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Syndrome d'Ehlers-Danlos vasculaire (SEDV) : le combat quotidien de Marine

Publié le 5 mars 2025 • Par Candice Salomé

Marine (dite @sedvasculaire4271 sur Instagram), 33 ans, nous livre un témoignage bouleversant sur sa vie avec le syndrome d'Ehlers-Danlos vasculaire (SEDV).

Entre les hématomes inexpliqués, les douleurs chroniques et les regards parfois insensibles des autres, elle nous raconte comment elle a appris à "ne rien lâcher pour être entendue, écoutée et soutenue".

Plongez dans son récit pour comprendre l'impact de cette maladie invisible et découvrez comment elle trouve la force de continuer à avancer, entourée de l'amour de sa famille et de ses proches.

Syndrome d'Ehlers-Danlos vasculaire (SEDV) : le combat quotidien de Marine

Pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?

Je m’appelle Marine, j’ai 33 ans et j’habite une région riche de paysages entre plaine et montagne, au cœur du Forez, dans le département de la Loire, non loin de Saint-Étienne, où se trouve notre célèbre équipe de foot, l’ASSE.

Maman d’un petit garçon qui a sauvé ma vie, car, suite à ma grossesse, on a enfin posé le diagnostic du SEDV (syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire).

Notre maison accueille une charmante toutoune, Guess, pleine de vie, ainsi qu’un petit félin tigré, Salamèche. Sans oublier que notre foyer déborde d’amour.

Les valeurs familiales et le souvenir de mes ancêtres sont primordiaux. D’origine polonaise, je suis très attachée à mes racines, ce qui m’a donné le goût de la lecture pour apprendre et comprendre leur parcours de vie, qui remonte à la Seconde Guerre mondiale. J’accorde de l’importance aussi bien au côté maternel que paternel.

Côté lecture, une belle romance est toujours la bienvenue, tout comme je peux passer des heures à faire le ménage, musique dans les oreilles, ce qui, je l’avoue, occupe une bonne partie de mes journées.

Actuellement, grâce à une personne qui m’a accordé sa confiance et n’a pas hésité à vanter ma bienveillance ainsi que mon riche parcours professionnel, j’ai repris le travail en remplacement en tant que surveillante de nuit en foyer d’hébergement ou en foyer de vie pour personnes en situation de handicap. Plus récemment, j’ai eu la chance d’intégrer une formidable équipe pour la protection de l’enfance. Cette expérience, entre nous, m’a chuchoté à l’oreille de reprendre les bancs de l’école et de passer mon diplôme d’éducatrice monitrice (ME).

Entourée d’un petit cercle d’amis, chaque moment de complicité avec eux est unique et n’a pas de prix. Leur générosité, leur gentillesse débordante et cette forme de fusion parfois inexplicable m’enveloppent de deux magnifiques ailes et me redonnent confiance en moi quand je me surprends à ne voir que du noir. Ils m’apportent cette magie qui me rappelle qu’il faut croquer la vie à pleines dents et y remettre de la couleur.

Ces personnes savent qu’elles peuvent aussi compter sur mon soutien en retour. C’est pour moi la définition même de la véritable amitié : respect, amour, bienveillance et bien d’autres valeurs encore… Mais ma plus grande passion reste de passer un maximum de temps avec mon fils et de lui faire découvrir les joies de la vie, entouré de nos animaux, sans oublier les moments partagés avec nos proches, qui sont très précieux.

Je garde une petite note pour la fin : la chance que j’ai d’avoir ma maman, qui prend le relais lorsque la maladie fait basculer ma vie du côté obscur, et un clin d’œil à ma grand-mère, qui veille sur ma toutoune dans ces moments-là. Je n’oublie pas les autres pour autant.

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Avec l’aimable autorisation de Marine

Vous êtes atteintes du syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire (SEDV) Pourriez-vous nous en parler ? Quels sont les symptômes de ce syndrome ?

Le professeur qui me suit pour cette pathologie a joliment schématisé la SEDV : « Une maison en pierre, pour qu’elle tienne, a besoin de ciment, sinon, à la moindre intempérie, tout s’effondre. Eh bien, vous, vous n’avez pas de ciment. »

C’est une maladie qui regroupe 13 sortes de sous-types d’anomalies du tissu conjonctif, la forme vasculaire étant la plus grave. La SEDV est une maladie génétique liée à une mutation du gène COL3A1. Normalement transmissible, les dernières études démontrent que non...

On ne fabrique pas de collagène, que l’on retrouve principalement au niveau des parois vasculaires, articulaires, cutanées, utérines et intestinales. Il en résulte une fragilité des tissus, dont il est le principal constituant.

Les symptômes sont variables. Pour ma part : une hyperlaxité des membres entraînant des entorses à répétition, des hématomes assez importants sans traumatisme, et une rupture artérielle rénale en 2022, qui m’a fait connaître et perdre en partie l’usage de mon rein droit, entraînant beaucoup de complications. Des lombalgies à répétition, car difficiles à soigner, et une fatigue qui englobe 96 % de la maladie.

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Avec l’aimable autorisation de Marine

Quelles ont été les premières manifestions du SEDV ? Quel âge aviez-vous ? Quand avez-vous décidé de consulter ? Quels médecins avez-vous rencontrés ?

En 2013, à la suite du décès de mon papa (choc psychologique), j’ai déclenché ce que je qualifie de « crises » : des hématomes assez importants au niveau des membres supérieurs. À ce moment-là, j’avais 21 ans et je travaillais à l’hôpital de la ville où j’habitais.

J’ai donc rapidement consulté pour faire constater ces hématomes. Seuls symptômes du moment : une fatigue inexplicable. Mais à 21 ans, vous ne pouvez pas vous plaindre de fatigue.

J’ai d’abord consulté au service des urgences qui, après une prise de sang correcte, pensait que je voulais simplement un arrêt de travail. Voyant l’ampleur des hématomes, j’ai consulté mon médecin traitant de l’époque, qui n’a pas su être à mon écoute ni voulu pousser plus loin, étant donné que les urgences avaient déjà fait une prise de sang.

À la 2ᵉ « crise », j’ai de nouveau consulté aux urgences, puis auprès de l’hématologue-cancérologue du service où je travaillais. Celui-ci m’a envoyée vers un médecin de médecine interne qui, après une nouvelle prise de sang et un Doppler, m’a adressée à un psychologue, sous prétexte, dans un premier temps, que je ne voulais pas avouer être une femme battue (j’étais célibataire et habitais encore chez ma maman). Il a donc émis l’hypothèse que je me frappais et que tout était dans ma tête.

Le psychologue a bien rigolé en me voyant arriver. Ce charlatan avait l’habitude de prescrire des séances de psy à ses patients, car pour lui, tout était psychologique : les gens ne pouvaient pas être malades.

J’ai donc, au total, rencontré une dizaine de médecins avant d’abandonner et d’accepter l’idée que je n’avais rien.

Combien de temps a-t-il fallu pour que vous soyez diagnostiquée ? Quels examens avez-vous dû passer ? Quelle est votre prise en charge actuelle ?

J’aurais mis 7 ans avant d’être diagnostiquée. En 2015, la médecine du travail a fait ouvrir un dossier avec demande d’examens plus approfondis. J’ai changé de médecin traitant, une personne avec du caractère, très à l’écoute et bienveillante, qui répond toujours présente en cas de besoin. Elle m’a fait un courrier pour consulter au CHU le plus proche de la maison.

J’ai rencontré un hématologue qui, face à la situation, m’a orientée vers un établissement spécialisé dans l’hémophilie, où j’ai rencontré un nouveau médecin. Des bilans sanguins sur les facteurs de coagulation ont montré un Willebrand (maladie hémorragique constitutionnelle). Malheureusement, nous n’avions toujours pas le fin mot de l’histoire, et le médecin m’a alors confié : « La médecine n’explique pas tout !!! ».

C’est en 2019, suite à ma grossesse, que j’ai consulté pour une visite de routine. Elle a décidé d’exploiter mon dossier en STAF (réunion avec plusieurs professionnels de santé). Mon professeur actuel a alors reconnu les symptômes décrits, et j’ai pu la rencontrer en décembre 2019, trois mois après mon accouchement, où j’ai fait une prise de sang génétique. Les résultats partaient à Paris. Réponse en septembre 2020 : « La SEDV vit dans votre corps. ».

C’est donc suite au décès brutal de mon papa que le choc psychologique a réveillé la SEDV.


Actuellement prise en charge par une femme, professeur spécialisée en médecine interne et vasculaire, avec un suivi annuel obligatoire : échographies Doppler des membres inférieurs et supérieurs, ainsi que sur chaque passage artériel (savez-vous que nous pouvions faire un infarctus du bras ? Partout où il y a la présence d’une artère…), IRM ou scanner cérébral, échographie cardiaque et bilan sanguin.

J’échange avec mon professeur tout au long de l’année par mail pour les demandes moins importantes et j’ai la chance d’avoir sa ligne personnelle en cas de problème majeur. Une personne réactive et très professionnelle, comme vous n’en trouverez jamais, avec un cursus professionnel exceptionnel.

Pourriez-vous nous décrire l’impact du SEDV sur votre quotidien ? Comment se manifeste la maladie ? Avez-vous dû modifier votre mode de vie, vos habitudes ?

En soi, quand j’ai été diagnostiquée, mentalement, j’avais juste une réponse à tant de questions, et les personnes qui n’avaient pas cru en moi ont pu rabaisser leurs tendances malveillantes.

Sur le plan professionnel, j’ai dû arrêter un poste de travail que j’occupais comme livreuse de repas, car le port de charges lourdes est interdit (je n’ai pas le droit de porter un pack de lait). J’ai aussi dû m’adapter à des traitements lourds.

Psychologiquement, ma façon de m’habiller a joué un rôle également : je ne dévoilais jamais mes hématomes aux yeux de tous, les plus durs à cacher étant ceux du visage, car les gens ont la critique facile et le regard insistant. Avec l’aide d’un entourage bienveillant, j’essaie d’accepter comment mon corps est fait et de ne pas toujours regarder si un hématome est présent pour choisir mes vêtements.

Le plus violent impact de la maladie a eu lieu en 2022. J’avais 31 ans quand j’ai fait un infarctus rénal (dissection de l’artère rénale), où j’ai approché la mort de très près. Le papa de mon fils, présent la nuit des complications, pourrait témoigner de l’horreur dans laquelle il m’a vue diminuer et partir dans une souffrance où les médecins étaient dépassés par les événements.

J’ai remonté très lentement la pente. Cet épisode de ma vie m’a énormément mis de bâtons dans les roues, autant sur le plan professionnel (j’ai été licenciée de mon poste de l’époque) que sur le plan personnel. Ma vie a pris un tournant à 360° et tout a basculé : changement de logement, pas d’efforts multiples, pas de sports à hauts risques, tout ce qui active le flux sanguin et pourrait ainsi provoquer une rupture artérielle.

Chaque chose est multipliée par deux pour moi : une hospitalisation ambulatoire se transforme en deux jours, une fracture du plateau tibial entraîne huit mois de convalescence et je n’ai pas tout récupéré, très peu de kinésithérapeutes veulent effleurer mon corps, pas d’ostéopathe (le dernier m’a réveillé une névralgie d’Arnold…).

La maladie est très variable. Elle se manifeste en général par une fatigue inexpliquée, puis par l’apparition d’hématomes sans traumatismes.

Comment adaptez-vous votre quotidien avec la maladie ?

J’adapte mon quotidien en fonction de mon état à supporter la douleur. « Un patient souffrant de douleurs chroniques peut fonctionner avec un niveau de douleur qui incapaciterait toute autre personne », citation d’un hématologue. Malgré tout, mon professeur trouve que je suis dans une sorte de déni. Je m’écoute peu et je sollicite le moins possible. J’essaie de vivre sans y penser, supportant les réflexions, pensées et regards des autres qui ne voient pas votre maladie invisible. Mais mon acharnement me joue parfois des tours et la texture de mon corps change alors vite de couleur (hématomes), voire plus grave.

Êtes-vous atteinte d’autres pathologies ? Lesquelles ?

Je suis atteinte de la maladie de Willebrand (maladie hémorragique constitutionnelle) modérée par la SEDV. C'est un ensemble de maladies qui ont comme point commun une anomalie qualitative du facteur de Willebrand. J'ai également une névralgie d'Arnold réveillée après une séance d’ostéopathie, une sciatique parfois invalidante, et une rupture d’un ligament croisé antérieur d’un genou qui handicape parfois le quotidien.

Parlez-vous facilement de la maladie ? Vous sentez vous soutenue par vos proches ? Vos rapports ont-ils changé avec vos proches ?

Je l’évoque, mais j’ai appris à ne pas en parler en profondeur. Les personnes ne comprennent pas tant qu’elles ne voient pas de leurs propres yeux. La SEDV reste un handicap invisible et les gens prennent conscience ou ont pitié seulement lorsque vous passez par la case hôpital. À partir du moment où vous êtes debout, bien en chair, les gens ne comprennent pas pourquoi vous ne travaillez pas comme tout le monde, pourquoi vous ne trouvez pas un poste adapté. Quand on veut travailler, on trouve, sûrement la fainéantise. Si tu rigoles, c’est que tu n’es pas bien malade. Si tu pleures, on te dit : « Il y a toujours pire que toi, pense à ceux qui sont dans un lit d’hôpital, alors arrête de t’apitoyer sur ton sort. ». Si tu écoutes à la lettre les médecins, tu ne ferais rien. Tu respires, tu marches, à ton âge, c’est un comble de dire que tu es toujours fatiguée. Si tu es capable de faire ça, alors tu peux bien faire ça. Avec toi, c’est toujours du négatif... et tant d’autres phrases blessantes.

La dépression fait partie intégrante de mon quotidien. Les gens notent le négatif mais ne voient pas tous les efforts fournis pour combattre quelque chose qui vit avec vous, dont vous n’avez rien demandé. J’ai 33 ans et je me sens prisonnière d’un corps qui n’est pas le mien. Donc oui, les gens vous écoutent mais ne vous comprennent pas (on est dans une société de jugement). Mais la maladie a eu un impact important sur la façon dont les personnes me considéraient. Elle a fait du tri dans mes amis, mais aussi dans mon entourage. Elle a créé des tensions électriques : pourquoi ? Et comment me faire comprendre...

J’ai la chance d’avoir ma maman qui prend le relais pour mon petit rayon de soleil. Sans lui, le combat n’aurait pas la même saveur, car oui, on ne vit pas, on combat. Mais je me sens terriblement seule et j’ai peur face à la SEDV. J’ai aussi créé une page Instagram pour ne pas laisser dans l’ombre cette maladie, pour informer, conseiller, échanger, recueillir des témoignages, mais surtout pour ne pas laisser cette maladie encore bien inconnue prendre le dessus sur nos vies. Elle s’appelle @sedvasculaire4271. Mes proches ne suivent pas forcément ma page car ils n’acceptent pas qu’on raconte sa vie pour se plaindre. Moi, je ne suis pas là pour me plaindre, mais pour raconter ce qui ne va pas dans ce corps qui ne m’appartient pas, pour témoigner et échanger avec des personnes connaissant le combat que l’on mène quand on est porteur d’un handicap invisible.

Quels sont vos projets pour l’avenir ?

Vivre, respirer, être auprès de mon petit garçon et que la vie m’épargne la cruauté de cette maladie, être heureuse avec les personnes qui me considèrent, passer des moments mes ailes grandes ouvertes, apprendre à lâcher prise, accepter et pouvoir poursuivre des rêves de voyage, de projets personnels ou sur le plan professionnel.

Qu’aimeriez-vous conseiller aux membres Carenity également touchés par une maladie chronique ?

Un jour, au détour d’une soirée, j’ai croisé le chemin d’une personne qui m’a toujours dit de ne rien lâcher pour être entendue, écoutée et soutenue. Alors, ne vous laissez pas avoir par l’aveuglement des personnes qui vous entourent (proches, famille, amis, mais aussi médecins et tout autre professionnel de santé). Écoutez-vous et ne lâchez rien. Entourez-vous des bonnes personnes qui vous considéreront, vous aideront à trouver le rose dans cette vie parfois bien noire. Même absentes, vous sentirez leur main sur votre épaule et ainsi, elles vous apaiseront moralement. Même si ce n’est pas longtemps, c’est toujours bon à prendre. Ne faites pas toujours comme moi, à trop donner, on y laisse des plumes... Croyez-moi :-)

Un dernier mot ?

« Personne n’est plus médecin que le patient lui-même ». Ne laissons pas raison à notre handicap, qu’il soit visible ou non, apprenons à tirer le négatif en positif !

Un grand merci à Marine pour son témoignage !  

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Prenez soin de vous !

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avatar Candice Salomé

Auteur : Candice Salomé, Rédactrice Santé

Créatrice de contenus chez Carenity, Candice est spécialisée dans la rédaction d’articles santé. Elle a une appétence particulière pour les domaines de la psychologie, du bien-être et du sport.

Candice est... >> En savoir plus

1 commentaire


Spondy_hsd
le 12/03/2025

Ton témoignage Marine est un rappel puissant : les maladies invisibles existent, même si elles ne se voient pas. Derrière chaque sourire, il y a parfois un combat silencieux.


Merci à toi pour ton partage inspirant !

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