SED et AVF : “Cacher la maladie a mon entourage n’était pas la bonne solution.”
Publié le 18 oct. 2023 • Par Candice Salomé
Sibylline est une étudiante de 24 ans atteinte du syndrome d’Ehlers-Danlos (SED) et d’algie vasculaire de la face (AVF). Il aura fallu de nombreuses années d’errance médicale avant que ces diagnostics puissent enfin être posés.
Habitée par la douleur et une fatigue chronique, elle réussit pourtant ses études avec brio. Elle nous parle de son parcours et de son quotidien avec la maladie dans son témoignage.
Découvrez vite son histoire !
Bonjour Sibylline, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Bonjour, je m’appelle Sibylline, j’ai 24 ans et je viens de Belgique. Je suis actuellement en master 2 de ma formation d’ingénieur industriel en physiques nucléaire et médicale. En parallèle de ma formation scientifique, j’aime aussi jouer du violon et du piano et j’ai également suivi des cours de chant, de la chorale ainsi que des cours de dessin.
Vous êtes atteinte du Syndrome d’Ehlers-Danlos (SED). A quel moment la maladie s’est-elle déclarée dans votre vie ? Quels ont été vos premiers symptômes ?
J’ai été diagnostiqué du syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile il y a quelques années. Le SED est une maladie génétique rare du tissu conjonctif et plus précisément du collagène. Le tissu conjonctif compose 80 % du corps humain et se trouve notamment dans les tendons, ligaments, mais aussi dans les parois des vaisseaux sanguins et enveloppes des organes. Le collagène agit comme une "colle" dans le corps, et lorsque celui-ci est altéré, cela entraîne une multitude de symptômes, comme des instabilités articulaires dues au manque de maintien des articulations.
Ceci se traduit par des luxations et des subluxations. Les autres symptômes incluent une hyperextensibilité de la peau et une cicatrisation difficile, des problèmes digestifs, cardiaques, vasculaires et respiratoires, etc… La diversité des symptômes implique que les médecins sont parfois démunis devant tout cela, et le chemin vers le diagnostic est alors souvent long et difficile.
Mes premiers symptômes sont apparus pendant mon enfance. À ce moment-là, je souffrais déjà de douleurs articulaires, de tendinites et d'entorses à répétition. J’avais aussi une fatigabilité importante et également un rythme cardiaque trop élevé. Mais tous ces symptômes étaient mis sur le dos de la croissance ou du stress. On me disait aussi « sois plus courageuse, cela ne doit pas faire aussi mal ! », « c’est psychosomatique ». J’avais mal, mais on ne me croyait pas, mes plaintes n'étaient pas prises au sérieux.
Vous êtes également touchée par l’algie vasculaire de la face (AVF). A quel moment la maladie s’est-elle déclarée dans votre vie ? Quels ont été vos premiers symptômes ?
Je suis aussi atteinte d’Algie Vasculaire de la Face chronique (AVF) depuis plus de deux ans maintenant, mais cela s’est très fortement dégradé il y a un an. L’AVF est une maladie neurologique qui provoque des crises de douleurs extrêmement violentes au niveau de la face et notamment de l’œil et de la tempe. Lors de mes crises, je suis souvent agitée, ma paupière tombe et mon œil pleure. C'est une douleur que je n'avais jamais ressentie auparavant, si intense qu'on la surnomme parfois la "maladie du suicide", car certaines personnes ne peuvent plus supporter la douleur que ces crises provoquent.
A quel moment avez-vous décidé de consulter pour l’une et l’autre de ces pathologies ? Quels médecins avez-vous rencontrés ? Combien de temps a-t-il fallu pour que le/les diagnostics soient posés ?
Le SED est une maladie génétique. Cela veut dire que celle-ci est présente depuis que je suis née et, pourtant, il aura fallu plus de 20 ans pour avoir le diagnostic.
C'est au cours de mon adolescence que les choses ont commencé à se détériorer. Mes symptômes se sont accentués. Malheureusement, j’étais une personne anxieuse, donc tout était systématiquement attribué au stress, m'enfermant ainsi dans un cercle vicieux : on ne me croyait pas, on ne m'écoutait pas, mais le fait de ne pas être prise au sérieux ne faisait qu'aggraver mon anxiété.
Le parcours pour parvenir au diagnostic fut donc long et éprouvant. J'ai consulté un grand nombre de médecins et j'ai dû faire face à des suspicions d'autres maladies telles que la maladie de Lyme, la fibromyalgie, la sclérose en plaques, la narcolepsie, voire des problèmes liés à la moelle épinière.
Pendant mes études, j'ai dû changer de médecin de famille. C’est notamment grâce à mon nouveau médecin traitant que j’ai pu être diagnostiquée. J'ai donc été orientée vers une spécialiste en médecine interne, puis vers une rhumatologue spécialisée dans le SED, et c'est là que le diagnostic a pu être posé.
Concernant l'AVF, j’ai eu quelques mois d’errance médicale. Ce fut assez difficile, car les traitements conventionnels des mots de têtes ne marchaient pas. Même les opioïdes qu’on m’avait prescrits étaient inefficaces. Je me rendais compte que ce n’était pas normal. Je ne pouvais pas rester avec cette douleur sans rien faire. A un moment, j’ai pensé que le problème était peut-être ophtalmique. J’étais donc allée voir un ophtalmologue, mais aucune explication n’a été trouvée. Ce n'est que quelques mois plus tard qu'un neurologue a enfin posé le diagnostic d'Algie Vasculaire de la Face (AVF). Le nom barbare de cette maladie me faisait peur, mais en même temps, j’ai été soulagée de comprendre enfin la cause de mes douleurs. J'ai alors pu obtenir un traitement efficace en cas de crises.
Quels sont les symptômes ressentis au quotidien du SED et de l’AVF ? A quel point cela peut être handicapant ? Avez-vous dû adapter votre mode de vie ?
Mes deux pathologies sont très handicapantes au quotidien. Mes symptômes au niveau du SED sont surtout des subluxations à répétition, une fatigue importante, des douleurs articulaires et musculaires ainsi que des troubles digestifs, de la tachycardie et des blocages respiratoires. Je ne peux plus faire autant de choses qu’avant, et même encore maintenant, j’ai parfois du mal à accepter cela.
J’ai aussi des crises d’AVF tous les jours et cela est très lourd. J’ai dû adapter mon mode de vie au vu de tous mes symptômes. Je suis beaucoup plus fatiguée qu’avant à cause de mes traitements et de mes crises. Ma vie sociale en a pris un coup également. Quand je sors avec des amis ou ma famille, j’éprouve toujours cette crainte d’avoir une crise devant des gens.
Rencontrez-vous certaines comorbidités liées au SED et à l’AVF ? Pourriez-vous nous en parler ?
J’ai malheureusement certaines comorbidités liées au SED comme le Syndrome de POTs (Tachycardie Orthostatique Postural), diagnostiqué par une cardiologue et qui me provoque des palpitations en position debout et une incapacité à rester debout en étant immobile trop longtemps au risque d’avoir des chutes de tension. Ceci explique pourquoi j’ai toujours eu un cœur qui battait trop vite, même étant enfant.
J’ai également développé, mais plus tard, le SAMA (Syndrome d’Activation Mastocytaire), qui entraîne une hyperréactivité des mastocytes à la suite de facteurs déclenchants et provoque ainsi un ensemble de symptômes, comme des troubles dermatologiques, cardio-vasculaires, des allergies et chocs anaphylactiques… Les facteurs déclenchants sont, par exemple, certains aliments et médicaments, le stress et les émotions fortes ou les changements de températures brutales.
Quel est votre suivi actuel ? Quels sont vos traitements ? En êtes-vous satisfaite ?
Actuellement, je suis suivie pour chacune de ces deux pathologies par différents médecins. Pour le Syndrome d’Ehlers-Danlos, il n’y a pas de traitements curatifs. Néanmoins, il existe des traitements pour diminuer les douleurs et complications. J’ai comme traitement, le port d’orthèses pour éviter les subluxations et luxations, les vêtements compressifs, des antihistaminiques pour le SAMA. La kinésithérapie est également un de mes traitements importants, car le fait de renforcer les muscles permet de mieux consolider les articulations.
Pour l’AVF, je suis suivie en neurologie. En cas de crise, j’ai des piqûres qui permettent de stopper les crises en 10 minutes, mais je ne peux en faire que deux par jour. J’ai aussi, comme traitement de crise, de l’oxygène, mais cela prend plus de temps à agir qu’avec les piqûres. J’ai également un traitement de fond que je prends tous les jours dans le but de diminuer la fréquence et l’intensité des crises, mais qui n’a pas fait énormément d’effet pour le moment. J’ai également eu plusieurs infiltrations du nerf occipital et essayé d’autres médicaments. Actuellement, les crises sont toujours là, malgré les différents traitements qui ont déjà été testés. C’est pourquoi, on envisage une opération qui consiste en l’implantation d’un neurostimulateur occipital. Je porte énormément d’espoir en ce traitement en espérant que mes crises d’AVF s’arrêtent enfin.
Quel est l’impact de vos pathologies sur votre vie familiale, personnelle et professionnelle ?
Je suis encore aux études et, actuellement, en dernière année de ma formation. Il est vrai que continuer mes études malgré mes deux maladies n’a pas été facile. Mais il était important pour moi d’arriver jusqu’au bout. A cause de mes pathologies, je bénéficie de certains aménagements raisonnables qui me sont d'une grande aide pour suivre les cours de manière plus sereine. Ces ajustements me permettent de bénéficier des mêmes conditions favorables à la réussite que celles dont disposent les autres étudiants de ma classe. Je suis déjà également contente du chemin que j’ai parcouru et d’être arrivée jusque-là et j’espère commencer ma vie professionnelle et personnelle plus apaisée.
Parlez-vous de la maladie à votre entourage ? Qu’en disent-ils ? Vous soutiennent-ils ?
Avant, j’essayais de cacher un maximum mes deux pathologies à mon entourage, mais je me suis rendu compte que ce n’était pas la bonne solution. Les gens se rendaient compte que quelque chose n’allait pas et posaient de plus en plus de questions. De plus, cacher mes crises d’AVF était impossible sur le long terme. Tout cela rajoutait un stress supplémentaire envers moi-même, mais également envers les autres. J’essaye donc maintenant d’expliquer simplement les choses lorsque l’on me demande où lorsque cela est nécessaire. Il y a également des personnes qui me soutiennent et cela me fait du bien.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Pour l’avenir, j’aimerais tout d’abord finir mon master l’année prochaine, puis commencer un travail qui me plaît. J’aimerais pouvoir construire ma propre vie, même si ce ne sera pas de tout repos. J’espère que mes crises d’AVF auront diminué et que j’aurais moins de douleurs. Même si parfois cela est difficile, je veux garder espoir.
Quels conseils pourriez-vous donner aux membres Carenity également touchés par une maladie chronique invisible ?
Lorsque la maladie s’invite dans nos vies, elle apporte avec elle son lot d’imprévus, de douleurs, de fatigue et elle peut potentiellement altérer nos projets futurs avec ce que nous avions rêvé. Le conseil que j’aimerais partager est un conseil que l’on m’a également transmis assez récemment : même si notre vie prend une direction différente de celle que nous avions imaginée au départ, cela n’implique pas nécessairement que celle-ci sera moins bien ou moins belle pour autant.
Un dernier mot ?
Ne perdez jamais espoir, accrochez-vous et entourez-vous de personnes positives et qui pourront vous apporter leur soutien.
Je tenais également à remercier Carenity d’avoir partagé mon témoignage, dans l’espoir qu'il puisse aider éventuellement d’autres personnes.
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