Syndrome d’Ehlers-Danlos : de l’errance médicale à l’accompagnement des malades
Publié le 19 févr. 2025 • Par Candice Salomé
Ne pas être écoutée, voir ses douleurs minimisées, chercher des réponses pendant des années… Pour Mylène, atteinte du syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile, l’errance médicale a duré huit ans. Aujourd’hui, sophrologue et patiente partenaire, elle jongle entre traitements, adaptations et engagement auprès des malades chroniques.
Entre son combat personnel et son envie d’aider les autres, elle nous raconte comment elle a transformé son parcours semé d’embûches en une force pour accompagner ceux qui, comme elle, cherchent des réponses et du soutien.
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Bonjour Mylène, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je suis Mylène Boyer, j’ai 26 ans, je suis sophrologue et patiente partenaire. Je vis en couple, et avec nos 3 chats. J’aime donc les animaux évidemment (je suis végétarienne d’ailleurs), les activités manuelles et créatives telles que le tricot ou encore l’écriture et la lecture.
Avec l'aimable autorisation de Mylène
Vous êtes atteinte du syndrome d’Ehlers-Danlos. Pourriez-vous nous parler des symptômes de la maladie ? Qu’est-ce qui vous a poussée à consulter ? Combien de temps a-t-il fallu pour que le diagnostic soit posé ?
Je suis atteinte du SED de type hypermobile (celui qui est le plus fréquent mais dont les bases génétiques ne sont pas encore identifiées). Le diagnostic a été posé 8 ans après les premiers symptômes, ce qui peut sembler long, mais qui est plutôt court en réalité car cette maladie entraîne souvent une errance diagnostique très longue (en moyenne 30 ans).
Les premiers symptômes gênants ont commencé avec la puberté (ce qui arrive souvent), notamment la douleur, la fatigue et des entorses à répétition de plusieurs articulations.
L’errance a duré car je ne connaissais pas cette maladie et les professionnels que je consultais non plus, et j’avais aussi des troubles anxio-dépressifs qu’on disait facilement être les causes de tous mes symptômes. J’ai donc dû consulter des professionnels de santé plus spécialisés pour poursuivre les investigations car les symptômes ne faisaient que s’aggraver, ma douleur et la fatigue devenaient difficilement tolérables pour mon âge.
Quelle est votre prise en charge actuelle ? Quels sont vos traitements ?
Elle est pluridisciplinaire étant donné que la maladie touche tout le tissu conjonctif du corps (ligaments, tendons, peau, fascias…).
Je fais de la kinésithérapie et de la balnéothérapie toutes les semaines, de la fasciathérapie ponctuellement.
J’ai des bilans de santé réguliers car je cumule d’autres pathologies (ce qui est courant chez les patients atteints du SED). Cela m’amène à consulter régulièrement des médecins de différentes spécialités (médecine interne, endocrinologie, neurologie, médecine physique et réadaptation).
J’ai également une prise en charge psychologique, ce qui est important car avoir plusieurs maladies chroniques a forcément un impact sur la santé mentale.
J’ai des vêtements compressifs, seul traitement reconnu par la HAS à ce jour pour le SEDh. J’ai besoin de traitements médicamenteux symptomatiques, au quotidien et ponctuellement, pour gérer les douleurs notamment neuropathiques et nociceptives (antiépileptique, antalgiques de pallier 1 et 2).
J’ai ponctuellement des actes en algologie interventionnelle comme des perfusions de kétamine et de lidocaïne, des infiltrations, des injections de toxine botulique ou encore des neuromodulations par radiofréquences.
J’utilise également des techniques non médicamenteuses au quotidien comme le chaud/le froid, la sophrologie (j’ai l’avantage d’être sophrologue), les étirements ou mouvements doux et aussi me changer les idées en rigolant avec mes proches tout simplement.
Mes aides techniques et diverses orthèses/attelles m’aident beaucoup à gérer le quotidien également.
Souffrez-vous d’autres pathologies ? Quels en sont leurs symptômes ?
Oui, je souffre d’un syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) avec une résistance à l’insuline associée. Cette pathologie entraîne de nombreux troubles hormonaux et métaboliques qui ont leur lot de conséquences sur la fatigue, la douleur, la santé physique et mentale.
Je souffre également d’urticaire chronique spontané qui me déclenche des rougeurs et démangeaisons pour tout et n’importe quoi (parfum, tabac, produits cosmétiques, stress important, la chaleur ou même de l’eau), de manière aléatoire (une fois une substance va me déclencher des réactions, et une autre fois rien du tout). Ces réactions sont très fatigantes pour moi et ma peau me brûle pendant de nombreuses heures ensuite. Heureusement, j’ai pu avoir accès à un traitement par injection tous les mois (anticorps monoclonaux) qui fonctionne bien sur moi et le nombre de réactions a fortement diminué.
Je fais également de l’apnée du sommeil donc je suis appareillée, cela me permet de dormir de manière efficace car sinon je me lève encore fatiguée malgré 10h de sommeil !
J’ai également des troubles neuroatypiques qui rendent l’organisation au quotidien difficile (cela me demande bien plus d’efforts), et les interactions sociales qui font baisser très vite mon énergie ; mais l’avantage c’est que je suis experte dans mes intérêts spécifiques (notamment la santé sous tous ses aspects) !
Quel est l’impact du SED sur votre vie personnelle et professionnelle/scolaire ?
Concernant ma vie personnelle, cela demande une adaptation constante de ma compagne, qui est mon aidante au quotidien car je ne suis plus autonome à 100%. Elle m’aide, ou fait à ma place, certaines tâches, notamment ménagères, et elle m’accompagne à certains rendez-vous médicaux quand c’est trop difficile pour moi d’y aller seule.
J’ai eu la chance de pouvoir poursuivre une scolarité à peu près normale car, malgré un absentéisme important, je n’ai jamais eu de retard (merci mes neuroatypies !). C’est en fin de cursus à l’université que cela a été compliqué, j’ai eu besoin d’aménagements pour les cours et les examens. J’ai donc pu obtenir ma licence en psychologie sans encombre, et poursuivre avec mon DU en sophrologie et mon DU de patiente partenaire que je viens d’obtenir en parallèle de mon activité de sophrologue.
J’ai la chance de pouvoir exercer un peu mon métier, mais je ne le peux pas à plein temps du fait de toutes mes pathologies. C’est d’ailleurs pour cela que je le fais en visio, pour que cela me soit adapté, mais aussi que cela soit adapté à mes patients car je me suis spécialisée dans l’accompagnement des malades chroniques.
Vous êtes active sur les réseaux sociaux. Quels sujets abordez-vous ? Pourquoi avoir décidé de parler de la maladie ?
J'ai deux comptes : un qui s'appelle @mylenebyr3 et un qui s’appelle @sophrologie_fleur_du_soleil (la sophro’ des malades chro’) où je partage du contenu autour de la santé. Sur mes deux comptes, j’aborde le sujet de la santé sous tous ses aspects : en prendre soin, l’écoute de soin, des astuces pour faciliter le quotidien, etc. J’ai décidé de partager ces informations car les patients manquent cruellement d’information et d’accompagnement dans leur parcours de soin.
Quel(s) message(s) désirez-vous faire passer à vos abonnés ?
Écoutez vous, faites vous confiance et demandez de l’aide quand vous en ressentez le besoin. En appliquant tout cela vous vous libérerez d’une énorme charge, qui vous bloque pour avancer.
Vous êtes patiente partenaire référente au sein de l’association Draw Your Fight. Pourriez-vous nous parler de l’association et votre rôle en son sein ?
C’est une association créée par Camille, une jeune médecin elle-même malade. Elle a pour but de rendre visible les maladies invisibles, d’informer et de communiquer autour de celles-ci, via différents supports : dessins, affiches, ateliers, conférences, colloques... J’ai différents rôles au sein de l’association, notamment celui de patiente partenaire référence SED, mais aussi sophrologue pour les ateliers en visio. Je participe aussi à la relecture et la création des fiches de l’annuaire maladies rares que Camille a créé.
>> Découvrir Draw Your Fight <<
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Ils sont nombreux, mais je dois faire une chose à la fois pour me ménager, j’ai donc fait le choix de d’abord me focaliser sur l’écriture de mon livre. L’idée m’est venue au cours de mon DU de patiente partenaire, et j’ai fait mon mémoire à ce sujet. Vous faites partie des premiers à en être informés 🤫. Mon livre sera un véritable guide du parcours de malade chronique, qui abordera tous les sujets qui y sont associés, comme l’organisation du système de soin en France, les droits des malades, les démarches administratives, la gestion de la douleur et de la fatigue, etc…
Qu’aimeriez-vous conseiller aux membres Carenity également touchés par une maladie chronique et/ou rare ?
Votre santé est précieuse, elle doit être votre priorité de manière précoce pour que vous puissiez conserver la meilleure autonomie et qualité de vie.
Un dernier mot ?
Merci à vous de m’avoir permis de témoigner, merci aux autres malades qui l’ont déjà fait et merci aux lecteurs 🙏
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