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Bipolarité et bonheur ne sont pas incompatibles

Publié le 16 nov. 2016 • Par Léa Blaszczynski

Découvrez dans cet article le témoignage d'Hélène, membre Carenity qui a publié un livre sur sa vie avec le trouble bipolaire.

Bipolarité et bonheur ne sont pas incompatibles

1 - Bonjour Hélène. Pourriez-vous vous présenter ? 
J’ai 46 ans. Je vis aujourd’hui à Toulouse, entre ville et campagne. Après des études de lettres, j’ai contracté le virus de l’édition. Éditrice depuis maintenant plus de 20 ans, je me suis spécialisée dans le documentaire jeunesse. Pour la rêveuse infatigable que je suis, se promener à cheval ou dans les méandres des mots, c’est poser un autre regard sur le monde, une découverte de soi et d’autrui, une manière de réinventer la vie. Une vie que la bipolarité que je subis depuis mon adolescence n’a pas ternie.

bipolarite

2 - Quelle est votre histoire personnelle et en particulier votre relation avec la bipolarité ? 
J’ai toujours connu ma mère malade, atteinte d’une psychose maniaco-dépressive, comme on disait à l’époque. Très jeune déjà, je me suis efforcée de mieux connaître cette maladie afin d’accompagner au mieux ma mère. Elle était gravement atteinte et passait régulièrement plusieurs mois en hôpital psychiatrique. Après une première dépression à l’âge de treize ans, qui m’a value un séjour de 6 semaines en hôpital psychiatrique, j’ai commencé à vivre avec la hantise d’être bipolaire moi-même, jusqu’à être diagnostiquée plus de 15 ans plus tard. J’ai d’abord refusé le diagnostic puis j’ai compris que la seule manière de vivre normalement avec cette maladie était de l’accepter et de se soigner très sérieusement.

3 - Comment avez-vous réagi lorsque le médecin a posé le diagnostic de votre pathologie ? Quels conseils donneriez-vous à une personne qui vient d’être diagnostiquée bipolaire ? 
Jusqu’à l’âge de trente ans, je n’avais fait que des épisodes dépressifs. Malgré mes antécédents, aucun psychiatre n’a voulu jusque-là conclure à de la bipolarité. Puis vint le premier accès euphorique. Lorsque le médecin que je voyais pour la première fois, m’a décrétée bipolaire, j’ai refusé en bloc. Je me suis sortie de cette crise sans lui. Puis il m’a fait lire la remarquable autobiographie de Kay Redfield Jamison, une psychiatre américaine, éminente spécialiste de la bipolarité, et je me suis rendue à l’évidence. Je ne pouvais pas continuer à vivre dans le déni.

Les conseils à donner ? Accepter sa maladie et l’assumer pleinement. Apprendre à la connaître le mieux possible et à se connaître soi-même, cerner ses failles et ses limites, les respecter, déterminer quels sont les facteurs déclencheurs, prendre un traitement et le suivre scrupuleusement, avoir une hygiène de vie stricte, se faire suivre par un psychiatre de confiance et mener une psychothérapie, en parler avec ses proches et leur demander – même si c’est souvent compliqué – qu’ils nous incitent à consulter s’ils sentent arriver une nouvelle crise, lutter, en permanence, ne jamais se décourager, se réconforter de chaque petite victoire sur la maladie.

4 - Dans quelles mesures les crises impactent-elles votre quotidien ? (vie personnelle, vie professionnelle…)
La dépression vous met hors circuit : incapacité à travailler, désintérêt profond, renoncement à ses activités habituelles, grande fatigue, insomnies. On ne fait plus face à ses obligations, y compris les plus simples.

Quant aux phases d’exaltations, elles vous déconnectent peu à peu de la réalité. Vous érigez votre propre système de valeurs, perdez le sens de ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas, vous établissez vos propres règles, vous perdez la notion du temps, vous prenez des décisions sur des coups de tête, vous devenez exubérant, vous avez des difficultés à vous concentrer, vous êtes particulièrement irritable… Difficile dans cet état de mener une vie normale et impossible, au bout d’un moment, de continuer à travailler.

On imagine bien, les impacts que peuvent avoir de tels comportements.

En ce qui concerne la vie professionnelle, la bipolarité est aussi un frein à l’évolution car les employeurs ne sont pas prêts à confier de trop lourdes responsabilités, et encore moins le management d’une équipe, à une personne susceptible de faire une crise du jour au lendemain, de désorganiser son service et de s’absenter longuement. Difficile aussi d’exercer en freelance…

5 - Votre traitement vous aide t-il à espacer les crises ou à mieux les gérer ? 
Le traitement est indispensable. Il existe plusieurs molécules qui traitent ce trouble efficacement. En ce qui me concerne, je suis sous lithium, à relativement faible dose. Un traitement à vie, probablement. Il arrive qu’un patient traité ne fasse plus jamais de crise, mais c’est rare et malheureusement pas mon cas. En revanche, le traitement permet d’espacer les crises et d’en réduire l’intensité, c’est déjà précieux. Le traitement sera d’autant plus efficace qu’il sera accompagné d’une psychothérapie ou de séances de psychoéducation. Bien se connaître et repérer les symptômes d’une nouvelle crise permet d’enrayer la crise à son commencement, le plus tôt est le mieux. À chaque crise, j’ai progressé et, lors de la dernière, il y a un peu plus d’un an, j’ai réussi pour la première fois à en sortir sans arrêt de travail. Habituellement, j’étais arrêtée plusieurs mois. Ce fut un vrai combat, une période très éprouvante, mais j’y suis parvenue. C’est très encourageant. Je redoute moins le prochain épisode.

5 - Vous avez publié un ouvrage (Je suis bipolaire mais le bonheur ne me fait pas peur, paru le 12 février 2015 aux Éditions Hugo Doc), que racontez-vous dans ce livre ?
Ce livre, qui se lit comme un roman, raconte mon expérience de la bipolarité, d’abord en tant que fille de malade puis comme malade moi-même, de mon enfance à aujourd’hui. C’est un témoignage, écrit sans pathos, qui donne des éclairages sur la maladie, permet de mieux la connaître, de mieux la comprendre et qui retrace un parcours, certes semé d’embûches, mais tout au long duquel je me suis toujours relevée. C’est un récit positif qui délivre un message d’espoir et qui devrait, je l’espère, aider les malades et leur entourage. Comme l’annonce le titre, on peut être bipolaire et vivre heureux, bipolarité et bonheur ne sont pas incompatibles.

6 - Qu’est-ce qu’une personne atteinte de trouble bipolaire ou un de ses proches peut trouver dans votre témoignage ? 
Selon son niveau de connaissance de la pathologie et le chemin qu’elle à parcouru, elle y trouvera une expérience similaire à ce qu’elle a vécu, à partager, des informations sur la maladie, des pistes de réflexion, des exemples de solutions pour lutter, des encouragements, l’énergie de ne pas baisser les bras, l’envie de se battre, l’espoir nécessaire pour le faire. La preuve aussi qu’elle n’est pas seule confrontée aux affres de cette maladie, que d’autres vivent pareilles épreuves. Et s’en sortent. Elle sera peut-être aussi confortée dans l’idée qu’il faut absolument briser le tabou, pouvoir parler librement et sans honte de son trouble (ou de celui d’un proche) et qu’en parler fait du bien, œuvre à l’accepter et aide à avancer.

7 - L’écriture de ce livre vous a-t-elle permis d’accepter plus facilement votre maladie et de mieux vivre avec ? 
Énormément. Depuis la parution du livre, je ne me sens plus la même. Il a levé une chape, m’a libérée, je me sens beaucoup plus sereine. J’ai réalisé, après sa parution, que la publication de ce livre avait été la dernière étape vers la pleine acceptation de la maladie. Avant la publication, je ne l’acceptais pas encore totalement. Je dis volontairement « publication » et pas « écriture ». L’écriture est un exutoire. Écrire est déjà un acte libératoire et m’a fait un bien immense. Construire ce récit m’a aussi obligée à réfléchir sur ma vie et mes traumatismes d’une autre manière, très approfondie, d’établir certaines connexions, de donner sens à certains épisodes. En trois mois, j’ai remonté et tissé à nouveau tout le fil de ma vie. Une épreuve qui bouleverse et déstabilise mais dont on ressort grandi et plus fort. 

Au-delà de l’écriture, il y a le fait d’offrir ce livre à des lecteurs, de mettre mon histoire sur la place publique, de révéler que je suis bipolaire. Cet aspect est fondamental et c’est pourquoi – après mûre réflexion – j’ai tenu à ne pas garder l’anonymat et à publier en mon nom propre. Le jour où mon livre s’est retrouvé en librairie, j’ai réalisé combien je me sentais légère d’avoir brisé le secret.

8 - Vous êtes membre Carenity depuis maintenant quelques semaines. Qu’est-ce que notre plateforme vous apporte ? La conseilleriez-vous à une personne atteinte de trouble bipolaire ? 
Je pense qu’il est précieux pour tout patient, quelle que soit sa pathologie, de pouvoir s’informer et d’échanger sur sa maladie. Les groupes de paroles, sous toutes leurs formes, sont utiles pour cela et apportent un soutien réconfortant. Carenity remplit parfaitement ce rôle. Certainement, je conseille à tout bipolaire de s’inscrire à votre plateforme. 

9 – Que peut-on vous souhaiter ?  
De ne plus jamais faire de crises ! Et, sinon, de continuer à en réduire la fréquence et l’intensité. Que mon livre rencontre de nombreux lecteurs, qu’ils prennent plaisir à le lire et en tirent quelque chose. D’écrire d’autres livres. De continuer à vivre sereine avec la part de bonheur à laquelle chacun a droit.

Le bonheur est une île jonchée de promesses, que l’on n’atteint pas toujours sans naufrage. Mais qu’une vague positive vous y dépose et la vie, enchanteresse, s’émerveille.

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avatar Léa Blaszczynski

Auteur : Léa Blaszczynski, Rédactrice santé, experte en communication

Chez Carenity depuis 2013, la rédaction d’articles santé n’a plus de secrets pour Léa. Elle a une appétence particulière pour les domaines de la psychologie, de la nutrition et de l’activité physique.

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33 commentaires


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Utilisateur désinscrit
le 30/12/2017

Bonjour Helène

Je n'ai pas encore lu votre livre car je viens d'en prendre connaissance alors que j'ai à peu près tout lu sur cette maladie.

Bien sûr qu'on peut vivre heureux avec cette maladie. Je crois même que l'on a quelque chose de plus d'après ma  psychiatre. Peut-être cette énergie démentielle qui peut se transformer en crise maniaque si elle est mal canalisée.

Le plus important c'est de connaître et d'accepter sa maladie comme toute autre forme de maladie. Il me semble important aussi de mettre des mots pour soulager les maux à travail un travail personnel. Certes le traitement médicamenteux est important mais cela ne suffit pas pour vivre en paix avec soi même.

Repérer aussi très vite tous les signes d'une rechute et avoir une bonne hygiène de vie (sommeil repas et mouvement).

J'ai écrit beaucoup de poèmes sur cette maladie et comme je fais du théâtre en amateur confirmé j'ai égalemnt joué mon propre rôle dans une lecture théâtrale et je l'ai toujours joué entre 2015 et 2017 même si parfois c'était très dur.

Je crois que cela m'a beaucoup aidé car j'ai été confronté à être complètement moi même quelque soit mon état.

je vais acheter votre livre et le lire avec beaucoup d'attention et vous tiendrait au courant.

Je vous souhaite une très belle année.

Maryse


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Utilisateur désinscrit
le 05/01/2018

merci Hélène pour ce très beau message que je trouve à mon arrivée sur le site de Carenity. J'ai hâte de vous lire ....

Excellente et heureuse année 2018.

Balinat


Reinhold
le 16/01/2018

Votre témoignage m'a bien impressionné parce que  ma femme a aussi écrit un livre et elle dit aussi qu'il est le plus important qu'on accepte sa maladie et elle dit aussi qu'elle vit une vie heureuse malgré sa maladie même si sa maladie est une maladie difficile à gérer.

Ma femme Rosemarie a publié un livre en 2011 avec une deuxième edition en 2014 chez l’édition Neufeld Verlag avec le titre: “Es war, als würde ich fallen. Leben mit einer psychischen Erkrankung.“ (Traduction: Il était comme si je tombais. La vie avec une maladie psychique.) Elle raconte en 92 pages comment elle a expérimenté des psychoses à l’age de 17 et dévait passer 4 mois à la pychiatrie fermée. Elle est née en 1955 à Weinheim en Allemagne près de Heidelberg et ses séjours aux psychiatries commencaient en 1972 et décrit les traitements humiliants en ces années soixantes-dix. Elle ne pouvait pas retourner au lycée pour continuer ses études pour avoir son bac et commencer des études universitaires parce qu’ elle était de si faible constitution physique et psychique. Elle ne pouvait ni se concentrer ni lire. Elle arrivait peu à peu à faire une école de correspondante bilinque et travaillait à quatre postes différents. Mais les phases de la manie et des psychoses revenaient et des séjours à la psychiatrie aussi. Elle a la diagnose de troubles bipolaires. Elle explique dans son livre que l’acceptation de sa maladie lui donnait une meilleure force pour lutter contre la maladie. Finalement son psychiatre lui proposait lithium comme medicament et sa vie se stabilisait à l’age de 34 ans et à l’age de 36 elle prenait le courage de chercher un mari par une annonce. Cela aboutissait à un mariage dans l’année suivante avec un veuf avec ses deux garcons de 9 et 10 ans, un grand défi pour elle avec son histoire. Elle décrit comme sa ferme foi chrétienne l’aidait à vivre la vie en couple et comme mère remplacante pour les garcons de son mari. À la fin elle donne des conseils aux personnes avec maladies psychiques.

Ma femme écrivait son livre pour encourager des malades psychiques et ses proches d’accepter la maladie et briser le tabou social  et chercher l’aide competent des médecins spécialisés. Par son livre, deux interviews à la radio et à la television et des conferences qu’elle tient, elle recoit beaucoup de réponses reconnaissantes et très positives.

Nous avons trouvé une personne pour traduire le texte en Francais mais nous cherchons d’abord une édition pour la publication. Parce que notre éditeur, Monsieur David Neufeld, a publié des livres de et sur Jean Vanier et l’Arche, un homme d’une très profonde foi chrétienne, nous avons cherché l’édition qui publie ces livres en langue francaise. Mais nos courriels n’étaient pas repondus. Pourrions-nous vous envoyer le livre de ma femme pour que vous puissiez l’examiner, le faire lire par une personne intéressée, qui lit l’Allemand, et décider si vous pourriez nous aider à trouver un éditeur pour publier sa traduction?

Excusez le manque de cédilles qui n’existent pas sur mon clavier allemand.

Meilleures salutations

Reinhold Dingeldey


Joannic
le 25/01/2018

Bravo ! J'en retiens "J’ai d’abord refusé le diagnostic puis j’ai compris que la seule manière de vivre normalement avec cette maladie était de l’accepter et de se soigner très sérieusement."

Vous avez tout compris.


tatawyn
le 29/01/2018

Tous ces témoignages m'ont beaucoup émue. Je m'y suis retrouvée complètement, surtout dans celui d'Hélène. Ma mère avait aussi été diagnostiquée "psychose maniaco dépressive". A l'époque, elle avait quatre enfants et le psychiatre lui avait dit que pour oublier cette maladie, elle devait avoir un cinquième enfant. Je me considère un peu comme son médicament mais celui-ci n'a pas fait l'effet escompté. je n'ai pas guéri ma mère et les gènes étaient là. Je suis bipolaire, comme on dit maintenant. Elle a eu du lithium  mais ne l'a supporté. Elle a subi de nombreux électro-chocs.....

Tous ces témoignages m'encourage. Mon traitement consiste en dépakote, atarax, norset, cymbalta et imovane. Malheureusement j'ai une autre maladie invalidante et je suis maintenant en fauteuil roulant depuis deux ans. Heureusement mon appartement se situe devant lamer un parc dunaire. La nature me comble. Il suffit de la regarder pour m'apaiser.

Merci à vous tous. Carénity m'est d'un grand secours. Encore merci

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