Une thérapie pour sortir du trouble de la personnalité limite
Publié le 2 juil. 2018 • Par Léa Blaszczynski
Découvrez l'histoire d'Anne, @anipe">@anipeps, une jeune femme de 37 ans, indépendante, prof de piano et psychopraticienne / coach de vie, mariée et mère d'un enfant de 4 ans. Anne est porteuse d'un handicap physique séquellaire d'une tentative de suicide - liée au trouble borderline - qu'elle a faite il y a dix ans. Aujourd'hui, elle est heureuse, épanouie, pleine de projets avec une vie sociale intense. Ses peurs sont loin derrière elle.
Les troubles de la personnalité surgissent souvent à l'adolescence, cela a-t-il été votre cas ?
Le trouble a commencé à apparaître vers 14 ans, mais l'hypersensibilité était latente depuis toujours. Je me souviens à l'école primaire avoir pleuré, alors que ce n'était pas moi que l'on réprimait, j'avais déjà un rapport aux autres et au monde différent. J'ai commencé à 14 ans par devenir agressive et rebelle, avant de sombrer dans l'anorexie et les automutilations vers 17 ans.
Comment avez-vous été diagnostiquée ?
J'ai été diagnostiquée par mon psychiatre après des années d'enfermement psychiatrique, et après de longues phases d'observation. Le jour où il m'a annoncé que j'étais borderline, je me rappelle sa phrase exacte : "Vous êtes borderline, un jour vous aurez le déclic et ça sera fini"... Et il avait raison.
Quels étaient vos symptômes ? Vos phases ?
Je me scarifiais, j'avais des troubles de la conduite alimentaire, une peur terrible de l'abandon, un sentiment de vide intense, des angoisses atroces, des tentatives de suicides répétées, des actes auto-agressifs à répétition, des conduites à risque en voiture, avec la sexualité aussi. Je ne m'entourais que de personnes négatives et avais du mal avec le lien social. J'avais une addiction au soin, une recherche maladive d'une mère symbolique et de l'amour maternel. Je n'avais que quelques phases d'accalmie où je sortais de l'hôpital pour y retourner en crise violente quelques semaines après.
Quelles étaient les manifestations les plus difficiles à gérer ?
L'auto-agressivité était le plus difficile, les troubles du comportement alimentaire ainsi que les passages à l'acte répétés.
Comment cela affecte-t-il vos relations avec vos proches ?
Aujourd'hui, cela n'affecte plus mes proches, mais à l'époque, mes conduites étaient au final assez manipulatrices, la colère interne contre mes proches était telle que je leur faisais vivre un enfer, me mettant en danger pour attirer leur amour et leur marque d'affection, bien sûr en vain. Il m'a fallu faire le deuil des parents idéaux et apprendre à ne plus vivre à travers leur regard et leur jugement pour commencer à avancer.
Quel professionnel de santé vous suit ?
J'ai été suivie longuement en CMP avec une surmédicamentation et un passage en Unités de Soins Intensifs Psychiatriques (USIP). Tout ce parcours a été terriblement traumatique et a aggravé mon état. Après la rencontre avec mon mari, je suis partie me faire suivre dans le privé par une psychiatre qui a une approche contenante, s'appuie sur le positif et n'est pas accro à l'ordonnancier. Sa qualité d'écoute et de présence est exceptionnelle, et elle m'a permis de mettre à distance la totalité de mes troubles du comportement, de pouvoir retravailler, créer ma famille, avoir des relations sociales normales et épanouissantes, et mettre à distance toutes les personnes toxiques qui me maintenaient dans ce trouble.
Pourquoi avez-vous décidé d'ouvrir un groupe de soutien ?
Car je sais comme il est difficile de sortir de ce trouble et que très peu y parviennent. Les soins proposés ne sont souvent pas adaptés et aggravent le trouble. J'ai une chance infinie d'être arrivée à m'en sortir, surtout que mon trouble était véritablement sévère, au point d'avoir failli mourir et rester handicapée. J'ai acquis la force, la rage de vivre, le bonheur, grâce à un accompagnement réussi avec ma thérapeute et je souhaite aujourd'hui pouvoir aider ceux qui n'ont pas eu cette chance, les aider à avancer et comprendre leur trouble ainsi qu'à trouver le thérapeute qui les aidera via les annuaires aforpel ou aapel ou simplement en pouvant leur apporter mon expérience des thérapies qui fonctionnent.
Je reçois quotidiennement des messages de demande de soutien et des retours positifs me disant qu'ils se sentent compris et qu'avec ce groupe, ils avancent plus qu'avec leur thérapeute. Les familles me sollicitent aussi pour les conseiller car elles se retrouvent démunies face à leur enfant ou conjoint malade. Créer ce groupe, c'était aussi pouvoir apporter un message d'espoir et un lieu où les personnes se comprennent entre elles et se soutiennent.
Qu'est-ce que cela vous apporte ?
Je ne sais pas si cela m'apporte quelque chose, le but est plus que cela apporte aux autres, à ceux qui subissent le parcours que j'ai connu et n'arrivent pas à s'en sortir. La seule chose que cela m'apporte, c'est une connaissance approfondie du trouble de par les témoignages et histoires de vie que l'on me raconte et qui me permettent aujourd'hui de savoir que tous les borderline que j'ai croisés ont des similitudes dans leur histoire familiale et personnelle.
Je pense aussi que faire d'un lourd passé quelque chose de positif est très valorisant à titre personnel, mais au-delà de ça si j'ai ouvert ce groupe de soutien, c'était avant tout pour faire profiter aux autres de mon expérience et de mon parcours de résilience. C'est aussi pour aider et soutenir les familles et les aider à trouver les mots, les aiguiller sur les soins de qualité adaptés à ce trouble.
Pourquoi avez-vous décidé de suivre une formation d'accompagnement thérapeutique ?
J'ai déjà un master 2 en science et techniques santé durant lequel j'avais - lors de ma première année - travaillé auprès d'adolescents psychotiques avec une approche en psychologie clinique. En deuxième année, j'avais travaillé sur un mémoire de recherche sur les négociations professionnelles en milieu psychiatrique.
J'ai toujours été passionnée de psychologie, de développement personnel et j'avais toujours souhaité un jour pouvoir accompagner l'autre au niveau thérapeutique. J'ai d'ailleurs parallèlement à mon master suivi une licence deuxième année à la faculté de psychologie de Lyon et j'ai participé durant une année entière à la table ronde de recherche en psychologie clinique à l'université Lyon 2 (faculté de psychologie).
Alors que je suis déjà résiliente depuis cinq ans, j'ai décidé en 2016-2017 de suivre une formation d'un an en coaching de vie dans une école réputée. Je suis rentrée en contact avec Pierre Nantas (spécialiste du trouble borderline) par le biais d'un projet d'ouverture de groupes de psycho-éducations dédiés au trouble sur Lyon (projet qui est rendu difficile par le faible taux de réponse des patients). J'ai également échangé longuement avec une psychologue clinicienne qui souhaiterait partager ce projet. C'est par ce biais que j'ai demandé à Pierre Nantas s'il pouvait m'accueillir en formation, ce qu'il a accepté (les dates restent à déterminées, mais cela devrait se faire en fin d'année).
Tout cela n'est pour l'instant que projet, mais ma formation en coaching m'a apporté beaucoup d'outils d'accompagnements (notamment en programmation neuro-linguistique - PNL), cumulés à ma formation en psychologie. La formation aforpel ne sera qu'un complément afin de me spécialisée dans l'accompagnement de ce trouble. Mon parcours personnel étant une force pour comprendre les personnes vivant ce trouble et pour pouvoir les aider.
Qu'en attendez-vous ?
J'en attends une reconnaissance professionnelle avant tout, et d'avoir, de ce fait, toute légitimité à accompagner les personnes porteuse du trouble de la personnalité limite. J'en attends des rencontres humaines et professionnelles, de pouvoir concrétiser la mise en place de groupe de psycho-éducation sur la région lyonnaise et d'avoir un maximum de connaissance et d'outils pour encore mieux comprendre le trouble et aborder les personnes touchées.
Avez-vous un message à transmettre aux personnes dans la même situation que vous ?
Oui un message d'espoir et aussi leur dire que le trouble borderline est un trouble qui se traite. Il faut garder espoir, s'entourer des bons praticiens et souvent passer par la mise à distance affective et psychique des personnes toxiques qui nous maintiennent dans ce fonctionnement. Une fois résilient, on garde certaines caractéristiques du borderline comme, pour ma part, le clivage, la sensation de vide. Les émotions ne sont plus un problème à gérer, les relations sociales deviennent riches et épanouies, on peut enfin travailler comme tout le monde et avoir une vie riche et heureuse. Le chemin est difficile mais ce qu'il y a après vaut le coup de se battre pour s'en sortir. Etre résilient, ce n'est pas être parfait, car personne ne l'est, c'est juste supprimer les conduites déviantes et les troubles du comportement qui sont associés à cette personnalité Etat-Limite.
Souvent les personnes prises dans ce trouble, comme je l'étais, ont du mal à sortir de l'engrenage de la mise à mal et des angoisses. Trouver un thérapeute qui valorise le positif de chacun, qui sait cadrer, étayer et mettre en avant ses possibilités et capacités est primordiale. Aller mieux, c'est aussi faire le deuil d'être une victime aux yeux des autres et accepter de changer de fonctionnement, ce n'est pas simple, on s'y est habitué et quelque part le changement fait peur, mais je souhaite à tous les patients borderline de trouver le thérapeute qui leur tendra la main de manière efficace, humaine, avec empathie, bienveillance mais en même temps avec beaucoup de cadre.
Car ce trouble reste un des troubles psychiatriques où la personne se met le plus en danger et qui nécessite une prise en charge vraiment étayante. Les CMP aujourd'hui propose des prises en charges intéressante au niveau des ateliers, mais le manque de moyens humains fait que le suivi thérapeutique (psychothérapie, psychiatre) ne peut pas se faire de manière suffisamment rapproché pour ce type de patient contrairement à des psychiatres privés qui proposent des consultations hebdomadaires et se rendent disponibles eux-même, pour les urgences. La fréquence du suivi est importante, celui-ci a besoin d'être régulier pour aider vraiment à s'en sortir. La pathologie étant une pathologie abandonnique, savoir son thérapeute présent de manière régulière est étayant et rassurant.
Devenir résilient, c'est faire un énorme changement d'environnement, de pensée, c'est prendre conscience de son fonctionnement, se faire accompagner par des personnes compétentes, c'est avoir conscience de son passé et cesser de ruminer dessus et de se positionner en victime. C'est commencer à créer demain. Et je souhaite à tous ceux qui sont concernés par ce trouble de trouver les ressources, les thérapeutes qui sauront les aider à faire tout cela pour demain eux-aussi pouvoir témoigner.
Beaucoup me disent être anéanti lors de l'annonce du diagnostic et là aussi je voudrais leur dire que ce diagnostic est une bonne nouvelle et une bonne chose. Une bonne nouvelle car c'est un trouble qui se traite (contrairement aux pathologies psychotiques) et une bonne chose car c'est le début du chemin vers le mieux qui s'enclenche car vous allez pouvoir aller enfin vers les bonnes méthodes d'accompagnements, les thérapeutes adaptés qui pourront vous aider. Ce n'est donc pas la fin, c'est de début d'un possible mieux.
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