Bipolarité et l'ennui

Laurence, pour rebondir à ton dernier post qui encore une fois nous (m') éclaire en toute authenticité sur tes ressentis en y joignant sans dérobade tes analyses de ta situation professionnelle, personnelle et familiale qui me semblent pertinentes pour toi pour pouvoir comprendre puis progresser au plus vite. Car nous n'avons pas le choix pour ne pas subir. La réflexion doit être omniprésente dans nos têtes. Certains posts sur le thème de l'ennui nous montrent des voies de liberté possible mais à quel prix pour d'autres. Liberté ou non d'être sevré des psychotropes ? Liberté d'avoir ou non un suivi médical de qualité ? Â chacun(e) de trouver comment lutter contre la maladie, comment l'apprivoiser aussi pour s'en accommoder au mieux sans trop de dégâts collatéraux. C'est pas facile tous les jours et souvent le doute m'accompagne au quotidien, même en faux ami quelquefois. D'où la solitude qui m'envahit par mon choix d'une mise à l'écart volontaire pour fuir l'image que je pense donner à voir face aux autres. C'est toute l'ambiguïté de nos états qui peuvent nous paralyser mentalement en fonction des phases d'évolution (down dans ce cas précis). Cela fait depuis longtemps que je ne suis plus un révolté de la société, juste maintenant un observateur éloigné et presque enfermé dans mon appartement avec principalement mon iPad comme outil de lien social. Mais il m'arrive d'avoir des soubresauts et de pouvoir m'engager dans des actions éphémères comme le projet récent de participer aux prochaines manifestations pour le retrait de la loiTravail. C'est toujours le paradoxe de ma personnalité : "être ou ne pas être" "up ou down". Plutôt "down" pour moi. Bonne journée !

PS : Laurence, l'histoire de ta plus jeune fille me fait penser de loin à mon fils aîné (30ans) qui prend des chemins de traverse et se comporte comme un adulte-adolescent installé aux USA depuis septembre 2015 dans une université américaine pour un emploi de post-doc tournant le dos à toutes les opportunités professionnelles que lui offre son diplôme d'ingénieur en génie mécanique. A sa manière, c'est un rebelle au système économique établi mêlant compétivité et productivité. Comme son père, il me semble par sés choix hors du temps mais qu'importe pour moi s'il est heureux comme cela, ce qui me semble être le cas jusqu'à maintenant dans ses échanges avec moi sur Skype ou Messenger. 

Je suis nouvelle dans le groupe.

50 ans, bipolaire depuis 20 ou 30 ans, sous traitement depuis 12 ans.

Je souffre beaucoup d'ennui mais de frustration aussi parce que j'ai envie de faire beaucoup de choses mais il me manque ce petit quelque chose qui fait passer à l'action.

je travaille à mi-temps dans un emploi et je n'arrive même pas à être assidue; je m'attends toujours à ce que chaque crise d'anxiété soit la dernière et je suis découragée par chaque crise qui surgit le matin et me terrasse, me cloue au lit devant la télé.

J'ai surmonté des problèmes de santé bien plus graves, j'ai bien failli mourir mais je me suis battue sans faiblir et j'ai gagné; mais la bi-polarité, "c'est plus fort que moi"...

A bientôt.

Je viens de parcourir vos message. je vois que je ne suis pas la seule enseignante "reclassée" pour ne pas dire "déclassée".

Je me sens déclassée par cette vilaine maladie et déclassée par les tâches sans ambition que l'on daigne parfois de me confier. 

J'enseignais le français mais je n'arrive plus à lire. J'adore discuter, échanger, partager, transmettre mais je suis engluée dans la solitude et l'inhibition.

A me relire, je ne vois ni la lumière,ni la vivacité ni l'humour que l'on m'attribue...

Bienvenue Alone et merci d'avoir oser franchir le cap de l'inhibition en rejoignant le groupe. Sur les forums nous échangeons des informations et des avis en toute authenticité et le thème de l'ennui rencontre un vrai succès car il est un état quasi incontournable des patients(es) bipolaires. Ici et maintenant, certains(es) donnent même des pistes d'actions pour s'en détourner. Chacun(e) peut comparer ces solutions rapportées par rapport à le propre cheminement de son histoire. C'est formateur en soi même si l'on est personnellement confronté à des difficultés au quotidien à cause de cette maladie invalidante. Chaque parole avec l'écriture trouve ici sa respectabilité et chaque souffrance mérite toute l'attention de chaque lecteur(trice). Ce site se veut être un lieu de tolérance et d'écoute. Bravo pour votre démarche positive et volontaire. Bon week-end. Sylvain

bienvenue @alone10 .......l'ennui en mon sens provient de la déprime, car la déprime nous fige, nous empêche de vivre donc de FAIRE donc on s'ennuie...n'étant plus dans la déprime ou autre, je ne m'ennuie pas car l'énergie de vie que j'ai aujourd'hui me permet de faire plein de choses et donc de ne pas m'ennuyer....

Bonjour Alone , traduction anglaise de Seule , aparté , les choix de nos surnoms sont souvent révélateurs des états que nous vivons , du regard que nous portons aussi sur nous-mêmes .

L'ennui, la frustration parce qu'au fond de nous nous savons que nous ne sommes pas que cette maladie , et que des ressources , nous en avons un 33 tonnes .Mais comment ouvrir le cadenas ? La dépression en est une cause bien sûr Anipeps , mais pas seulement .L'ennui nous submerge très vite quand une routine commence à s'installer : prendre toujours le même chemin pour aller au boulot ( quand on en a encore ) , aller toujours à la même boulangerie même si c'est là qu'on y trouve le meilleur pain de la ville, les rites qui s'installent inévitablement dans nos quotidiens .....Casser tout ça , avant que l'ennui ne nous submerge trop , et nous laisse l'oeil glauque devant une fenêtre à fixer un arbre toute la journée  ou devant une image de télé bavarde colorée que nous ne voyons même pas . . Alors forcément quand la phase down nous pétrifie , alors que nous étions la veille encore une vorace de lecture , un jus de la rue , l'hyperactive , l'amie la plus sociable , généreuse et pleine d'humour? Alors que de mépris pour la méduse échouée se desséchant au soleil que nous sommes devenus de nouveau , que de frustrations de ne plus pouvoir se concentrer sur une seule ligne de livre ou de magazine idiot .Je suis restée ainsi trois ans de suite dans cette phase , incapable même de prendre une douche , ou de passer un coup de balai , moi qu'on appelle Zébulon ! Après une TS" salutaire" , et un emprisonnement en HP sous contrainte , dans ma cellule seule , avec une télé qui ne marchait plus , mes compagnons reclus dormant comme des loirs , moi devenue insomniaque , attendant l'heure de mon petit hypnotique qui allait enfin me permettre de fermer les yeux et de m'absenter quelques  heures , les soirées solitaires étaient interminables .Alors une petite ligne ( de lecture hein ! ma coke à moi) puis deux , et la machinerie Lecture s'est remise en route lentement mais surement .Je dévore livres journaux pas rigolos , tout ce qui peut être imprimé , tout ce qui éveille mon cerveau affamé , tout ce qui me permet des rencontres d'univers inconnus , de gens que je ne rencontrerais pas sans ces bouquins .Enfin Alone tu sais de quoi je parle , et je sais ta frustration .Ca n'a qu'un temps qui peut être long , interminable je te l'accorde .Et si la dépression combinée aux psychotropes te ferment à toute concentration , je conseille souvent les livres audio : entendre les mots qui t'envoient en orbite pendant quelques instants , un autre monde .La magie des mots .

Mais ça revient , je te le confirme .D'expérience , j'ai vécu plusieurs périodes comme celle-là , même incapable de me concentrer sur un magazine people idiot .

Oui parlons de notre angoisse de nos crise d'anxiété .La peur de l'attaque de panique .Elle fait partie de nos réactions surprenantes , objectivement épuisantes et difficiles à "gérer" en public, dans le monde du travail , dans une salle de cinéma, dans un magasin , dans la rue ou chez soi alors qu'on caresse doucement notre chat soyeux qui ronronne gentiment .Nous les connaissons , nous savons plus ou moins les contrôler ( plus souvent moins d'ailleurs) , la tête dans un sac pour reprendre notre souffle , et se retrouver exsangue , sans force le visage brulé de larmes et de morve , échevelé , une fois l'attaque terminée .Mais nous savons qu'elles s'arrêteront elles aussi , pour nous surprendre , un jour et nous martyriser à coup de décharges électriques , du coeur qui bat si vite qu'il va s'arrêter c'est sûr , des bras et des jambes qui se jettent et frappent un agresseur invisible mais si bien connu : nous -mêmes .Alors je ne veux pas jouer mon Lucchini en citant Nieztche qui disait " homme , bourreau de lui-même" Cette phrase a un écho assourdissant chez moi .J'arrête de faire ma cultivée , ne riez pas , je ne recommencerai pas .

Du coup j'en ai oublié ce que j'avais à te dire Alone et à toi Sylvain .Ca me reviendra " j'ai la mémoire qui flanche , j'm'souviens plus très bien ...." Je chante là , je fais pas mon intello comme diraient les jeunes au collège .

Je me repose je parle trop , je rviens plus trad

Bonjour,

Je voulais vous conter mon dernier rendez vous chez mon psychiatre hier matin. Je lui ai demandé de me faire un certificat d'adressage pour un centre à côté de Paris qui est spécialisé en "bipolarité". Il a refusé catégoriquement. il m'a répondu qu'il me suivait et que je n'avais pas besoin de cela. Mon traitement médicamenteux me sédate mais ne me soulage pas mes angoisses et mes sautes d'humeurs. Je suis sous zyprexa et sous cymbalta. Après je voulais parler avec lui de ma bipolarité et là il s'est emporté et m'a dit Monsieur vous n'êtes pas bipolaire. Pourtant c'est le diagnostique qu'il a posé sur ma demande d'AAH. Décontenancé je lui demande alors que suis je ? Et là il me sort vous êtes "psychopathe et borderline". Là j'ai pris une claque. J'ai perdu 8 membres de ma famille en 5 ans de temps et j'ai décompensé 2 fois. A la mort de mon père par exemple, je suis devenu un zombie. Je n'avais plus goût à rien et j'avais plongé dans la dépression profonde. Aujourd'hui j'ai encore quelques phases basses mais j'ai surtout des phases maniaques. Après les révélations dures de mon psy j'ai décidé d'en changer. Je ne peux pas accepter ses propos blessants et contraires à mes troubles. qu'en pensez vous ? Avez vous déjà eu un psy qui vous rendre dedans et qui change son diagnostique brutalemment. Je suis perdu. La seule chose que je sais c'est que les décès dans ma famille et mes sautes d'humeurs sont pour moi des signes de bipolarité et  pas de psychopathie.

@tibanem. Quel beau texte ! Quelle justesse ! 

Merci à tous ceux qui m'ont accueillie dans le groupe. Je découvre des personnes avec qui je vais enfin pouvoir échanger, j'ai le sentiment que nous parlons la même langue, que nous partageons la même culture. 

Je suis presque rassurée de ne pas être seule.

Alone , je te relis après mon gentil délire qui m'a fait exploser les synapses dans tous les sens , et je retiens " je me sens déclassée par cette vilaine maladie ".Te viendrait-il à l'esprit quand tu rencontres un invalide "visible" , sans jambe ou en fauteuil roulant de dire qu'il est déclassé celui-là !

Je suppose que non , j'en suis certaine même .Tu souffres d'un handicap pas toujours visible physiquement et intellectuellement , tu à été déclassée parce que ce handicap t'empêche de continuer le métier que tu faisais , que tu aimais sans doute ? Dans un certain sens oui , tu as changé de classe .Qui demanderait à un unijambiste de faire une course de haies ? Qui viendrait lui reprocher de ne pas ou de NE plus pouvoir le faire parce qu'un accident , une maladie l'en empêche ?

Je sais qu'il est facile de dire serre les dents la dépression va passer ( oui je sais je suis bon prophète c'en est comique) , ta petite lumière qui ne s'est pas éteinte , elle est en mode veilleuse très basse, elle est toujours en toi .Cette vivacité et cet humour dont les autres te parles , c'est toi .Là aussi la phase down les recouvre d'un voile grisâtre opaque .Le dégoût de soi , la célèbre mésestime de soi prennent le dessus , c'est un combat de tous les jours , de toute ta vie , moins facile à faire taire cette maladie , que de combattre une maladie extrèment grave et potentiellement mortelle je te l'accorde et je suis pleins phares avec toi .L'année dernière en plein marasme down , mon artère sous clavière gauche était sténosée à 80% , je ne dois la vie qu'à un médecin énéraliste particulièrement réactif eh bien même pas peur ( mon père est cependant mort d'un AVC ) deux mois après cancer , tout petit mais quand même , opération du sein ( aïe cà fait mal ) mais même pas peur .J'avais la force de combattre et de survivre .J'ai du mal à combattre et à survivre ( encore que!) à ma maniaco dépression : il n'existe pas d'ablation du cerveau , faut subir , agir , rebondir, plonger dans les abysses , vivre  vouloir mourir et vivre quand même , mal vivre , le mal de vivre de Barbara ( Lucchini sors de ce corps !) .

Parfois j'appelle de mes voeux cette horreur qu'est la lobotomie trans-orbitaire , comme Frances Farmer (star hollywoodienne atypique des années 30-40 déclarée malade mentale , la lobotomie supposée est  contestée) ou le héros  de Vol au-dessus d'un nid de coucou , Mac Murphy , merveilleux roman de Ken Kesey .

Juste un petit robot sans émotion .Très vite quand je passe dans une autre phase , voire en pause , rarement , je remercie mes émotions qui me sont un moteur .Qui sont la vie , trop excessives pour ce qui nous concerne , trop violentes ou trop exaltées selon nos changements de phases .C'est épuisant , décourageant , toujours la même balançoire qui monte qui descend et qui nous éjecte au sol brutalement .Toutes les conséquences induites par cette maladie , professionnelle, amicales, sentimentales ou familiales , financières tout ça sont les dégâts collatéraux de ce handicap .Clopin  clopant on arrive à surmonter .

@thomas89 : Bonjour Thomas. Je peux comprendre ton désarroi à minima et même ta stupéfaction suite à ta dernière consultation chez ton psychiatre avec l'annonce de deux diagnostics en psychopathologie te concernant sans préparation psychologique préalable de sa part alors que tu étais simplement en demande d'aide pour trouver un établissement adapté à ta maladie psychique telle qu´on te l'avait décrite jusqu'alors té permettant d'obtenir l'AAH. Maintenant que cela s'est passé, il te reste à digérer cela dans les meilleures conditions qui soient. Et je pense que ton choix de changer de spécialiste est un bon choix pour reprendre ta respiration. Il y a de quoi. Voici quelques idées qui pourraient alilenter ta réflexion à partir par exemple de ma propre expérience. Retour à ma chronologie :

Septembre 1997 : décompensation psychotique suite à un choc affectif réactivant un trauma enfoui de mon enfance (pour résumer) puis hospitalisation libre pendant une semaine en CHS. Sortie à ma demande exclusive  avec orientation vers l'HDJ MGEN de Rouen. Puis suivi en ambulatoire dans cet hôpital psychiatrique spécialisé dans la personnalité état-limite (borderline). Traitement entre autres psychotropes par des neuroleptiques.(Largactil 6 mois puis Solian). Arrêt maladie en CLD avec reconnaissance CPAM avec ALD sans aucune annonce de diagnostic. Recherche bibliographique personnelle aboutissant à la certitude d'être borderline.  Rechute en novembre 1998 avec hospitalisation en HDJ en continu pendant 22 mois. Sortie définitive fin août 2000 après validation d'un projet professionnel dans le secteur privé et mise en disponibilité accordée par l'Education nationale. Enfin sevré du Solian ! Rechute en novembre 2008 avec traitement ambulatoire en psychiatrie et traitement par  anxiolytique. Reprise de l'activité professionnelle après deux semaines de congé maladie. Rechute en mars 2011 avec suivi psychiatrique ambulatoire et traitement par benzodiazépines (Xanax) jusqu'à fin 2015. Retour en consultation externe à l'HDJ MGEN à Rouen en janvier 2011 avec une première annonce de diagnostic : bipolaire avec prescription d'un thymo-régulateur (Théralite). Refus du traitement. Rechute en mars 2012 et mise en invalidité 2ème catégorie en juin 2012 avec annonce d´un diagnostic la justifiant par le médecin conseil de la COAM : personnalité paranoïaque. Récupération en juin 2012 de la copie de mon dossier de ma toute première hospitalisation en CHS de Septembre 1997 : diagnostic noté avec personnalité paranoïaque et obsessionnelle. En juin 2012 : consultation de mon dossier médical correspondant à mon long suivi psychiatrique à l'HDJ MGEN de Rouen de septembre 1997 à août 2000. Pas d'annonce supplémentaire de diagnostic dans le dossier médical.

Alors, tu peux voir Thomas que mon parcours de soins psychiatriques n'est pas un long fleuve tranquille. Et dans mon résumé, je ne précise par le nombre de psychiatre qui m'ont suivi : quatre psychiatres femmes car celui qui m'avait suivi en ville lors d'une grave crise en Septembre 1980 ne m'avait pas plu.

Alors prends ta liberté de choisir le ou la psychiatre avec lequel ou laquelle tu te sens en confiance. Pour l'établissement de soins psychiatriques, la MGEN c'est très bien. Il y a des hôpitaux MGEN en région parisienne.

Bon week-end. Sylvain