Dépendance à l’alcool : “L’arrêt de l’alcool m’a permis de refaire ma vie !”
Publié le 2 mars 2022 • Par Candice Salomé
Ledalle, membre de la communauté Carenity en France, a été dépendant à l’alcool pendant plus de 20 ans. Ce fût d’abord un alcool récréatif, social… Jusqu’à devenir une vraie addiction. Il a lutté pour s’en sortir et sait désormais qu’il ne touchera plus jamais à une goutte d’alcool. Il se livre dans son témoignage pour Carenity.
Découvrez vite son histoire !
Bonjour Ledalle, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je suis un homme de 66 ans. Je suis un passionné de pêche. Je suis fonctionnaire d’une communauté de communes, je suis marié et père de 4 enfants et grand-père de 5 petits enfants.
Vous avez été dépendant à l’alcool pendant de nombreuses années. Pourriez-vous nous dire comment la maladie a pris place dans votre vie ? A quel âge avez-vous commencé à boire et dans quel contexte ? Pendant combien de temps avez-vous bu ?
L’alcoolisme est entré dans ma vie sournoisement sans que je ne m’en rende compte et en y prenant du plaisir à chaque fois et de plus en plus souvent.
J’ai surtout commencé à boire de l’alcool à mes 21 ans, à l’âge où j’étais adulte, puisqu’à l’époque la majorité était à 21 ans.
On se prenait pour des super-héros et on aimait frimer devant les copains ! Alors, au début, c’était quand je sortais en boite. Puis, ça a été les apéros au café le soir, après le boulot, et les parties de cartes, de pétanque, avec toujours la bouteille près de nous !
Ensuite, ça a été le matin : le café cognac avant d’aller travailler pour se réchauffer.
Puis, en étant marié, il y avait toujours une excuse pour boire un coup ou inviter du monde à la maison. On passait des soirées à jouer et à boire avec des apéros à n’en plus finir…
Bref, tout tournait autour de l’alcool ! J’ai bu de mes 21 ans jusqu’à l’âge de 44 ans !
A quel moment avez-vous compris qu’il ne s’agissait pas d’alcool récréatif mais bien de dépendance ? Qu’avez-vous fait à ce moment-là ? Quel était votre état d’esprit ?
J’ai commencé à avoir des tremblements dans les mains. J’en ai parlé avec mon médecin qui m'a dit de ne plus boire mais je ne voulais pas le croire ! Je pensais pouvoir m’arrêter comme je le voulais ! Mon docteur m'a alors dit : “Si vous arrivez à ne pas boire un seul verre durant toute une semaine alors vous pourrez vous dire que vous n’êtes pas dépendant. Essayez donc et on se revoit pour en discuter !”
Je n'ai même pas pu m’en passer pendant plus de deux jours ! C’est à ce moment-là, qu’avec ma femme, on a essayé d’y arriver en achetant des boissons sans alcool. Et c’était pire, j’étais en manque mais je ne comprenais pas ! Je pensais qu’avec des remèdes, je pourrais y arriver. Je suis retourné voir mon médecin pour qu’il m’aide.
Les remèdes, ça calme les angoisses, mais le manque est plus fort ! Mes prises d’alcool étaient de plus en plus rapprochées. Je commençais à 6h du matin et je buvais jusqu’au soir. Il me fallait toujours ma petite dose pour tenir… Et, le comble était que je n’étais jamais soûl, je restais lucide mais je tremblais sans arrêt.
Néanmoins, je pleurais dans mon coin… je faisais souffrir tout le monde autour de moi, je voulais que ça s’arrête mais je n’y arrivais pas et personne ne me comprenait.
J’étais un alcoolique, voilà tout ! Et je ne voyais pas d’issue…
Quel a été votre déclic pour arrêter l’alcool ? Qu’avez-vous mis en place pour cet arrêt ? Vous êtes-vous fait aider ? A quel point l’arrêt de l’alcool a-t-il été compliqué pour vous ?
Le fait de voir ma femme pleurer… Je lui faisais peur ! Mes mains, je n’arrivais pas à les contrôler, je tremblais sans arrêt.
J’ai demandé à voir un addictologue qui m’a reçu et m’a demandé de prendre sur moi-même pour apprendre à lutter, pour être prêt à m’abstenir pendant 5 semaines.
Il m’a donné des remèdes pour m’aider et m’a demandé de noter l’heure de toutes mes envies d’alcool et le temps pendant lequel j’arrivais à résister.
A chaque désir de boire, ça été très compliqué… Il me donnait rendez-vous 1 mois plus tard avec mes écrits.
Il prenait que les plus motivés pour entrer en clinique car il n’y avait de place que pour 15 personnes chaque semaine ! Et donc, pour la réussite de l’établissement, ils ne prenaient que les plus volontaires…
Je me sentais perdu… J’ai donc demandé à mon généraliste de m’aider et de me faire hospitaliser pour un sevrage à l’hôpital de ma ville. Ça a été très dur, j’avais froid sous les couvertures, je tremblais, j’étais en manque… Ma femme pleurait de me voir ainsi, mais cela me donnait le courage d’y arriver !
Chaque jour devenait de plus en plus dur, je priais pour partir en cure et au bout de 15 jours, l’hôpital m’a libéré...Ça a été l’erreur car, à la maison, j’avais acheté du Pacifique, c’est sans alcool, pour remplacer le pastis et des sirops d’anis.
Je recherchais ce gout de pastis dans tout ! Je ne mangeais plus, je ne faisais que boire… Puis, j’ai recommencé à boire, mais en cachette, chez moi, pour ne pas inquiéter ma femme. Je buvais de l’alcool à 90° que je coupais avec un peu d’eau et du sirop de menthe. De la folie !
J’ai rappelé la clinique pour demander qu’il me fasse interner de nouveau. Je devais attendre et montrer de la volonté. Je suis donc rentré de nouveau à l’hôpital dans l’attente de pouvoir partir en cure et ça été le bon moment. Une place s’est libérée et j’y suis allé en ambulance, de l’hôpital à la clinique, je me sentais sauvé car je savais qu’on allait m’aider. Seul, j’en étais incapable !
De quelle façon l’alcool a affecté votre vie personnelle et professionnelle ? Quel était le regard de votre entourage sur votre dépendance ? Vous ont-ils soutenu lors de votre arrêt ? Était-ce ou est-ce encore un sujet tabou ?
Pour mon travail, ça ne me posait pas de problème, je tenais une pisciculture, un métier qui était une vraie passion et, tant que je travaillais, je tenais bon ! Les poissons m’obligeaient à être en forme, pour le bien de la pisciculture.
Mais, au niveau familial, j’ai vu ma femme beaucoup pleurer… C’est ça qui m’a donné la rage d’y arriver ! De plus, ma fille était âgée de 4 ans et je voyais bien quelle aussi se posait des questions. Je faisais de la peine à tout mon entourage !
Sans compter l’argent qui partait dans l’alcool !
Mais mon épouse m’a aidé à tenir. On discutait beaucoup même si elle ne pouvait rien pour moi, elle m’écoutait et avait confiance en moi ! C’est pour ça que je m’accrochais. Néanmoins, elle avait toujours peur que je n’y arrive pas.
Je n’avais pas un mauvais comportement quand je buvais, je riais, je pensais qu’à de bonnes choses…
Et oui, à cette époque, on ne parlait pas de maladie pour l’alcool. On disait : “T’es un alcoolique, un poivrot…” Les gens sont cruels quand vous buvez, ils ne cherchent pas à comprendre, on vous catalogue !
Êtes-vous toujours attiré par l’alcool ? En quoi l’arrêt de l’alcool a modifié vos rapports sociaux ? Vous autorisez-vous un verre de temps en temps ?
Non, j'ai peur de l’alcool, je repense au vécu, aux souffrances. Je surveille ce que j’achète : pâtisserie, plat cuisiné, chocolat… leur composition pour être sûr qu’ils ne contiennent pas d’alcool !
Depuis, j’ai toujours prévenu, à mon travail, dans ma famille, que je ne bois pas d’alcool et qu’il ne faut surtout pas insister !
L’odeur de l’alcool, je la sens à 20 pas ! Je fuis l’alcool, je ne le supporte plus !
Depuis, je n’ai plus peur de bouger, de voir du monde, de me retrouver en société ou à un repas de famille, même si les gens boivent un apéro ou du vin en mangeant, ça ne me dérange plus, et ça ne me donne aucune envie ! Quand je vois l’alcool, je revois les misères de ma vie et, croyez-moi, ce n’est pas à revivre !
Jamais plus je ne toucherai à un verre d’alcool et je n’en veux à personne car nul n’est égal devant l’alcool ! C’est comme ça, nous sommes tous différents face à l’alcool !
Qu’est-ce que l’arrêt de l’alcool a modifié dans votre vie ? Quels ont été vos projets une fois votre dépendance mise de côté ?
L’arrêt de l’alcool m’a permis de refaire ma vie, surtout en famille !
Nous nous promenions de nouveau, nous partions en vacances, nous étions ensemble. Nous ne passions que de bons moments ! Et j’étais heureux sans alcool.
J’ai réussi à entrer au sein de l’équipe municipal et j’ai réussi à être titulaire.
Je prends ma retraite le 1er février 2022 et je suis heureux d’avoir fait un beau parcours professionnel. Je n’en aurais pas été capable si j’avais continué à boire.
Selon vous, reste-t-on « dépendant » à vie ? Si oui, quelles sont les stratégies à mettre en place pour rester sobre ?
Un écart… et tout est perdu ! Il ne faut jamais l’oublier ! Il faut toujours se remémorer les passages difficiles avec l’alcool, le mal qu’il nous a fait, les pleurs de mon épouse…
En cas de faux pas, il faut de suite se rapprocher de la clinique pour un séjour d’une journée ou 2 afin de comprendre le pourquoi de cette grossière erreur. Il ne faut surtout pas le garder pour soi mais en parler…
Enfin, quels conseils aimeriez-vous donner aux membres également touchés par la dépendance à l’alcool ?
Les personnes qui doutent de leur dépendance à l’alcool doivent faire un simple test : essayer de passer 1 semaine sans boire une seule goutte d’alcool !
Et si jamais ce n’est pas possible, il faut se reconnaitre malade et dépendant à l’alcool pour se rapprocher d’un addictologue et se faire aider, avant que l’alcool ne vous commande !
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