La discopathie dégénérative, une maladie handicapante qui bouleverse le quotidien
Publié le 1 avr. 2019 • Par Louise Bollecker
Noémie a 23 ans et est membre de Carenity en France. Elle souffre de problèmes au dos appelés discopathie dégénérative. La maladie n’est pas pathologique pour tous les patients, aussi elle est souvent banalisée. Mais pour elle, le quotidien est fortement impacté.
Bonjour Noémie, pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour ! Je suis âgée de 23 ans. Je suis une personne pleine de joie un peu fofolle, j’adore rigoler, parler, je suis une véritable pipelette et je reste jamais inactive bien longtemps. Je suis aussi quelqu’un de sensible et je prends parfois les choses à cœur. Je suis quelqu’un de normal avec des qualités et des défauts.
Quand vos problèmes de dos ont-ils commencé ?
Mes problèmes de dos ont commencé à l’âge de 13 ans. Plusieurs facteurs entrent en jeu : je portais des choses lourdes en aidant mes parents à porter les courses et en aidant mon père lorsqu’il faisait des travaux à la maison. Je portais des sacs de ciments en bricolant avec lui et j’adorais bricoler avec lui.
J’ai aussi eu des chocs violents étant enfant. Le premier s’est passé au judo lors de la prise d’un élève ceinture verte (alors que moi je débutais). Je suis mal tombée et je me souviens avoir été sonnée. Et le second lors d’un jeu avec une amie et ma sœur, j’étais dans le hamac et elle devait me faire tourner, mais avec la vitesse je suis tombée. Le choc était si violent que j’ai eu la respiration coupée et suite à cela j’ai eu des douleurs pendant plusieurs jours.
Les symptômes ressemblaient à des douleurs de règles mais localisés dans le bas du dos, une sensation de tiraillement et comme si qu’on écrasait mon dos. C’était insupportable mais cela n’était pas aussi fréquent que ça n’est maintenant.
Avez-vous été victime de scolioses étant enfant ? Avez-vous toujours été sensible de ce côté-là ?
Non, je n’ai pas été victime de scoliose étant enfant mais oui, on peut dire que j’ai toujours été sensible car mon père a également des problèmes de dos.
Avez-vous rapidement été prise en charge ?
Oui, je pense que quand on est jeune, on est mieux pris en charge, les rendez-vous avec des spécialistes sont plus accessibles et pour trouver un kiné, c’est plus facile. Avec mes parents, j’ai vu des spécialistes qui m’ont diagnostiqué un spondylolisthésis avec un glissement. Un des médecins a essayé de stabiliser mon spondylolisthésis avec un corset que j’ai gardé pendant un an. Dans un premier temps, je devais le garder en continu, nuit et jour, et ensuite seulement la journée. Le médecin voulait m’opérer une fois ma croissance terminée car malgré la stabilisation, le problème était toujours là et les douleurs aussi. Mais mes parents n’étaient pas de cet avis : c’était une opération lourde et il n’y avait pas forcément de résultats très concluants. Nous avons donc demandé un deuxième avis qui n’a pas été en faveur de l’opération. Ce médecin m’a prescrit des séances de kiné et m’a conseillé de faire de la piscine et du vélo. J’ai été dispensée de tous les sports à secousses ou violents pratiqués à l’école.
Après ça, je ne l’ai pas revu et j’ai avancé dans mon parcours scolaire et professionnel (je suis aide-soignante) et j’ai presque oublié mon problème. J’ai commencé à travailler à 19 ans en cancérologie avec trois heures de transport par jour. Après un an et demi, j’ai voulu faire une pause. J’ai travaillé en tant que vendeuse et caissière : les problèmes de dos n’ont fait qu’augmenter. Au bout d’un certain temps, le milieu médical me manquait et j’ai postulé avec succès pour un poste d’aide-soignante en soins de suites et de réadaptation. Vu la charge de travail et le manque de personnel, je ne me suis pas ménagée et mes problèmes de dos m’ont vite rattrapée.
Quels traitements vous a-t-on proposés ?
Avec le recul, j’ai l’impression que les traitements que l’on m’a proposés étant plus jeune sont proposés à tous les patients qui viennent pour des problèmes de dos. C’est la maladie du siècle qui est malheureusement trop vite banalisée.
Aujourd’hui, je fais avec. Il n’y a pas un jour où je n’ai pas de douleurs mais je vis avec et il y en certaines auxquelles je me suis habituée. Mes symptômes sont des douleurs qui descendent du bas du dos jusqu’aux jambes. J’ai l’impression d’être écrasée, mes jambes sont lourdes et les douleurs intenses.
Avez-vous le sentiment d’être suffisamment prise au sérieux par les professionnels de santé ?
Pour beaucoup de professionnels, les problèmes de dos ne sont pas une priorité. J’ai même rencontré une rhumatologue qui m’a demandé pourquoi je venais le voir alors que je me déplaçais comme une grand-mère de 90 ans. Je l’ai trouvé inhumaine et insensible. Elle m’a manipulée dans tous les sens, elle a forcé sur mes jambes pour les tendre et s’est suspendue à mes pieds pour tester leur force. Je lui disais que j’avais mal et elle m’a répondu qu’elle n’était pas là pour s’occuper des douleurs. Pour finir, elle a regardé mes radios et a affirmé ne rien voir. Elle a dit que je n’avais rien mais elle a quand même reconnu que j’étais bien handicapée… Sa solution ? « Un peu de piscine et c’est bon ». Je suis ressortie plus cassée que jamais sur le plan physique et sur le plan psychologique.
Je me suis remise en question, je me suis dit qu’en effet, peut-être que je n’avais rien. Quand un autre médecin m’a confirmé le souci sur la radio, j’ai cru devenir folle.
J’ai vu ensuite un autre spécialiste. La consultation a duré 10 minutes. Il m’a auscultée et il m’a dit que j’avais une scoliose, un glissement, un basculement du bassin et la discopathie dégénérative.
Votre pathologie a-t-elle des répercussions sur votre vie sociale ?
Bien sûr, ce problème a eu des répercussions sur ma vie sociale. Quand je sais que je vais marcher « longtemps », je prends ma béquille. Je ne conduis plus, je marche très lentement, par moment il m’arrive de ne plus pouvoir monter les escaliers seule.
J’ai déjà refusé de sortir ou d’aller au cinéma car quand on me donne des coups de pieds maladroitement, cela devient vite douloureux et l’assise n’est pas forcément confortable. J’adorais faire du shopping, je faisais beaucoup de boutiques (qui n’aime pas ?) mais maintenant je n’en choisis qu’une et il faut que l’essayage en cabine soit rapide. J’ai déjà reposé des articles car il y avait du monde et car les douleurs commençaient à s’installer.
Des activités physiques vous sont-elles interdites ?
À part la piscine qui m’est conseillée (sauf la brasse), beaucoup de sports ou activités me sont interdites : cheval, bowling, course, sports de combat, patin à glace, escalade aussi. Dès qu’il y a des secousses ou des chocs, je ne peux pas.
Ce qui est énervant, c’est quand des personnes vous disent que ce n’est pas grave. J’aimais aussi faire des choses que j’ai dû stopper du jour au lendemain. Par exemple, je ne peux plus promener mon chien qui tire trop sur sa laisse… C’est brutal comme changement.
Votre pathologie a-t-elle des répercussions sur votre vie professionnelle ?
J’ai été en CDI et j’ai dû passer la visite médicale pour l’embauche. Une simple visite d’embauche qui pour moi a tout changé. J’ai dû passer des examens qui ont révélé l’évolution et la disparition du spondylolisthésis. J’ai continué à travailler malgré les douleurs. J’ai tenu jusqu’à ma semaine de vacances. Dès le lendemain, je ne pouvais plus me lever ni même marcher. Il était impossible pour moi de reprendre le travail même au bout d’une semaine. Aujourd’hui, je peux marcher mais les douleurs viennent vite, environ 10 min après. Depuis fin décembre, je suis en arrêt maladie. J’ai été jugée inapte pour le poste d’aide-soignante. Je suis en attente de reclassement professionnel. Sinon, je serai licenciée pour inaptitude. J’ai envoyé un dossier à la MDPH pour être reconnue travailleur handicapé.
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Vos proches vous soutiennent-ils ou minimisent-ils la discopathie (qui n’est pas pathologique pour tout le monde) ?
Comme toute ma vie est modifiée, celle de mon copain aussi. Pour lui, ce changement brutal a été difficile. Avec mon entourage, ça été compliqué, je me suis sentie incomprise. Certains de mes proches ont refusé de dire que c’était une maladie, tout simplement parce qu’on a du mal à employer ce terme quand il s’agit d’une affection qui n’est pas visible. Par exemple, un cancer va entrainer des modifications (perte de cheveux, ongles…) alors que dans mon cas c’est de « l’entre deux » : je ne me déplace pas aussi rapidement qu’avant mais je marche quand même, je n’ai pas de perte d’appétit… et c’est pourtant bien une maladie.
« Il y a pire que toi », c’est le genre de phrases bateaux qu’on m’a déjà dites… Mais il y a aussi mieux que moi à 23 ans ! C’est égoïste de leur part de dire cela car ils ne vivent pas avec moi et ne sont pas confrontés à tous ces changements et inquiétudes que génère ce problème. Ce ne sont pas eux qui ont mal quand ils cuisinent ou passent un coup de balai… Je ne veux pas qu’on s’apitoie sur moi mais je veux juste qu’on reconnaisse un problème quand c’en est un. Cela ne fait pas de moi une autre personne ; je suis moi avec un problème. Je dois anticiper et faire attention quotidiennement pour atténuer les douleurs au mieux.
Comment pourrait-on mieux aider les patients qui souffrent de discopathie ?
Pour les personnes qui souffrent de cette pathologie, il faudrait leur dire que certaines démarches prennent du temps et que même si on ne peut plus faire certaines choses qu’on avaient l’habitude de faire, il faut chercher d’autres centres d’intérêt. Même si ce n’est pas facile et même si à certains moments, on craque, il faut être content et savourer tous les petits moments que nous offre la vie.
Et quand on sera vieux, tout le monde aura plus ou moins des problèmes de dos… nous, on a juste une légère avance !
Quels conseils donneriez-vous à un patient qui vient d’être diagnostiqué ?
Si un patient vient de se faire diagnostiquer, surtout qu’il reste positif et s’il ne trouve pas de soutien, qu’il n’hésite pas à en parler à un professionnel. Il faut chercher des loisirs qui sont réalisables et qui permettent de se changer les idées. Surtout, anticiper le moindre geste qu’on peut faire pour atténuer au mieux les douleurs.
Merci beaucoup à Noémie d’avoir partagé son histoire. Et vous, avez-vous mal au dos ? Comment réagit votre entourage et comment vous soignez-vous ?
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