Trouble bipolaire et dépression à peine sortie de l'adolescence
Publié le 2 janv. 2018 • Par Léa Blaszczynski
Découvrez le parcours de Camille, étudiante de 21 ans en faculté de chimie dans la région Lilloise. Camille, qui souffre de dépression et de trouble bipolaire depuis 2013, souhaite sensibiliser davantage le public à ses pathologies, notamment les jeunes.
Comment avez-vous été diagnostiqué et par quel professionnel de santé ?
J'ai été diagnostiquée vers l'âge de 15 ans, après de nombreux rendez-vous avec un psychologue puis un psychiatre.
Quels ont été vos symptômes ? Vos phases ?
Les premiers symptômes que j'ai eu à l'âge de mes 15 ans étaient particuliers, je pouvais passer par de gros changement d'humeur, je pouvais très bien rire et quelques heures après, pleurer ou me mettre en colère, mais tout été amplifié. Je n'avais pas de traitement au début, alors on me laissait avec ces humeurs changeante.
Par la suite, ça c'est aggravé, je pouvais faire de gros projets complètement délirants. Je travaillais des nuits entières sans m'arrêter, je ne dormais, ni ne m'alimentais pas. Souvent, au bout de deux semaines, je finissais à l'hôpital car mon corps était à bout. Puis venait la phase où je me trouvais nulle, stupide, je pleurais, je n'allais plus en cours, je broyais du noir des journées entières avec des idées suicidaires.
Maintenant avec les régulateurs d'humeur, les troubles bipolaires sont gérés, mais la dépression est encore bien présente.
De quelle façon la bipolarité a-t-elle impacté votre adolescence ?
La bipolarité a impacté mon adolescence sur le plan émotionnel et physique. L'adolescence est une période compliqué mais avec une pathologie en plus, c'était réellement catastrophique.
En effet, pendant les phases maniaques, je courais tout le temps partout. En classe, impossible de me concentrer, rester assise. A cette période, je me sentais intouchable, immortelle, je me mettais en danger en consommant de la drogue, en buvant beaucoup d'alcool.
J'avais la réputation d'être une fille toxicomane, à problème. J'ai grandi dans une petite ville et comme dans chaque petites villes tout à tendance à se savoir. J'en souffrais beaucoup car ce n'était pas moi cette fille aux allures délurées.
Comment cela affecte-t-il vos relations avec vos proches ?
Mes parents étant divorcés, je vivais avec mon père et ma belle-mère. A l'adolescence, ils mettaient tout sur le dos de la fameuse crise, même si le psychiatre leur répétait que c'était bien plus que ça. Il y a quelques temps, j'ai fait trois tentatives de suicide avec un séjour en hôpital psychiatre et une mise sous tutelle. Ma belle-mère a refusé de venir me voir à l'hôpital, elle pense à une comédie. Et mon père est dans l'incompréhension, il m'en veut de ces actes et refuse de me soutenir.
J'ai raté ma première année de licence à cause de la dépression. Mon père était très en colère, il disait que c'était pour me rendre "intéressante", que je n'avais rien, que les médecins disaient n'importe quoi, que j'étais juste faible et que je risquais de rater ma vie si je continuais à faire mon égoiste. Je n'ai jamais ressenti de la compassion, ou même de la tristesse à mon égard de leur part même après mes trois tentatives.
Quel professionnel de santé vous suit ? Et quel est la qualité de ce suivi ?
Je suis suivi actuellement par un psychiatre et un psychologue à la fréquence d'une séance par semaine ou toutes les deux semaines pour les deux. J'ai souvent détesté aller chez le psychiatre, je le voyais comme un dealer qui me vendait sa came d'antidépresseurs. Il me promettait une guérison avec le Prozac, surnommé la pilule du bonheur, qui n'était qu'une illusion d'ailleurs.
J'ai changé de psychiatre et après, tout a été différent. Les séances, je les gère avec ce dont j'ai envie de parler ou non. J'ai le droit de refuser de parler, de m'en aller au bout de dix minutes si je le souhaite. Je me sens aller de l'avant. Je me sens comprise et plus prise pour seulement un patient à qui on doit vendre des médicaments. La psychologue travaille sur les peurs que je peux avoir - comment réagir en cas de situation stressante. C'est vraiment une aide importante car ça permet d'un côté d'être écouté, et de l'autre de travailler sur moi pour avancer.
Quels sont les manifestations les plus difficiles à gérer ?
Il est difficile de gérer ma vie d'étudiante. Je suis en DUT, mes absences sont donc notées, malheureusement, souffrant de phobie scolaire, il m'est parfois impossible d'aller en cours. Et les professeurs ne sont pas compréhensifs, ils pensent tout de suite à de la comédie car lorsqu'on se présente en cours et qu'on fait une journée normale, ils ne comprennent pas pourquoi un jour j'y arrive et l'autre pas.
Les traitements sont aussi très lourds, je suis souvent dans un état second, je suis longue pour réfléchir, j'ai du mal à me concentrer. Je suis constamment obliger de me justifier de ces états et absences à des personnes qui ne veulent pas comprendre. Car, pour eux, si je ne passe pas mon temps à pleurer, je ne peux pas être dépressive. C'est lourd à porter, le regard des personnes est très dur.
Les terreurs nocturnes, les pleurs qui ne s'arrêtent pas, l'anorexie ce sont des facteurs qui font que c'est compliqué même au niveau social.
Avez-vous un message à transmettre aux personnes dans la même situation que vous ?
A 21 ans, cet l'âge où l'on entend dire que ce sont nos plus belles années et que rien n'est important, on peut souffrir de dépression. On peut souffrir du mal de vivre, on peut avoir envie de tout plaquer et de dire stop.
Il faut se faire entourer - même si dans mon cas, ma famille ne me soutient pas -, j'ai les spécialistes qui sont la, quelques amis à qui je peux me confier. J'ai mon copain qui reste à mes côtés malgré toutes ces idées noirs et ces moments difficiles. C'est dur, c'est même horrible mais on peut surmonter tout ça. J'aimerais que les jeunes qui vivent la même chose, ne lâchent pas. Qu'ils se battent et qu'ils sachent qu'ils ne sont pas seuls, que la vie mérite d'être vécue même si on pense le contraire quand on est en crise de larmes.
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