SAIM : “Le secret réside en la capacité à se connaître et à adapter son quotidien.”
Publié le 14 août 2024 • Par Candice Salomé
Céline, dite @journal_dune_spondy sur Instagram, est atteinte de plusieurs pathologies auto-immunes chroniques (spondylarthrite ankylosante, lupus, maladie de Crohn...). Est appelé syndrome auto-immun multiple (SAIM), le fait qu’une même personne soit atteinte d’au moins 3 maladies auto-immunes.
Après avoir difficilement fait le deuil de sa vie passée, au moment du diagnostic de la spondylarthrite ankylosante, d’autres pathologies lui sont diagnostiquées.
Céline est résiliente et a décidé d’accepter la maladie et d’adapter au mieux son quotidien, pour elle, mais aussi pour son fils de 16 ans atteint du trouble du spectre autistique.
Elle parle de sa réalité, prodigue des conseils, et partage tout cela avec humour à sa communauté, sur son compte Instagram.
Découvrez vite son histoire !
Bonjour Céline, vous aviez @journal_dune_spondy sur les réseaux sociaux. J’ai 42 ans, maman solo d’un super ado de bientôt 16 ans, atteint de TSA et multiDYS. Nous vivons à La Rochelle, à deux pas de l’océan.
J’ai travaillé pendant 15 ans dans différentes structures médicales (AP-HP, centre de rééducation, maison de retraite, service protégé…). Mais après plusieurs années de bons et loyaux services, j’ai été licenciée pour inaptitude professionnelle, le monde s’écroula pour moi… Des années d’errance médicale à devoir se justifier et à devoir prouver mes souffrances.
Sur les réseaux sociaux et sur Internet, à l’époque, j'ai trouvé beaucoup de forums de discussions entre malades, mais je me rendais compte que rien n’était encadré. Les conseils que se donnaient les malades entre eux étaient faux, très approximatifs voire totalement dangereux.
Je décide alors de créer “Journal d’une Spondy” en 2014, avec le soutien de médecins et autres professionnels de santé, au cas où j’ai des questions plus techniques, qui dépasseraient mes compétences professionnelles. Ce compte a pour but de partager MON quotidien et mon parcours de personne malade venant de découvrir qu’elle est atteinte de spondylarthrite ankylosante, sans cacher les réalités. J’ai pris le parti de ne montrer que le vrai de ma maladie et de sensibiliser un maximum les malades, mais aussi les aidants et l’entourage.
Les années passent et mon compte Instagram évolue, car j'ai appris que d’autres maladies viennent s’ajouter à celle que je n’avais pas encore fini d’accepter. Journal d’une Spondy devient alors un compte axé sur les maladies chroniques et le handicap invisible tout en gardant son nom d’origine, malgré tout.
Vous êtes atteintes de plusieurs pathologiques chroniques auto-immunes, pourriez-vous nous dire lesquelles ?
Je suis atteinte de spondylarthrite ankylosante, de la maladie de Crohn, d’un psoriasis, d’un lupus et de SAPL (syndrome des anti-phospholipides) ainsi que de fibromyalgie, en petit bonus.
Voici mes dates de diagnostics :
- 1995 : psoriasis,
- 2013/2014 : spondylarthrite ankylosante,
- 2021 : à la suite d'une embolie pulmonaire, on me fait de gros examens et on me découvre un lupus, un SAPL et une anomalie génétique - le facteur V Leiden,
- 2022 : fibromyalgie.
Quel est votre suivi pour ces pathologies ? Est-ce compliqué de gérer les différents professionnels de santé rencontrés ainsi que les nombreux rendez-vous médicaux ? Communiquent-ils entre eux ?
J’ai plusieurs professionnels de santé qui me suivent et à chaque fois que j’en vois un, le compte rendu est envoyé à tous les autres.
Si jamais il y a un souci, ils organisent une réunion tous ensemble. En sachant que tous ne sont pas sur mon lieu de résidence. Il y a un professeur au CHU de Tours et un autre pour le lupus à Strasbourg, par exemple.
Leurs avis sont nécessaires lors de certaines décisions, notamment sur les traitements, car parfois les choix sont extrêmement compliqués au vu des maladies et problèmes de santé que j’ai.
Mais il est vrai que, parfois, c’est moi qui dois faire l’intermédiaire entre eux…
Quel est l’impact de la maladie sur votre vie professionnelle et privée ? Sur votre quotidien de maman ?
Au moment où mon état de santé commence à se dégrader, j’apprends que mon fils est TSA (trouble du spectre autistique), c’était il y a 4 ans.
À ce moment-là, je continuais à travailler à un rythme très compliqué, car j'enchainais les astreintes de nuit et le travail de jour, je travaillais 1 weekend sur 2 et je faisais des semaines de 60h… Avec mon médecin, on a pensé à un burn-out au début…Jusqu’au jour où je n’ai plus réussi à me mettre debout avec des talons en feu et énormes…
J’ai été en arrêt de travail pendant plus de 2 ans et demi car on ne trouvait pas ce que j'avais… Puis, les médecins ont trouvé après plus de 3 ans et demi.
La maladie m’a beaucoup pris…Premièrement, mon emploi en 2014 ! J’étais en CDI avec un logement de fonction, mon employeur n’a pas souhaité me mettre sur un poste plus adapté. J’ai fini par recevoir un courrier me demandant de libérer mon logement de fonction, on m’a laissé 1 mois pour partir.
Puis, la même année, je me sépare du père de mon fils avec qui nous étions ensemble depuis le lycée.
Je me retrouve alors maman solo, handicapée, avec un loulou lui aussi handicapé…Il a fallu apprendre à gérer mes rendez-vous médicaux, les siens et tout ça sans permis de conduire, ni famille, ni amis qui puissent m’aider…
J’ai essayé de me mettre à mon compte en tant qu'illustratrice, puis le lupus est arrivé et a atteint mes mains… J’ai cessé de dessiner pendant plus de 2 ans…
Je suis en train de passer mon permis de conduire et j’espère vraiment l’obtenir mais tout est plus compliqué quand on cumule autant de difficultés au quotidien, cela prend une énergie monstrueuse.
Et je souhaiterais retrouver un emploi adapté, mais ce n’est pas facile.
Est appelé syndrome auto-immun multiple (SAIM), la présence chez une même personne d'au moins 3 maladies auto-immunes. Pensez-vous qu’il existe un lien entre ces différentes pathologies ?
Oui, l’inflammation chez moi est un énorme problème. Cela dit, un énorme choc, un traumatisme, peut réveiller chez certaines personnes de telles maladies. Je suis la seule de ma famille dans ce cas-là.
Que faites-vous au quotidien pour mieux vivre avec ces pathologies chroniques ? Avez-vous mis en place de nouvelles habitudes de vie ? Une alimentation particulière ? Des traitements complémentaires ?
Déjà, il a fallu passer par les différentes étapes de l’acceptation, comme pour le deuil pour ma spondylarthrite ankylosante. Le souci, c’est que je n’avais pas encore fini le processus quand j’ai appris les suivantes donc ça a été extrêmement compliqué mentalement. J’ai pris le parti de vivre en parfaite résilience avec moi-même en me disant, au début : « Ok je n’ai pas demandé à subir tout ça, qu’ai-je fait pour mériter tout cet acharnement médical ?! ». Mais c’était clairement de la pure colère… Il fallait que cela sorte, il ne faut pas le garder en soi !
On pleure beaucoup au début en cachette puis on sèche ses larmes et on se dit « Ok, je suis comme ça, c’est ainsi, maintenant va falloir cohabiter ensemble les copines ! ».
J’ai appris à écouter mon corps, à me connaître vraiment, j'ai la capacité de savoir ce qui est bon ou pas pour moi et, surtout, je sais que si je dépasse mes limites, je vais le payer très cher derrière !
Le secret réside vraiment en la capacité à se connaître et à adapter les activités, les sorties, en fonction de notre état à l’instant T. Malheureusement, on vit au jour le jour, je ne pourrais pas prédire comment je serai demain matin et encore moins le soir même.
Je fais juste attention à certains aliments qui peuvent modifier mes paramètres sanguins, et donc avoir une incidence sur mes soucis au niveau des traitements anticoagulants, qui doivent être très strictes pour ma part.
Grâce au Centre Anti-Douleur (CAD), j’ai découvert l’hypnose et la stimulation du nerf vague. Je pratique aussi la méditation, car j’ai développé depuis 2 ans une anxiété chronique. Sinon, je fais de la kiné et je vais à la piscine.
Prochainement, je vais faire une cure en hospitalisation de jour, qui va regrouper mes différentes pathologies inflammatoires.
Selon vous, manque-t-il actuellement de ressources et informations concernant les patients qui, comme vous, souffrent de SAIM ? Quels conseils pourriez-vous dispenser à ces personnes pour s’informer au mieux ?
Il n’y a pas suffisamment de sensibilisation à ce sujet. Je parle avec beaucoup de malades qui se remettent difficilement d’un premier diagnostic quand un second survient et, psychologiquement, c’est très difficile et personne ne nous parle de ce terme…en tout cas je n’en avais jamais entendu parler jusqu’à aujourd'hui.
Je pense qu'il faut vraiment établir une relation de communication et de confiance avec son/ses spécialistes, médecins et partager ensemble. Et lorsque l’on est malade, il ne faut pas hésiter à poser des questions aux professionnels. Certains patients n'osent pas car ils ne se sentent pas écoutés et compris par leurs médecins. Dans ces cas-là, je conseillerais de prendre un deuxième avis, voire de changer de médecins, car nos maladies sont incurables et à vie donc la relation doit vraiment être sereine pour pouvoir bien avancer et être apaisé lors des rendez-vous médicaux.
Un dernier mot ?
Je pense qu’on ne parle pas suffisamment du SAIM (syndrome auto-immun multiple). Moi-même, je ne connaissais pas ce terme jusqu’à cette interview. Je vais donc essayer de sensibiliser plus dorénavant sur ce sujet. Nous sommes beaucoup à en être atteints et, souvent, nous ne comprenons pas pourquoi nous cumulons tant de pathologies.
Je pense que les professionnels de santé devraient aussi en parler à leurs patients. Et qu’en tant que malade, si on s'inquiète ou si des questions se présentent, il faut en parler à son médecin en premier lieu.
Soyez forts, nous sommes des warriors !
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