Qu’est-ce que l’addiction ?
Publié le 20 avr. 2021 • Par Candice Salomé
En 2019, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (Ofdt) estimait que l’alcool et le tabac étaient les substances les plus consommées en France. En effet, 10 % des adultes consomment de l’alcool quotidiennement et 27% fument tous les jours. La consommation nocive d’alcool et de tabac constituent les deux premières causes de mortalité évitables en France (respectivement à l’origine de 41000 et 73000 décès par an).
Mais alors, qu’est-ce qu’une addiction ? Quel en est son processus ? Les individus sont-ils tous égaux face à l’addiction ? Comment diagnostiquer et traiter une addiction ?
On vous dit tout dans notre article !
Qu’est-ce qu’une addiction ?
L’addiction est considérée comme une pathologie qui repose sur la consommation répétée d’un produit (alcool, tabac, drogues…) ou sur la pratique anormalement excessive d’un comportement (jeux, réseaux sociaux, sport…).
L’addiction conduit à :
- une perte de contrôle au niveau de la consommation ou de la pratique,
- une modification de l’équilibre émotionnel,
- des troubles d’ordre médical,
- des perturbations au niveau de la vie personnelle, professionnelle et sociale.
Parmi les addictions sans substance, seul le jeu pathologique (jeux d’argent ou de hasard) est cliniquement reconnu comme une dépendance comportementale dans les classifications diagnostiques internationales.
L’Institut Nord-Américain des drogues, le National Institute of Drug Abuse (NIDA) en donne la définition suivante :
“L’addiction est une affection cérébrale chronique, récidivante, caractérisée par la recherche et l’usage compulsif de drogue, malgré la connaissance de ses conséquences nocives.”
La France figure parmi les premiers consommateurs européens d’alcool, de tabac et de cannabis. En 2011, la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) a publié les résultats d’une enquête qui place la France en tête de la consommation européenne de médicaments.
Quel est le processus d’une addiction ?
La prise d’un produit addictif tel que le tabac, l’alcool, la cocaïne… active un circuit cérébral appelé “de récompense”. Ce dernier met en jeu des neurones particuliers : les neurones dopaminergiques. Ces derniers sont responsables de la production d’une molécule : la dopamine. La dopamine sécrétée par le cerveau se traduit par une sensation de plaisir.
Dans un contexte normal, la dopamine est sécrétée après une action plaisante ou positive et est très utile pour les phases d’apprentissage et l’assouvissement de nos besoins vitaux par exemple.
La consommation de certaines substances ou comportements augmente de façon artificielle la production de dopamine, au-delà de la normale. Afin de retrouver cette sensation agréable, l’individu a envie de renouveler l’expérience. Cela va créer un mécanisme de “renforcement positif”.
De plus, le cerveau va devenir de moins en moins sensible aux conduites addictives. L’individu augmentera donc ses prises au fur et à mesure. On appelle cela la dépendance.
Les individus sont-ils tous égaux face à l’addiction ?
L’addiction est une maladie du système nerveux face à laquelle nous ne sommes pas tous sur le même pied d’égalité. Il s’agit d’un processus complexe qui se développe par une interaction entre une substance et un sujet vulnérable. Deux types de vulnérabilités sont à distinguer. La première est intrinsèque et comprend des facteurs biologiques, génétiques, psychologiques ou comportementaux. La seconde est extrinsèque. Elle englobe la culture familiale, les expériences et les étapes de la vie mais aussi certains facteurs socio-économiques. Enfin, certains individus sont plus prédisposés en fonction de leur âge. Un cerveau d'adolescent n'est pas encore mature, donc il est plus vulnérable.
De plus, le cerveau de l’individu dépendant associe au moins deux faiblesses :
Un système de récompense hypertrophié
Lorsque le cerveau reçoit une récompense “inattendue” à la suite d’un comportement donné, il mémorise la conséquence positive de ce comportement et encourage son renouvellement.
En situation dite “normale” (nourriture, activité sexuelle…), la libération de la dopamine et le plaisir qu’elle induit ne durent que quelques instants. En cas de prise de psychotiques, cela dure plus longtemps et son effet est beaucoup plus intense. De fait, un individu dépendant ne pourra pas résister à la consommation de la substance qui lui aura au préalable procuré du plaisir lorsqu’il sera en contact avec cette dernière.
Un déficit de plasticité synaptique
Chez certains individus, la capacité des synapses* à diminuer leur activité sous l’effet de certaines stimulations pourrait être altérée. Ce phénomène ne permettrait plus de développer de nouvelles traces mnésiques et expliquerait le glissement de comportements vers des comportements automatisés et compulsifs.
*La synapse est une aire de jonction par laquelle le message chimique (neurotransmetteur) passe d’un neurone à l’autre. C’est une structure particulièrement importante, où le signal neuronal peut être renforcé (via une augmentation de la libération de neurotransmetteur ou du nombre de récepteurs postsynaptiques) ou diminué (via une augmentation du nombre de récepteurs présynaptiques). C’est ce que l’on appelle la « plasticité synaptique ». Parmi les neurotransmetteurs impliqués dans les mécanismes de l’addiction, la dopamine joue un rôle important. Définition de la Fédération pour la recherche sur le cerveau.
Comment diagnostique-t-on l’addiction ?
Afin d’établir un diagnostic, les professionnels de la santé ont recours à deux grandes classifications :
Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM 5) créée par l'American Psychiatric Association
Les 11 critères que l’on retrouve dans ce manuel sont les suivants :
- Besoin impérieux et irrépressible de consommer la substance ou de jouer (craving),
- Perte de contrôle sur la quantité et le temps dédié à la prise de substance ou au jeu,
- Beaucoup de temps consacré à la recherche de substances ou au jeu,
- Augmentation de la tolérance au produit addictif,
- Présence d’un syndrome de sevrage, c’est-à-dire de l’ensemble des symptômes provoqués par l’arrêt brutal de la consommation ou du jeu,
- Incapacité de remplir des obligations importantes,
- Usage même lorsqu'il y a un risque physique,
- Problèmes personnels ou sociaux,
- Désir ou efforts persistants pour diminuer les doses ou l’activité,
- Activités réduites au profit de la consommation ou du jeu,
- Poursuite de la consommation malgré les dégâts physiques ou psychologiques.
Si l’individu présente de 2 à 3 critères : il connaît une addiction faible.
Si l’individu présente de 4 à 5 critères : il présente une addiction modérée.
Si l’individu présente 6 critères ou plus : il présente une addiction sévère.
La Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé (CIM-10) créée par l'Organisation Mondiale de la Santé
Les 6 critères de la dépendance de la Classification Statistique internationale des maladies de l’OMS (CIM 10) sont les suivants :
- Un désir puissant ou compulsif d’utiliser une substance psychoactive,
- Des difficultés à contrôler l’utilisation de la substance,
- Un syndrome de sevrage physiologique quand le sujet diminue ou arrête la consommation,
- La mise en évidence d’une tolérance aux effets de la substance psychoactive : le sujet a besoin d’une quantité plus importante de la substance pour obtenir l’effet désiré,
- L’abandon progressif d’autres sources de plaisir et d’intérêts au profit de l’utilisation de la substance psychoactive, et augmentation du temps passé à se procurer la substance, la consommer, ou récupérer de ses effets,
- La poursuite de la consommation de la substance malgré ces conséquences manifestement nocives.
Pour faire ce diagnostic, au moins 3 des manifestations précédentes doivent avoir été présentes en même temps, au cours d’une même année.
Comment traite-t-on l’addiction ?
Les traitements diffèrent selon l’addiction en cause, qu’elle soit liée à une substance ou à une pratique. L’addiction est une maladie multifactorielle associant troubles biologiques et psychiques. La prise en charge de l’addiction doit prendre en compte toutes ces composantes.
La thérapie et l’accompagnement psychologique sont donc à privilégier. Dans le cadre d’une addiction aux psychotiques ou au tabac, la prise en charge peut être complétée par un traitement de substitution qui permettra de pallier le manque.
La prise en charge peut se faire :
- à l’hôpital : dans des services dédiés alliant consultations spécialisées et programmes de sevrage,
- dans les réseaux villes-hôpital (réseaux de professionnels de la santé en charge de la continuité des soins),
- chez le médecin généraliste.
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