bien-être ?
Le sport m’aide beaucoup à me vider l’esprit, me concentrer, me dépasser et moins souffrir. Cela me permet également de me sociabiliser avec d’autres sportifs. C’est pour moi un moment privilégié.
Votre quotidien est-il impacté par la maladie ? Y a-t-il des aspects de votre vie que vous avez dû adapter ou revoir ?
Mon quotidien a changé, oui.
D'une part, à cause du traitement, à heure fixe et cela pour le restant de mes jours. C’est déroutant les premiers mois et j’ai trouvé cela très contraignant au début, remplir un pilulier chaque semaine. Éviter le plus possible des situations à risques, comme un banal centre commercial pour certains.
Et d’autre part, je compte sur mes filles qui reçoivent un mail à chaque achat sur Internet. Cela peut paraître étrange, mais j’ai terminé à deux reprises à la Banque de France pour endettement.
Avez-vous ressenti le besoin d’être accompagnée psychologiquement depuis votre diagnostic ? Si oui, quel type d’accompagnement vous a été le plus bénéfique ?
Oui, j’étais assez apeurée de me retrouver face à la maladie, c’était la grande inconnue, et l’accompagnement en thérapie avec ma psychologue ainsi qu’un traitement médicamenteux m’ont aidée.
Votre entourage comprend-il bien votre maladie ? Avez-vous rencontré des difficultés pour en parler avec vos proches ?
Hélas, je me sens totalement incomprise par ma famille. Certains de mes amis oublient, tant je fournis des efforts pour que la maladie reste invisible. Mes filles sont mon seul et véritable soutien. Pour revenir à ma famille, ils n’ont jamais voulu faire l’effort de se documenter sur le sujet ou poser des questions sur mon état. Ils savent, selon eux, que quelque chose ne va pas, mais sans plus de réel intérêt.
Quel regard portez-vous sur la prise en charge des troubles bipolaires en général ? Selon vous, y a-t-il des aspects qui pourraient être améliorés ?
La prise en charge des troubles bipolaires et des maladies psychiatriques en général est insuffisante. Je ne vois ma psychiatre qu’une fois par mois pendant 30 minutes.
Pensez-vous que certaines expériences de votre vie ont eu un impact sur votre santé mentale et votre parcours de soins ?
Je ne dirais pas "expérience", mais plutôt événements malheureux de mon passé, qui ont eu un impact certain sur ma santé mentale. J’ai subi une errance médicale durant 11 ans. Cependant, cela m’a permis de faire le lien avec des fluctuations d’humeur, de prises de risques, de troubles du comportement alimentaire, entre autres, mais je n’avais pas idée de ce qui me rongeait de l’intérieur.
Quels sont les plus grands défis que vous rencontrez encore aujourd’hui avec cette maladie ?
Mettre une certaine énergie afin que la pathologie ne m’empêche pas de vivre le plus paisiblement possible, de travailler, même si c’est difficile, d’avoir une vie amoureuse, de rêver, de m’occuper de mes filles avec résilience.
Un grand merci à Assa pour son témoignage !
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