Spondylarthrite : douleurs, automédication et biothérapie
Publié le 18 févr. 2020 • Par Louise Bollecker
Imputées à son activité professionnelle fatigante, les douleurs articulaires d’Yvan, également atteint de psoriasis, ont mis des années à être reconnues comme les symptômes d’une spondylarthrite ankylosante. Il nous raconte son expérience, des premiers signes au diagnostic, mais aussi les traitements qui lui ont été prescrits, d’abord sans effet, jusqu’à la biothérapie.
Bonjour et merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?
Bonjour, je m'appelle Yvan, 45 ans et je réside en Charente Maritime. Après une enfance difficile, abandon et placement à l'assistance publique, je me suis reconstruit et fait une carrière dans l'hôtellerie et la restauration. Aujourd'hui, j'ai donné un tournant à ma vie professionnelle et créé une société d'aide au numérique pour les personnes en difficulté. En parallèle je suis écrivain public, j'écris des mémoires, entre autres choses, pour les personnes qui veulent laisser un témoignage à leurs proches.
Quels ont été vos premiers symptômes et quand se sont-ils déclarés ?
C'est vers ma 24ème année que les premiers symptômes se sont déclarés se traduisant par des douleurs nocturnes dans le bas du dos et haut des cuisses. C'est douleurs apparaissaient après seulement 3 ou 4 heures de sommeil. J'ai d'abord mis cela sur le compte de la fatigue, je travaillais beaucoup, pas forcément dans de bonnes postures... Puis je me suis dit qu'il faudrait que je change de matelas. Rien n'y faisait et les douleurs ne faisaient que s'accentuer et les raideurs matinales devenaient problématiques pour mon métier. A noter que j'ai toujours eu du psoriasis depuis mes 4 ans, âge de mon placement.
À qui vous êtes-vous adressé ? Avez-vous connu un faux diagnostic ?
Je suis d'abord allé voir mon médecin traitant qui m'a prescrit des anti-inflammatoires, mettant ces douleurs sur le compte d'un début de sciatique. Comme toujours rien n'y faisait, je suis retourné le voir, après quelques examens, il m'annonça que je ne présentais rien d'anormal et qu'il faudrait peut-être que je lève le pied au travail. Puis, il a m'a dit que ces douleurs n'étaient présentes que dans ma tête selon lui.
Bref, après plus d'une année à souffrir et à dormir insuffisamment, j'ai changé de médecin et le nouveau m'a directement conseillé d'aller voir un rhumatologue. Le premier rhumatologue que j'ai rencontré a donné pour cause de ces douleurs les mauvaises postures que je prenais et les piétinements que j'effectuais la journée en tant que restaurateur et il m'a prescrit des décontractants.
Les traitements jusqu'au diagnostic se sont donc limités à la prescription d'antidouleurs, anti inflammatoires et décontractants avec des effets très limités voire inexistants.
Vous avez eu recours à l’automédication, pouvez-vous nous en dire plus ?
Devant ces douleurs qui devenaient de plus en plus fortes et récurrentes et l'incapacité de la médecine à me traiter, j'avais trouvé refuge dans la codéïne, seul médicament qui me permettait de dormir une heure ou deux de plus et diminuait légèrement mes raideurs au réveil. J'ai commencé par un comprimé, puis le corps s'habituait et à la fin, je prenais le tube entier chaque nuit, que de plus j'accompagnais d'alcool, ce qui provoquait un état second me permettant de dormir artificiellement....
Comment s’est finalement déroulé votre diagnostic ?
C'est en parlant avec un proche qui m'a recommandé son rhumatologue. Je suis allé le voir, ne m'attendant à aucun miracle. Pour la première fois, il a vraiment pris du temps pour moi en m'auscultant assez longuement. A la fin de la consultation, il m'a prescrit une prise de sang, sans me donner de traitement et m'a dit de faire l'analyse rapidement et revenir le voir.
Après confirmation de la présence du HLA B27, le diagnostic de la SPA est tombé. Il m'a prescrit des séances de mésothérapie que je pratiquais d'abord tous les 15 jours, puis toutes les semaines mais les effets sont restés très limités et les douleurs toujours présentes.
Quel était votre état de santé au moment du diagnostic ?
Au moment du diagnostic, j'étais toujours fatigué à cause du manque de sommeil qu'engendraient les douleurs nocturnes, je passais par des crises de plus en plus récurrentes qui touchaient les talons, les chevilles, les genoux. J'ai eu une grosse crise sur le sternum qui m'a valu une hospitalisation. Le psoriasis redoublait également, j'avais les jambes couvertes, les coudes, mains et cuir chevelu.
Je me cachais parfois pour pleurer devant les douleurs articulaires qui m'empêchaient de marcher quelquefois, je me suis vu aller travailler en béquille (je vivais sur mon lieu de travail).
Et de plus, je faisais une hépatite médicamenteuse...
Quand est-ce que le traitement a fini par être efficace ? Comment allez-vous aujourd’hui ?
C'est lorsque j'ai changé de vie et déménagé en Charente Maritime que j'ai également changé de rhumatologue. ET le médecin que j'ai trouvé en arrivant, après avoir entendu mon parcours, m'a tout de suite proposé de passer par un protocole de soins et m'a proposé la biothérapie.
Après analyse en protocole, il a décidé de commencer par essayer un traitement par Humira 40mg.
J'ai eu une chance incroyable car en l'espace de trois mois, le psoriasis avait complètement disparu, et les douleurs se sont envolées. Je suis resté sceptique sur la durée des effets me disant que ce n'était que temporaire, mais aujourd'hui, je dois bien avouer qu'après 6 ans de ce traitement mon état s'est nettement améliorer et je vis presque normalement, avec pour seule contrainte une injection bihebdomadaire et quelques douleurs qui reviennent sporadiquement. J'ai repris une vie et j'ai réappris à dormir sereinement. Quel plaisir de se réveiller détendu.
Quelles relations entretenez-vous avec les professionnels de santé ?
Je suis toujours très méfiant sur les diagnostic que l'on peut me poser pour les autres "bobos" de la vie. Par contre je suis toujours en très bonne relation avec le rhumatologue qui m'a prescrit la biothérapie, le seul qui a entendu ma douleur.
Aujourd'hui, je trouve opaque les réponses que l'on nous apporte sur les conséquences à long terme de la biothérapie.
Comment, avec le recul, aurait-on pu améliorer le diagnostic de votre maladie ?
Je pense que les médecins traitants, premières personnes vers qui l'on se tourne, devraient être plus sensibilisés à ces maladies auto-immunes et plus à l'écoute des patients avant de mettre cela sur des certitudes qu'ils ont acquises. Etant donné que je faisais une hépatite médicamenteuse, les médecins pensaient tout de suite que j'étais alcoolique et restaient sur cette position, ce qui entravait la découverte du réel problème.
Quels conseils donneriez-vous pour nos lecteurs en cours de diagnostic d’une SPA ?
Le conseil que je donnerais est de ne pas rester sur un seul avis. Allez voir plusieurs médecins, et si les solutions présentées ne fonctionnent pas, ne pas attendre des mois avant d'aller en voir d'autres. On tombe forcément sur le bon un jour, celui qui vous écoute et vous soigne.
Cela éviterait à bien des personnes de souffrir pendant de nombreuses années, cela aura duré plus de 15 ans pour moi.
Le mot de la fin ?
Ces souffrances toutes ces années laissent des traces sur nos corps mais surtout sur nos esprits, et nous sommes souvent seuls face à cela, nos proches ne comprennent pas toujours, puisque les douleurs sont invisibles et on se renferme sur soi.
Pour moi, j'ai trouvé un exutoire en écrivant un livre sur mon parcours, cela m'a permis d'expliquer avec des mots à mes proches ce qu'ont vraiment été mes douleurs, et cette renaissance après traitement. Il est très important de se livrer.
18 commentaires
Vous aimerez aussi
Spondylarthrite ankylosante : “Au quotidien, il faut apprendre à être raisonnables dans nos mouvements.”
3 juil. 2024 • 6 commentaires
Spondylarthrite ankylosante : “La maladie nous permet de révéler des aptitudes insoupçonnées."
20 déc. 2023 • 7 commentaires
Spondylarthrite ankylosante : “Communiquer sur les handicaps invisibles me semble essentiel !”
30 mars 2022 • 12 commentaires