Ma bipolarité m'aide à soutenir ma fille et sa sclérose en plaques
Publié le 11 juin 2018 • Par Léa Blaszczynski
Découvrez l'histoire de @Marie-F84 bipolaire type II et en invalidité catégorie 2 depuis 2009. Marie-Françoise a trois enfants dont une fille touchée par la sclérose en plaques. Depuis 2003 et malgré des années difficiles, elle est heureuse en couple avec E. Investie dans des associations pour les patients psy comme pour ceux atteint de SEP, Marie-Françoise a été stabilisée pendant cinq ans. En rechute brutale (phase hyper maniaque) depuis juin 2018, elle a besoin du soutien de la communauté Carenity.
Mon Histoire
En souffrance in-vitro - torturée dès le berceau -, je suis née morte, cyanosée, j'avais avalé du méconium, il a fallu me ranimer. Ma mère me raconte souvent et ce, depuis toujours, la détresse dans laquelle elle a vécu cette grossesse qu'elle seule avait désirée. J'ai toujours été angoissée, anorexique, hyper timide, introvertie, mal dans ma peau, à vif, j'en voulais beaucoup à ma mère de m'avoir fait naître, je ne voulais pas vivre et songeais à la mort souvent.
Education catholique dans ma plus tendre jeunesse, j'ai beaucoup souffert de ma scolarité dans l'école la plus stricte d'Avignon, je n'avais vraiment pas besoin de plus d'autorité. J'étais une enfant battue quotidiennement et j'avais en charge mes petites sœurs que je considère comme mes premiers bébés. J'avais 9 ans lors de la naissance de ma sœur Sophie et 11 pour Marie-Anne.
Enfance et bipolarité
La maladie s'est vraiment installée en moi à l'âge de 15 ans. En effet, je me souviens d'idées véritablement saugrenues c'est le moins qu'on puisse dire, mais je ne vous les exposerai pas ici car j'en ai encore honte. A l'adolescence, j'étais animée de vengeance, de rébellion. C'était ou tout, ou rien, toujours dans les extrêmes en matière de réaction. Ou je haïssais, ou j'adorais, il n'y avait pas de juste milieu. J'étais à vif, je rêvais de fugue, mais je ne pouvais pas abandonner mes petites sœurs.
Partie à 18 ans, enceinte et mariée à 19 ans, je divorçais à 25 ans et à 33 ans d'un deuxième mariage, cette dernière relation m'a porté le coup fatal. A 39 ans, je pesais 41 kg pour 1,64m, j'étais divorcée deux fois et j'avais trois enfants de deux mariages différents.
Je pense qu'il y a indéniablement un terrain génétique (ma tante est bipolaire) mais il y a aussi le fait d'être fragilisé par une enfance dure et sans affection, avec de trop grandes responsabilités. Je faisais dépression sur dépression, et ça depuis toujours, avec des moments où j'avais des pensées de suicide ou de meurtre, ou des idées complètement délirantes. Depuis l'âge de 15 ans, je savais que quelque chose n'allait pas dans ma tête et j'étais persuadée d'avoir la même maladie que ma tante, mais chaque fois que j'en parlais à un médecin, généraliste, psychologue ou autre, on me disait que ça n'avait rien à voir, que j'étais juste névrosée, ou traumatisée par mon enfance, ou simplement en dépression. Une généraliste m'a même dit que les maniaco-dépressifs mangeaient leurs excréments donc, je ne l'étais pas !!! On m'a gavé pendant plusieurs années d'antidépresseurs divers.
Diagnostic
3 février 2000 : première tentative de suicide suite à une fugue de mes enfants.
29 mars 2000 : hospitalisation à l'hôpital psychiatrique de Montfavet et diagnostic de troubles bipolaires. J'étais soulagée, on allait pouvoir vraiment me soigner.
Premier traitement : Dépakote + Norset quand j'étais en phase dépressive et ça me convenait bien, j'avais repris un travail à temps plein, j'étais responsable de 3 journaux, j'étais très appréciée de mes supérieurs, clients et collègues.
23 juillet 2000 : Choc psychotique avec le décès de mon premier mari, j'étais effondrée.
2005 : Création des Antennes Argos 2001 Provence, responsable Antenne Argos 2001 Avignon
6 Août 2006 : Décès d'un de mes ex-compagnon qui avait beaucoup compté pour moi.
Violence : Crash au travail, arrêt maladie longue durée jusqu'en 2009. Arrêt définitif de l'Antenne Argos 2001 Avignon. J'ai fait une hypo-manie ou dépression agitée, je ne supportais plus les gens, je m'engueulais avec tout le monde, même à la maison. J'étais invivable, c'est la période noire de ma vie et celle de ma famille proche.
Fin des responsabilités : J'étais responsable de l'antenne Argos 2001 Vaucluse, j'ai démissionné et fermé l'antenne car j'étais tombée trop bas pour répondre aux appels et continuer les réunions.
Traitements : Depuis le 6 décembre 2006, nombreux thymo-régulateurs différents, mais aucun n'allait, agoraphobie, crises d'angoisse et de panique. Test de 6 thymos différents depuis décembre ! J'enchaînais les phases hypo-maniaques et dépressions majeures avec tentatives de suicide.
Ma famille
En mai 2007, il y a eu le placement de ma fille cadette en famille d'accueil, elle a pris la fuite contrairement à mes 2 aînés qui n'en ont jamais voulu car ils ne voulaient pas me faire du mal en me séparant d'eux. Elle a pris la bonne décision car au jour d'aujourd'hui, nous entretenons une relation extrêmement complice empreinte d'amour, de dialogue et de compréhension.
Avec mes deux grands, c'est un peu plus compliqué. Avec mon fils, nous avons alterné des périodes de ruptures avec d'autres très complices. En ce moment, nous nous entendons bien, il me soutient lors de mes crises et c'est la personne la plus renseignée sur la bipolarité de la famille car très jeune il a cherché des renseignements sur le mal qui me touchait.
Avec ma grande, je suis fâchée actuellement et n'ai plus le droit de voir mes petits-fils car j'ai dénoncé la maltraitance et la violence qu'ils subissent. En tant qu'enfant battue, je ne l'ai pas supporté et ai rechuté à cause de ça.
Au jour d'aujourd'hui alors que j'ai rechuté, je reçois un soutien hors du commun de la part de mes sœurs, de mon conjoint, mais surtout de mon fils et de ma fille J-M., qui se sont relayés au téléphone pour me soutenir lors de ma dernière crise pendant des heures en attendant que mon conjoint rentre du travail.
L'impact des crises sur mes proches
La violence qui s'empare de moi, comme une personnalité indépendante de moi me terrifie, surtout que pendant toutes ces années, j'ai été livrée à moi-même et mes enfants, mon conjoint, ma famille ont subi de plein fouet la maladie sans aucun soutien psychologique. J'ai beaucoup fait souffrir mon entourage, qui n'a reçu l'aide de personne et je le regrette amèrement.
Je m'en veux aussi surtout de toutes ces années où ils ont vécu des horreurs de ma part et ils en paient le prix fort aujourd'hui...
Mais il y a aussi cette nouvelle personnalité hyper organisée, hyper maniaque qui me domine en ce moment et à laquelle je ne suis pas habituée. Cela me fait peur parce que je ne sais pas la gérer, c'est une personnalité nouvelle dont j'ignore le fonctionnement. Je panique du coup car c'est un état nouveau pour moi.
Ma fille et sa sclérose en plaques
Alors qu'en janvier 2010, je m'infligeais la plus grosse tentative de suicide de ma vie, qui me plongeait dans le coma pendant cinq jours et me clouais dans un fauteuil roulant avec la couche pendant une semaine, avec de gros problèmes neurologiques comme la perte de la vue, le 13 Août 2011 ma fille avait sa première poussée.
Cela m'a complètement transformée et j'ai entamé le processus de stabilisation en menant un
combat contre cette maladie. Le soutien pour ma fille, l'information que je glane ici ou là, mon implication auprès de l'ARSEP en tant que bénévole a contribué à ma stabilisation deux ans plus tard.
Son état de santé
Depuis 2014, elle ne prend plus aucun traitement car elle a une sclérose en plaques progressive pour laquelle il n'existe à ce jour aucun traitement. Elle a adapté un mode de vie sain mais sans tomber dans l'excès et s'autorise des moments où elle se fait plaisir. Quasiment plus d'alcool et consommation à l'occasion de cannabis. Elle a subi une paralysie faciale il y a 3 ans sans séquelle à ce jour. Elle va plutôt bien, n'a quasiment plus de poussées, n'a presque pas de problèmes physiques à part des douleurs parfois, un ralentissement de la marche et une insensibilité au niveau des doigts.
Mon expérience est une aide pour soutenir ma fille
Depuis son diagnostic, je me bats à ses côtés, avec les moyens dont je dispose, c'est à dire : l'amour d'une maman surtout et aussi la curiosité de trouver des infos. Le fait d'avoir combattu toute ma vie durant la bipolarité m'a donné un courage et une force que peu de personnes ont en général.
La bipolarité est une lutte de chaque instant sur soi-même. Etant une maladie psychiatrique, elle agit sur notre comportement, nos pensées, notre attitude, notre entourage familial et professionnel. Il faut sans arrêt avoir du recul et s'analyser. Contrôler son sommeil, ses pulsions, ses pensées... Il nous faut avoir une grande maîtrise de soi. Et malgré ça, on n'est que des humains, les rechutes sont nombreuses, les heurts, les disputes, les incompréhension aussi...
Ce que je veux dire, c'est que la maladie m'a façonnée, je n'aurais jamais été la personne que je suis si je n'avais pas été malade. Lorsqu'il y a eu le diagnostic de la SEP de J-M., une fois le choc passé, je me suis mise au combat, un de plus, un qui me tient encore plus à cœur car il touche ma fille cadette, ma « petite dernière » avec qui je suis très proche. La force que j'ai en moi, le courage qui me permet de faire face à ma propre maladie, je la met entièrement à l’œuvre pour aider ma fille mais aussi d'autres Sépiens en étant bénévole ARSEP. Là je fais une pause dans mon activité bénévole puisque depuis le 7 Juin 2018 j'ai rechuté gravement.
Un message à transmettre
Ne baissez pas les bras : une faiblesse, un handicap, une grave maladie sont parfois des éléments moteurs pour avoir une force que rares sont les personnes qui ont la chance d'en bénéficier. Nous devenons par là même, uniques, forts, nous progressons, nous avançons, nous rechutons parfois, mais nous nous battons, nous devenons des Combattants de la Vie et nous vaincrons toutes ces maladies qui nous font souffrir nous et nos entourages !
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