Cancer de l'ovaire : quel est son impact sur l'intimité, l'identité et l'estime de soi ?
Publié le 14 avr. 2025 • Par Somya Pokharna
Saviez-vous que plus de 75 % des femmes atteintes d'un cancer de l'ovaire connaissent des changements dans leur bien-être sexuel et émotionnel, alors que beaucoup d'entre elles disent qu'elles n'y étaient pas préparées ?
Le cancer de l'ovaire ne met pas seulement le corps à l'épreuve ; il peut aussi désorienter le sens de l'identité, la confiance et les relations d'une femme avec les autres. Ces changements peuvent affecter la façon dont elles se sentent par rapport à leur corps, à leurs relations et à leur capacité à apprécier l'intimité.
Quel est donc cet aspect du cancer de l'ovaire dont on parle le moins ? Comment le traitement affecte-t-il l'image corporelle, l'intimité et la santé émotionnelle ? Existe-t-il un chemin vers la guérison, l'accompagnement et l'acceptation de soi ?
Si vous vous êtes sentie isolée dans votre expérience, vous n'êtes pas seule. Lisez ce qui suit pour trouver de l'espoir, du soutien et des conseils !

Comment le cancer de l’ovaire affecte-t-il l’image de soi ?
Des changements physiques qui bousculent l’identité
Le cancer de l’ovaire et ses traitements entraînent souvent des transformations profondes du corps. La chirurgie peut impliquer l’ablation des organes reproducteurs, provoquant une ménopause immédiate. La chimiothérapie peut entraîner une perte de cheveux, des variations de poids et une grande fatigue. Quant à la radiothérapie, elle peut causer une atrophie vaginale, des cicatrices ou encore des douleurs lors des rapports sexuels.
Certaines femmes constatent également des modifications de leur anatomie génitale, comme un raccourcissement ou un rétrécissement vaginal, rendant l’intimité plus difficile, voire douloureuse.
Ces bouleversements physiques peuvent profondément affecter la façon dont les femmes perçoivent leur apparence et leur identité, surtout lorsqu’ils surviennent de manière soudaine et inattendue.
Le poids émotionnel de « ne plus se reconnaître »
Pour beaucoup, la perte de fertilité s’apparente à une perte de possibilités, générant un deuil difficile à exprimer. Même après l’âge de procréer, ces changements peuvent susciter un sentiment d’être « moins féminine », « abîmée » ou « peu attirante ».
Dans une étude, certaines femmes ont décrit une sensation de déconnexion avec leur corps, ne sachant plus comment se percevoir, ni comment interagir avec les autres. Ce trouble intérieur peut être renforcé par les normes sociales autour de l’apparence, de l’âge et du genre, rendant le dialogue encore plus délicat.
Quel rôle joue l’intimité dans la vie après un cancer de l’ovaire ?
Il ne s’agit pas seulement de sexualité, mais de lien
Si l’intimité physique change souvent après les traitements, le besoin de connexion émotionnelle reste bien présent. De nombreuses femmes souhaitent continuer à se sentir aimées, désirées et proches de leur partenaire, même si leur corps réagit différemment.
Pour certaines, ces transformations mettent la relation à l’épreuve. Les partenaires peuvent se sentir maladroits ou hésiter à montrer leur affection, tandis que les patientes peuvent craindre de ne plus être « à la hauteur ». D’autres couples, au contraire, témoignent d’un rapprochement, grâce à des échanges plus sincères et une complicité émotionnelle renforcée.
Les difficultés fréquemment rencontrées
- Douleurs pendant les rapports (dyspareunie) : la sécheresse vaginale, l’amincissement des tissus ou des cicatrices peuvent rendre les rapports inconfortables, voire impossibles sans accompagnement.
- Baisse de la libido : la fatigue, les bouleversements hormonaux ou certains traitements comme la chimiothérapie peuvent réduire le désir sexuel.
- Peur et honte : de nombreuses femmes se sentent gênées ou craignent que leur partenaire ne les trouve plus attirantes.
- Reprendre une vie amoureuse : les rencontres après un cancer peuvent susciter des angoisses : à quel moment parler de son parcours ? Comment évoquer les changements corporels ? Le ou la partenaire comprendra-t-il/elle ?
Ces défis sont intimes, mais ils sont aussi fréquents et légitimes.
Comment faire face émotionnellement à ces transformations ?
Le poids de l’anxiété et de la dépression
Les études montrent que jusqu’à 27 % des femmes atteintes d’un cancer de l’ovaire souffrent d’anxiété persistante, et 13 % vivent avec une dépression clinique – des taux bien plus élevés que dans la population générale.
Les femmes plus jeunes, atteintes de formes avancées ou disposant de peu de soutien social sont particulièrement à risque. L’anxiété et la dépression apparaissent souvent peu après le diagnostic, mais peuvent perdurer bien au-delà des traitements.
Une identité fragilisée et un sentiment de deuil
Perdre confiance en soi ou en son corps peut générer une grande détresse émotionnelle. Beaucoup évoquent un deuil silencieux de la personne qu’elles étaient « avant le cancer ». Certaines pleurent des projets de vie interrompus : enfants, carrière, ou simplement la possibilité de vivre leur sexualité avec légèreté.
Ce deuil est souvent invisible, mais profondément réel.
Croissance personnelle et résilience
Malgré les épreuves, nombre de femmes témoignent également d’un cheminement positif. Certaines renforcent leurs relations, développent leur spiritualité ou redécouvrent le respect de leur corps et de leurs limites.
Quelles solutions et quels soutiens existent ?
Approches cliniques pour retrouver du confort
Il existe des traitements pour soulager les symptômes physiques et retrouver une forme d’aisance :
- Les lubrifiants et hydratants vaginaux, surtout à base d’eau ou de silicone, soulagent la sécheresse et l’irritation.
- Les dilatateurs vaginaux peuvent être recommandés après une chirurgie ou une radiothérapie, pour conserver la souplesse du vagin et diminuer l’inconfort.
- Des œstrogènes locaux peuvent parfois être prescrits pour améliorer la santé vaginale, selon la sensibilité hormonale et le type de cancer.
- La rééducation du plancher pelvien donne de très bons résultats en cas de douleurs, de cicatrices ou de tensions musculaires qui nuisent à la sexualité.
Certains centres proposent une prise en charge globale, alliant expertise gynécologique, accompagnement psychologique et rééducation. Cette approche holistique, centrée sur la personne, devient peu à peu la référence en matière de soins après cancer.
Des outils psychologiques pour mieux vivre l’après
Le soutien émotionnel est tout aussi essentiel. De nombreuses femmes tirent bénéfice de :
- La thérapie cognitivo-comportementale (TCC), qui aide à déconstruire les pensées anxiogènes et à mieux gérer les peurs liées à l’intimité ;
- La thérapie de l’image corporelle, pour retrouver l’estime de soi après une chirurgie ou un traumatisme ;
- La thérapie de couple, qui favorise le dialogue et la complicité dans les relations affectées par la maladie ;
- La pleine conscience, avec des exercices de respiration ou de méditation guidée, pour mieux écouter ses sensations et apaiser le mental.
Enfin, la sexothérapie peut être particulièrement libératrice. Ce type d’accompagnement offre un espace sécurisé, sans jugement, pour explorer ses peurs, reconstruire sa confiance et redécouvrir le plaisir, à son rythme.
Comment les partenaires et les soignants peuvent-ils mieux accompagner les femmes ?
Oser ouvrir la discussion
La majorité des femmes souhaitent que leur médecin aborde la question de l’intimité, mais cette discussion reste rare. Dans une étude, plus de la moitié des participantes ont affirmé qu’elles auraient rejoint un groupe de soutien ou consulté si cela leur avait été proposé dès le début du traitement.
Quand les professionnels parlent spontanément de sexualité dans le cadre des soins, cela permet de lever les tabous et de créer un espace d’écoute bienveillant.
Pour les partenaires : la présence avant la perfection
Il n’est pas nécessaire de tout savoir, mais il est essentiel d’être là, avec empathie. Quelques idées pour offrir du soutien :
- Demander comment votre proche se sent : physiquement, mais aussi émotionnellement.
- Explorer ensemble de nouvelles formes d’intimité : câlins, massages, échanges tendres.
- Valoriser : « Tu es belle », « Je te désire toujours », « On va trouver une solution ensemble ».
De petits gestes peuvent recréer de grands liens.
À retenir !
Le cancer de l’ovaire bouleverse tous les aspects de la vie d’une femme : son corps, ses émotions, ses relations. Les changements liés à l’image de soi, à la sexualité ou à l’intimité sont souvent tus, mais profondément vécus. Douleurs, gêne, perte de confiance : de nombreuses femmes traversent ces épreuves en silence.
Mais vous n’êtes ni seule, ni brisée.
Avec les bons soutiens – traitements médicaux, accompagnement psychologique, communication bienveillante – il est possible de retrouver du confort, de la proximité, et de la confiance en soi. Que vous soyez nouvellement diagnostiquée ou en rémission depuis plusieurs années, votre parcours, et votre intimité, méritent toute l’attention.
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