Errance médicale : “Il ne faut jamais baisser les bras !”
Publié le 2 nov. 2022 • Par Candice Salomé
Charline, professeure de yoga et auteure du livre « L’errance médicale chez les femmes », nous parle de son combat sans relâche qui lui permettrait de mettre des mots sur ses maux. Depuis 2015, elle ressent de nombreux symptômes : douleurs neuropathiques comme les fourmillements, engourdissements, sensations de décharges électriques, de brulures, des paresthésies douloureuses et bien entendu la fatigue chronique. Malgré un nombre incalculable de médecins et spécialistes rencontrés, elle n’a toujours pas reçu de diagnostic.
Elle se livre dans son témoignage pour Carenity !
Découvrez vite son histoire !
Bonjour Charline, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je m’appelle Charline Girardel, je viens d’avoir 31 ans, je réside à côté de Troyes dans la maison familiale et je suis professeure de yoga et auteure.
Un matin, vous vous êtes réveillée avec le côté droit de votre corps paralysé. Comment avez-vous réagi face à cela ? Qu’avez-vous fait ? Et quelle a été votre prise en charge à ce moment-là ? Quel a été le diagnostic ?
Je ne me suis pas réveillée dans cet état, cela est venu soudainement en pleine journée. J’ai eu un violent mal de tête en bas à droite puis petit à petit mon corps s’est paralysé depuis le haut de la tête jusqu’aux orteils de mon côté droit.
Ma vision était floue, le côté du visage descendu et je n’arrivais plus à parler, du moins, je sortais des sons qui étaient incompréhensibles. Ma mère m’a portée jusqu’à mon lit en attendant l’arrivée des pompiers. Ils ont mis un certain temps avant de m’emmener aux urgences de l’hôpital.
Une fois là-bas j’ai été prise en charge assez rapidement, j’ai vu un neurologue qui m’a dit « ça n’a pas l’air grave, de toute façon vous êtes trop jeune et trop jolie pour être malade ». Suite à quoi on m’a quand même fait passer un scanner dont les images n’ont rien montré d’anormal. Puis, on m’a oubliée pendant deux heures dans un couloir, mes parents ne savaient pas où j’étais et je me sentais très seule, mon corps commençait à revenir un peu à la normale mais la peur et les douleurs m’ont faite me sentir atrocement seule à ce moment-là.
Finalement, je suis repartie chez moi avec du doliprane et comme diagnostic : une migraine.
Après cet épisode, j’ai mis pratiquement un an avant de remarcher correctement. J’avais des béquilles et des séances de kiné. Les douleurs se sont installées en même temps que beaucoup de douleurs dites « neuropathiques ».
Cet épisode s’est passé en 2015. A ce jour, je n’ai pas eu d’autre diagnostic sur cet évènement qui, au final, a bien bousillé ma vie.
A l’heure actuelle, je suis entre les mains d’un nouveau neurologue, qui se pose bien sûr la question d’un AVC « passé à la trappe », dont les douleurs neuropathiques en seraient les séquelles.
Vous faites face à de nombreuses années d’errance médicale. Pourriez-vous nous décrire vos symptômes ? Combien de spécialistes avez-vous rencontrés et quels examens avez-vous passé à l’heure actuelle ?
J’ai une symptomatologie très large et diversifiée. Mais les symptômes les plus handicapants restent les douleurs neuropathiques comme les fourmillements, engourdissements, sensations de décharges électriques, de brulures, des paresthésies douloureuses et bien entendu la fatigue chronique. Beaucoup de douleurs musculaires, articulaires et tendineuses. Je suis sujette aux entorses, luxations, subluxations.
Mon corps se « déboite » d’un peu partout.
Puis il y a les maux de ventre à me plier en 4, les douleurs gynécologiques, les malaises et les allergies diverses que je ne maitrise pas. C’est déjà pas mal pour une seule personne, non ?
Pour essayer de comprendre pourquoi j’avais tous ces symptômes et toutes ces douleurs, pour mettre des mots sur mes maux du quotidien, j’ai dû consulter une vingtaine de médecins différents, spécialistes ou non.
Où en êtes-vous actuellement dans votre parcours de soin et votre prise en charge ? Avez-vous reçu un diagnostic officiel ? En êtes-vous satisfaite ?
Je suis traitée depuis une dizaine d’années pour l’endométriose, même si celle-ci n’a pas encore été « visible » sur les images. Tous les symptômes et les douleurs depuis que je suis réglée parlaient d’eux-mêmes. Je dois d’ailleurs repasser très prochainement une IRM de contrôle.
Mon premier diagnostic était celui de la fibromyalgie, mais pour mon médecin, il fallait trouver autre chose… J’ai eu un diagnostic de posé pour la maladie de Lyme dans sa version longue et « chronique », j’ai pris un lourd traitement qui, apparemment, me faisait du bien jusqu’au jour où l’infectiologue qui me suivait n’a plus pu continuer à me renouveler cette ordonnance. J’ai un peu laissé tomber cette voie, puisque, à part ce médecin, personne ne prenait ce diagnostic au sérieux.
J’ai donc continué à consulter des spécialistes. Mon dernier diagnostic est celui du syndrome d’Ehlers-Danlos, plus plausible puisque je suis laxe, née avec une subluxation de la hanche, des entorses à répétitions, des douleurs dans tout le corps… Je n’ai juste pas la peau « élastique » ce qui est un des symptômes de référence pour diagnostiquer le SED, sauf qu’il y a plusieurs formes de SED, mais les médecins ne sont pas formés à cela.
C’est difficile d’avoir ce diagnostic clair, net et précis. Je suis passée par un tas d’autres dénominations pour évoquer cette maladie : « syndrome postural », « trouble du spectre de l’hypermobilité », etc. Rien de certain. A ce jour, j’attends une réponse d’un spécialiste vers qui j’ai été renvoyée, juste pour avoir une ordonnance pour des vêtements compressifs… J’en suis à 6 mois d’attente juste pour avoir une réponse…
Au final, le diagnostic ne change pas grand-chose. On doit toujours se débrouiller seule et accepter la maladie. Il n’y a, hélas, pas grand-chose à faire.
Quel est l’impact de la maladie sur votre vie privée et professionnelle ?
L’impact est énorme ! Je ne peux plus travailler comme avant. J’ai même dû arrêter mes études il y a quelques années. Par la force des choses, je suis devenue professeure de yoga et je me suis mise à mon compte. Mais même enseigner le yoga à ses limites. Je fatigue très vite, je ne peux donc pas assurer plusieurs cours dans une journée.
Financièrement, c’est assez dur. Je n’ai pas d’aide pour ma maladie.
Côté vie privée, je suis retournée vivre chez mes parents suite à mon hémiplégie car mon appartement était au troisième étage sans ascenseur et je ne pouvais plus monter chez moi… La situation n’a pas beaucoup évolué, je suis encore chez eux, mais nous avons un bon équilibre de vie et on s’entend très bien. Le souci c’est que conduire m’est devenu impossible donc je reste un peu cloitrée chez moi, je ne sors pas beaucoup. La maladie ça coupe un peu du monde extérieur. Trop de choses qu’on ne peut plus faire et peu de personnes qui comprennent…
Vous êtes l’auteure du livre « L’errance médical chez les femmes ». Pourriez-vous nous en parler ? Qu’y abordez-vous ? Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire sur ce sujet ?
Je suis tombée par hasard sur un article américain dans le magazine Women’s Health, qui traitait justement de l’errance médicale et diagnostique, avec plusieurs témoignages. J’ai eu une prise de conscience, c’est la première fois que je réalisais que je n’étais pas seule à vivre tout ça, à ne pas être prise au sérieux pendant mes rendez-vous médicaux, ne pas avoir de diagnostic, etc.
A la suite de quoi j’ai créé le compte Instagram @tropjeunetropjolie pour y recueillir des témoignages et créer une communauté avec des femmes qui se sentiraient mieux écoutées ici et surtout moins seules. Une sorte de sororité, pour se soutenir… Petit à petit, j’ai commencé à écrire sur le sujet, à rencontrer des personnes qui interviennent ou témoignent dans mon livre.
Et pour ajouter une part de vécu, j’ai surtout écrit mon propre témoignage, c’était plus simple pour essayer de faire comprendre ce que l’on vit et ressent dans ce combat.
Mon livre, qui fait 320 pages, est constitué de mon propre témoignage, d’une vingtaine de témoignages de femmes qui ont connu l’errance médicale, d’encarts informatifs pour comprendre la situation actuelle dans notre société, une préface d’un médecin, la postface d’Axelle Ayad (fondatrice de MaPatho), et des intervenants professionnels de la santé ainsi qu’une prise de parole de Yasmine Candau, Présidente d’Endo France. Du beau monde qui sait de quoi on parle !
Vous êtes également active sur Instagram où vous donnez la parole aux femmes qui, comme vous, sont ou ont été en errance médicale. Pourquoi avoir décidé d’en parler sur les réseaux sociaux ? Quels sont les retours de vos abonné(e)s ?
Comme indiqué précédemment c’est ce compte qui recueille des témoignages qui m’a donné envie d’écrire ce livre. Nous avons toutes besoin de nous sentir moins seules, de ne pas être des cas isolés devant aussi peu de considération du monde médicale. C’est très difficile déjà de ne pas être entendues ou comprises par les médecins, d’errer avec sa maladie, ses douleurs… alors avoir un endroit où on peut dire les choses, prendre la parole, exprimer ce que l’on ressent, c’est déjà un pas en avant.
Nombreuses sont celles qui m’envoient un message simplement comme si j’étais un journal intime, pour s’exprimer, d’autres me remercient simplement de les lire… C’est important, écouter, être bienveillant…
Après avoir vécu l’errance médicale ainsi que reçu de nombreux témoignages de vos abonné(e)s, qu’aimeriez-vous modifier dans le système de prise en charge actuel ?
Malheureusement, dans l’errance médicale, il y a surtout un manque de connaissances des nouvelles maladies, douleurs ou symptômes. De plus, très peu de données médicales sont conjuguées au féminin. Par exemple, en médecine, on connait par cœur les signes avant-coureurs de la crise cardiaque chez l’homme, mais pas ceux chez la femme, qui sont différents.
J’aimerais qu’on arrête aussi de minimiser la douleur chez les femmes, on nous apprend que c’est normal d’avoir mal depuis toujours, alors que non, ce n’est pas normal. Du coup, soit les femmes prennent sur elles donc consultent trop tardivement, soit elles sont mal reçues par le corps médical et sont, à tort, traitées de chochottes.
Mais il n’y a pas que ça, le sexisme « ordinaire » est un fléau qui ne devrait pas exister dans le monde de la médecine. Entendre dire que vous souriez trop pour avoir mal, que vous devez être surmenée ou que c’est les hormones qui vous font croire que vous avez mal quelque part ou vous dire d’aller consulter un psy car vous être certainement trop stressée, vous dire que vous êtes trop maigre, trop grosse, pas assez active, pas assez détendue… Trop ci ou pas assez cela pour avoir mal, donc pour être entendue, comprise, prise au sérieux et avoir un diagnostic pour espérer être soulagée ou soignée… Nous avons les meilleurs systèmes de soins et de prises en charge en France. Ce qu’il faut changer ce sont les mentalités, revenir à la base du serment d’Hippocrate, traiter tous les patients comme s'ils étaient de notre famille, réapprendre continuellement les changements dans les maladies, les symptômes, s’informer, prendre plus de temps pour chaque patient, être à l’écoute, bienveillant, ne pas dire « vous n’avez rien » mais « je ne sais pas » puis chercher ce qu’on ne sait pas…
Évidemment là je parle pour le côté du système médical, tout en sachant qu’il y a des gens formidables et d’excellents médecins. Mais ce n’est pas tout, nous devons créer une alliance thérapeutique tous ensemble, médecins et patients. Les médecins ont peu de temps, c’est vrai, on manque de médecins d’ailleurs aux vues de toutes les personnes malades aujourd’hui. Mais les patients en savent parfois plus que le corps médical sur leurs possibles pathologies, ils ont le temps de s’informer, de chercher de leur côté, on devrait mélanger les données, les savoirs, pour avoir une meilleure chance de trouver le bon diagnostic et surtout d’avoir une meilleure prise en charge générale après la pose d’un diagnostic.
Il y a d’ailleurs de plus en plus de « patients experts » qui font la médiation. Les patients et patientes en errance veulent simplement arrêter de souffrir et retrouver une vie « normale », j’en sais quelque chose.
Enfin, quels conseils pourriez-vous apporter aux membres Carenity qui, comme vous, souffrent et n’ont toujours pas reçu de diagnostic ?
Je ne sais pas si je suis de bons conseils, surtout que la souffrance c’est propre à chacun. Mais je dirais qu’il ne faut jamais baisser les bras même dans les moments les plus durs. Dites-vous que si un médecin ne vous écoute pas, vous répond mal ou ne vous prend pas au sérieux, déjà, ce n’est pas directement contre vous. Ne le prenez pas personnellement. Ce sont des êtres humains avant tout.
Donc le mieux, c’est de laisser couler et aller chercher ailleurs, vous avez le droit de voir plusieurs médecins tant que vous n’êtes pas en accord avec ce qu’on vous dit. Entourez-vous des bonnes personnes, tournez-vous vers des associations qui sauront vous aiguiller et les médecines douces et alternatives pour vous soulager, et surtout, ne perdez pas espoir.
Un dernier mot ?
Prenez soin de vous, du mieux possible. Au final avoir un diagnostic peut aider mais pas toujours. Ça dépend des maladies et ça dépend de vous. Je vais dire quelque chose de difficile mais véridique : personne ne viendra vous sauver, à part vous. N’abandonnez pas et prenez soin de vous pour de vrai. Je sais combien on sait apprécier les jolies petites choses de la vie quand on a connu les pires. Courage à tous.
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