Spondylarthrite ankylosante : “Il faut trouver ce qui participe à notre bien-être mental et corporel.”
Publié le 9 août 2023 • Par Candice Salomé
Princesse au doigt saucisse, en rappel aux symptômes qui apparaissent lors de ses poussées, est atteinte de spondylarthrite ankylosante. Après sa première poussée de SPA, elle a décidé de changer complétement de voie et se dirige désormais vers une nouvelle carrière.
Elle partage son quotidien sur Instagram au travers de ses aquarelles et dédramatise la maladie, apportant conseils et soutien à sa communauté. Elle se livre dans son témoignage pour Carenity.
Découvrez vite son histoire !
Bonjour, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
J’ai 32 ans et je vis en région parisienne. J’ai exercé pendant 5 ans en tant qu’ingénieur cheffe de produit jusqu’à ma première poussée (un orteil « en saucisse ») qui s’est soldée par une rupture conventionnelle.
Depuis, virage à 180°, je me reconvertie pour devenir bibliothécaire. D’ailleurs j’ai trouvé un poste et je démarre en septembre !
En quelle année avez-vous reçu le diagnostic de la spondylarthrite ankylosante ? Qu’est-ce qui vous a poussé à consulter ? Quels étaient vos premiers symptômes ?
Une semaine avant de passer les concours de bibliothécaire, j’ai eu une deuxième poussée : plusieurs orteils « en saucisse », genou gonflé, dos bloqué ainsi qu’une fatigue très intense… J’ai passé les concours dans un état compliqué (surtout que la salle d’examen était au 3ème étage sans ascenseur !) puis j’ai consulté une rhumatologue. Le diagnostic a été confirmé rapidement.
Combien de temps a-t-il fallu pour poser le diagnostic ? Combien de médecins avez-vous rencontré ? Quels examens avez-vous dû passer ?
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai souvent eu des épisodes douloureux (mal de dos, tendinites, sciatiques…), je les mettais sur le compte de ma scoliose ou d’une fragilité musculaire. La spondylarthrite ankylosante (SPA) est une maladie difficile à diagnostiquer car beaucoup de personnes se plaignent de mal de dos et, au stade précoce de la maladie, les examens radiographiques ne montrent aucun signe.
Il y a 1 an, j’ai consulté un médecin du sport, il a été le premier à émettre l’hypothèse d’une SPA. Il m’a fait faire une IRM des sacro-iliaques qui n’a rien montré (à part de l’arthrose). Par la suite, j’ai démissionné de mon travail, ça allait mieux alors j’ai fait l’autruche...
Puis, il y a cette nouvelle poussée qui est arrivée. Les gonflements sont visibles mais sur la prise de sang, les IRM et les radios tout est normal ! Seul le gène HLAB27 est positif (c’est un gène susceptible de déclencher une SPA) et les échographies montrent des inflammations.
Qu’avez-vous ressenti à l’annonce de ce diagnostic ? Connaissiez-vous la spondylarthrite ankylosante avant cela ?
Ma première réaction a été purement et simplement le déni. Je me suis dit que ce n’était pas possible que je sois malade. Que mon état physique était uniquement lié à la situation compliquée avec mon manager. Que tous mes soucis s’en iraient si je changeais de travail.
Lorsque la rhumatologue m’a annoncé que le HLA B27 était positif et donc que pour elle c’était quasiment sûr que j’avais une SPA ou un rhumatisme psoriasique, j’étais désemparée. D’autant qu’elle me l’a annoncé par e-mail.
Quel est l’impact de la maladie sur votre vie professionnelle et privée ?
Côté vie pro : cette maladie a été le déclencheur de la perte de mon travail. J’ai continué à travailler en étant en télétravail sur demande médicale. Mon poste s’y prêtait plutôt bien et les confinements étant passés par là, on avait tous les outils pour le faire. Mais mon manager était quelqu’un d’assez toxique et m’a posé un ultimatum « lundi, tu es au bureau ou alors on trouve une solution ». La solution a été la rupture conventionnelle.
Il faut voir le bon côté des choses, je rebondis vers une autre voie que je n’aurais pas osé prendre en temps normal. J’adore lire et j’ai envie de promouvoir la lecture et d’organiser des animations autour de la culture. J’ai aussi l’impression que la fonction publique est plus tolérante vis-à-vis du handicap.
Côté vie perso : le plus dur est de ne pas avoir le mode d’emploi de ce nouveau corps qui ne fonctionne plus comme avant. Cela demande pas mal d’adaptation. Il faut accepter le fauteuil roulant, anticiper ses déplacements, réduire ses activités... Il y a eu pas mal de moments difficiles mais, maintenant, j’essaye de m’habituer à cette nouvelle vie qui est plus lente.
Avant je faisais 200% d’activités et aujourd’hui je suis tombée à 20%, voire moins certains jours. Il faut l’accepter, profiter et chérir le peu d’activités que l’on peut faire.
Vos rapports avec votre entourage ont-ils changé depuis l’annonce du diagnostic ? Parlez-vous facilement de la maladie ? La comprennent-ils ? Vous sentez-vous entourée ?
J’ai été très attristée des réactions de certaines personnes qui comptaient pour moi, que ce soit dans la sphère familiale ou amicale. Certaines paroles ont été blessantes, même si les personnes ne s’en sont pas forcément rendues compte, je pense. J’ai décidé de fuir les personnes qui me rendent malheureuse. La maladie nous recentre sur ce qui est important pour nous. On a peu d’énergie, alors autant l’utiliser pour des personnes qui en vaillent la peine !
Vous êtes active sur Instagram. Pourquoi avoir décidé de parler de la maladie sur Internet ? Quels thèmes abordez-vous ?
Je n’ai pas trouvé le soutien que j’attendais auprès du corps médical. Pour moi, Internet et les réseaux sociaux ont été salutaires ! J’ai pu faire des recherches (même s’il faut bien trier les infos !), j’ai contacté une association de patients qui m’a beaucoup aidée… Et, enfin, j’ai lancé mon compte Instagram.
L’élément déclencheur a été le cadeau d’anniversaire que m’a offert mon conjoint : un cahier, un pinceau et des encres aquarelles. Je n’avais pas dessiné depuis très longtemps et la dernière fois que j’avais tenu un pinceau ça devait être en maternelle !
Je poste désormais mes créations sur Instagram. C’est clairement une psychothérapie pour moi, cela m’aide beaucoup d’échanger avec d’autres personnes, de partager mes ras-le-bol, mes joies ou juste mes impressions sur la maladie et sur mon quotidien.
Quel était votre constat avant de parler de la maladie sur Internet ? Manquait-il des informations essentielles à destination des patients ?
Il me manquait énormément d’informations mais, surtout, des éléments pratico-pratiques. Un exemple tout bête : comment se déplacer si on ne peut pas marcher ? J’ai appris tardivement qu’on pouvait demander une ordonnance à son médecin pour louer des fauteuils roulants en pharmacie. Il existe également une assistance accessibilité pour les déplacements dans la gare ou à l’aéroport. Il y a aussi toutes les démarches vis-à-vis de l’employabilité. Il faudra que je fasse un post là-dessus, cela pourra peut-être aider d’autres personnes.
Quels sont les retours des personnes qui vous suivent ? Selon vous et votre communauté, qu’est-ce qui est le plus difficile dans la gestion au quotidien de la spondylarthrite ankylosante ?
J’ai une communauté vraiment très bienveillante et très touchante. J’échange avec des personnes qui n’ont pas forcément une SPA mais qui vivent des choses similaires. Le plus dur, je dirais, c’est d’être incompris. « La pire souffrance est dans la solitude qui l’accompagne », je trouve que cette citation d’André Malraux est bien représentative de ce que l’on peut vivre. On est seul dans notre corps, seul à ressentir nos douleurs qui sont la plupart du temps invisibles. Et pour quelqu’un de bien portant c’est compliqué à concevoir.
On peut essayer de faire des parallèles avec des choses qu’ils peuvent connaître comme par exemple : « La fatigue que je ressens c’est comme une grosse grippe ».
Où en êtes-vous à l’heure actuelle ? Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Actuellement, je souffre toujours des douleurs de ma seconde poussée, je suis sous anti-inflammatoires depuis plus de 6 mois et j’ai démarré une biothérapie dernièrement. J’espère retrouver ma mobilité et être moins fatiguée car, à la rentrée, je démarre un temps plein en bibliothèque…
Enfin, quels conseils aimeriez-vous donner aux membres Carenity également atteints de spondylarthrite ankylosante ?
De garder de l’espoir, la recherche médicale s’intéresse à notre maladie et il y a de nombreux nouveaux médicaments qui sortent sur le marché. On trouvera bien celui qui est efficace pour nous !
Mais il faut garder en tête que la médecine ne fait pas tout, il faut également trouver ce qui peut participer à notre bien-être mental et corporel.
Un dernier mot ?
Vous êtes avant tout des belles personnes, la maladie ne changera pas ça, elle ne vous définit pas. Ne doutez pas de votre valeur et de votre importance !
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