Délai de grâce pour un médicament aux graves effets secondaires
Publié le 17 juin 2015
A-t-on bien tiré les leçons du scandale du Mediator ? La question peut être posée à la lecture d’un avis de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) daté du 29 avril. Il demande le déremboursement des médicaments contre l’hypertension artérielle (HTA) à base d’olmésartan, en raison d’effets indésirables intestinaux graves… mais seulement dans un an. Une recommandation censée donner aux patients « le temps nécessaire aux éventuelles modifications thérapeutiques ». On peut se demander si elle ne satisfera pas davantage les industriels qui fabriquent ces molécules, les laboratoires Menarini et Daiichi Sankyo France.
La commission de la transparence est chargée d’évaluer le service médical rendu (SMR) par un médicament ayant reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) et l’amélioration du service médical rendu (ASMR) – ce qu’il apporte par rapport aux traitements existants dans les mêmes indications. Son avis est déterminant pour le remboursement d’un médicament. Concernant l’olmésartan, son jugement est sans équivoque : « Le service médical rendu (…) est insuffisant au regard des alternatives disponibles pour justifier sa prise en charge par la solidarité nationale. »
Des risques d’entéropathie
En effet, « l’efficacité de l’olmésartan a été démontrée uniquement en termes de réduction importante des chiffres tensionnels », mais non « en termes de morbi-mortalité » [état pathologique et mortalité liés à la HTA]. Or, ajoute l’avis, « chez la majorité des patients présentant une hypertension artérielle, les besoins thérapeutiques sont couverts par l’utilisation d’autres antihypertenseurs » de la famille des sartans.
A cela s’ajoute un problème majeur. « L’olmésartan peut entraîner des entéropathies [maladies de l’intestin] graves se traduisant par une diarrhée chronique sévère avec perte de poids importante pouvant entraîner une hospitalisation prolongée. » Une étude de la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés, réalisée à l’automne 2013 à la demande de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), constatait que les entéropathies n’étaient pas observées chez les consommateurs d’autres sartans.
Les premières alertes sur l’olmésartan furent données en août 2012 par une publication aux Etats-Unis des chercheurs de la Mayo Clinic qui déclencha une réaction de l’agence américaine responsable de la pharmacovigilance. Ainsi, la Food and Drug Administration émit, le 3 juillet 2013, une communication publique sur le risque d’entéropathie.
En février 2013, quatre cas graves d’entéropathie chez des utilisateurs de l’omésartan avaient été notifiés par le Centre régional de pharmacovigilance de Bordeaux. Les deux laboratoires concernés ont par ailleurs fait état de 724 cas d’entéropathie sous olmésartan dans le monde entre mai 2002 et février 2014. Le maintien sur le marché de l’olmésartan apparaît donc discutable. Un sujet que la commission d’autorisation de mise sur le marché aurait pu traiter avec plus de célérité.
La commission de la transparence recommande le déremboursement des spécialités contenant de l’olmésartan et suggère au ministère de la santé, décisionnaire en dernière instance, que cette mesure ne prenne effet que dans un an. Interrogé par Le Monde, l’un des responsables de l’évaluation des médicaments à la Haute Autorité de santé justifie ce choix dans le souci d’« organiser au mieux la prise en charge des patients en cours de traitement et d’éviter que les patients arrêtent de leur propre chef leur traitement antihypertenseur sans encadrement médical ».
Soulignant que le résumé des caractéristiques du produit de l’olmésartan a été modifié pour faire état de cet effet indésirable très rare (moins d’un cas sur 10 000 patients exposés au médicament) mais grave (pouvant nécessiter une hospitalisation) et que les professionnels de santé y ont été sensibilisés par l’ANSM à plusieurs reprises, la HAS justifie ce « temps d’adaptation ».
Effectivement, le 15 juillet 2014, l’ANSM a rendu publique une information sur « le risque d’entéropathies graves chez certains patients traités par l’olmésartan ». Parallèlement, en accord avec l’ANSM, les deux laboratoires concernés adressaient une lettre aux professionnels de santé pour rappeler le risque de survenue de cet effet indésirable. On peut dès lors s’étonner de la proposition de différer le déremboursement du produit, qui conduirait automatiquement à en faire chuter la prescription.
« La commission d’AMM de l’ANSM est empêtrée dans ses procédures, la commission de la transparence laisse à l’olmésartan un délai de grâce incompréhensible d’un an. Pourquoi ne pas demander aux patients d’aller voir leur médecin rapidement pour changer de sartan plutôt qu’attendre ? », fulmine le professeur Mathieu Molimard (université de Bordeaux), président du Collège national de pharmacologie médicale. A la ministre de la santé de trancher.
Lemonde.fr
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