Interview de Katarina, présidente de Vivre Avec Ses Formes, une association de patients engagée pour les patients souffrant d'obésité
Publié le 11 févr. 2021 • Par Doriany Samair
Nous avons eu l’occasion d’interviewer Katarina, présidente de l’association Vivre Avec Ses Formes. Elle a accepté de nous raconter son combat contre l’obésité, de nous parler de son dévouement auprès des patients et de sa volonté de faire évoluer la prise en charge de cette maladie chronique. Voici son témoignage !
L'association: Vivre Avec Ses Formes (VASF)
Bonjour Katarina, merci d’avoir accepté cette interview pour Carenity ! Pouvez-vous nous raconter la création de VASF, en 2014 ?
VASF a pris naissance au sein du CIO (Centre Intégré de l'Obésité) à l'Hôpital Lyon Sud.
Le Centre Intégré de l’Obésité est l’un des cinq centres de référence pour l’obésité en France. Il réunit des professionnels de santé, à travers une équipe pluridisciplinaire, ayant pour objectifs d’améliorer la prise en charge de l’obésité ainsi de former patients et praticiens de santé autour de ce sujet. Au cours de leur séjour hospitalier, les malades intègre une “semaine thérapeutique”.
Cette semaine thérapeutique permet de faire un bilan complet de santé. On nous oriente vers des professionnels ou structures selon nos besoins.
C'est une prise en charge globale, projet de chirurgie ou pas. Des ateliers avec une diététicienne sont proposés, de l'activité physique adaptée et une rencontre avec un(e) psychologue/psychiatre si besoin (obligatoire en cas de chirurgie).
Des patients ayant bénéficié de la semaine thérapeutique au service endocrinologie ont voulu poursuivre une certaine dynamique concernant leur prise en charge dans le but de :
- ne pas se sentir seul(e) ;
- pouvoir partager des moments conviviaux par le biais de diverses activités (activités physiques, groupes de parole…) ;
- continuer à s'informer sur la maladie qu'est l'Obésité, en participant à des conférences et rencontrer les professionnels de santé...
Le fait d'être à plusieurs et partageant les mêmes problématiques de santé, aide à garder une certaine motivation. Suite à la semaine à Lyon Sud, les rendez-vous médicaux sont souvent espacés VASF fait donc le lien...
Pourriez-vous vous présenter à titre personnel ? Pourquoi vous êtes-vous investie dans l’association ? Qu’est-ce qui vous tient à cœur ?
Katarina MIHINDOU, 38 ans, mariée, 3 enfants.
Depuis mon enfance, ma relation à l'alimentation n'a jamais été saine. À partir de mes 15 ans, j'ai développé des TCA (Troubles du Comportement Alimentaire) puis durant ma vie adulte j'ai voulu gérer mon poids seule si bien que " l'effet yoyo" s'est installé :
- culpabilité de ma situation
- solitude
- manque d'information sur l'Obésité, les TCA
Jusqu'au jour où j'ai pris la décision de mettre un anneau gastrique (intervention chirurgicale dont le mécanisme permet de réduire la capacité de l’estomac et de ralentir le passage des aliments dans le tube digestif). Une décision un peu hâtive mais la seule qui me paraissait être une "solution" envisageable, le côté réversible (l’anneau a une durée de vie limitée à 10-15 ans) me rassurait. Dans le même temps, une dynamique de perte de poids s'était installée et l'anneau n'y a pas tant contribué.
La même année (2017), j'ai rencontré l'Association. A partir de ce moment, les échanges avec d'autres personnes ayant rencontré les mêmes difficultés, les informations prises sur la maladie m'ont accompagné vers une remise en question et surtout j'ai pu déculpabiliser. J'ai très vite trouvé ma place au sein de l'Association, utile pour moi-même et les autres. Je suis devenue la Présidente : le côté relationnel me tient à cœur, c'est un enrichissement personnel et pouvoir aider d'autres personnes est très valorisant.
L'obésité aujourd'hui, sa prise en charge et grossophobie : la lutte de VASF
L’obésité aujourd’hui : que pensez-vous de la prise en charge actuelle de la maladie ? Quel est le vécu ou ressenti des patients vis-à-vis de cette situation ? Que faut-il améliorer ?
Je me rends compte que certaines choses ont avancé mais restent insuffisantes :
- Que ce soit dans le monde médical où les patients sont souvent livrés à eux-mêmes et s’informent par eux-mêmes : l’idée d’un anneau gastrique m’est venue après avoir entendu des témoignages de proches (collègues, amies…). Il faut souvent prendre l’initiative de soumettre une solution au médecin quant à sa propre prise en charge.
Et surtout dans la société , où la discrimination envers les gros (grossophobie) nous entoure :
- les sièges "étroits" dans les salles d'attente, les transports en commun, les salles de cinéma…
- les vêtements grandes tailles, plus onéreux, sont souvent rassemblés dans un petit rayon au fond des magasins, le choix est plus limité et souvent moins "tendance". Le shopping des gros se fait plus sur internet aujourd'hui ;
- les médecins que l'on rencontre ne sont pas toujours bienveillants, quelque soit le motif de la consultation, tout est ramené souvent au poids ;
- les discours entendus " manque de volonté...il suffit de manger moins et de bouger plus" ;
- l'image du gros (même au cinéma), c'est toujours le bon vivant, le gros gentil ou le dépressif.
Tout cela conditionne le ressenti des patients qui vont vite se sentir seuls (exclus de la société, hors normes), démunis, honteux...et le sentiment d'échec s'installe vite. Garder la motivation est un combat.
L'obésité est une maladie chronique et complexe. Le traitement et sa prise en charge doivent être globaux : plusieurs paramètres sont à prendre en compte (tant sur le plan médical ou nutritionnel que psychologique). Il n'existe pas un seul type d'obésité mais plusieurs obésités, différentes selon les personnes. L’Obésité est une maladie chronique qui devrait être considérée comme une ALD et donc prise en charge à 100%. Aujourd’hui ce n’est pas encore le cas, la communauté médicale en parle de plus en plus : il y a bon espoir que ça évolue.
Quelles sont les actions que mène VASF ? Quelles activités proposez-vous aux patients qui viennent à vous ?
VASF propose tous les mois un planning d’activités variées :
- Réunions (en général une par mois) : Conférence/débat avec un professionnel de santé (médecin, diététicienne, chirurgien, psychologue…) ou simples échanges entre patients ;
- Activités Physiques Adaptées ou de bien être: activités encadrées par un enseignant APA (aquagym, renforcement musculaire…), activités loisirs encadrées ou non (bowling, mini golf…) et bien être (qi gong, sophrologie…) ;
- Ateliers ( cuisine, diététique, esthétique…).
En rencontrant les professionnels, nous bénéficions d'outils pédagogiques qui nous aident à mieux gérer notre quotidien.
D’autres actions sont menées (surtout hors Covid) au sein de l’Association comme la vente de vêtements d'occasion grandes tailles ou encore des moments conviviaux au restaurant.
Nous participons aussi régulièrement à des évènements, des conférences (les journées de l'Obésité, Actualités de la recherche avec l'INSERM, forum des associations…).
Quels sont vos projets à long terme ?
Nous voulons avoir plus de visibilité en développant nos partenariats. Avoir le plus de ressources possibles pour informer et accompagner au mieux les patients.
Bénéficier d'aides financières pour élargir notre champ d'actions. Nous ne voulons pas que les patients aient un frein financier pour participer à nos activités.
Pouvoir faire de la prévention et continuer à sensibiliser (lutter contre la grossophobie).
On entend souvent que l’obésité est une comorbidité aggravante de la Covid-19 : comment avez-vous vécu cette crise sanitaire ? Et vos patients ?
Depuis le covid, l'obésité a souvent été citée dans les médias, en tant que maladie chronique, générant des comorbidités et de ce fait faisant partie de la liste des critères de vulnérabilité.
Les patients, anxieux, se sont vite isolés. Leur prise en charge est en déclin : annulation des rendez-vous de suivi, peu d'activité physique... Le moral des patients est à la baisse. L’association s’est adaptée en proposant des activités en visio-conférence afin de maintenir le lien.
Un dernier mot pour les patients ?
Nous ne sommes pas “des obèses” mais nous souffrons d'obésité. La nuance permet de se détacher d’une étiquette négative. Nous souffrons bien d’une maladie, qui nécessite une prise en charge pluri disciplinaire sur long terme. Ne restons pas seul(e)s. Soyons bienveillants avec nous même. L’obésité n’est pas qu’une question de kilos mais plutôt de mieux être, nous avons notre place dans la société comme d’autres et surtout prenons soin de notre santé.
N’hésitez pas à vous rendre sur le site de VASF pour plus d’informations ou pour connaître leurs coordonnées.
Nous remercions chaleureusement Katarina d’avoir accepté de répondre à nos questions !
Et vous ? Êtes-vous concernés par la maladie ? Que pensez-vous de la prise en charge actuelle de l’obésité ?
N’hésitez pas à nous contacter si vous voulez témoigner !
Prenez soin de vous !
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