Myocardite et arrêts cardiaques : un nouveau cœur en deux jours
Publié le 23 janv. 2018 • Par Léa Blaszczynski
Découvrez le parcours incroyable de Joannic, transplanté du coeur après la découverte d'une maladie rare : la Myocardite à cellules géantes suite à plusieurs arrêts cardiaques.
Bonjour, pouvez-vous présenter en quelques mots ?
Je suis un homme de 44 ans, marié depuis vingt ans, père de deux enfants, et résidant en Bourgogne. Directeur d'association dans le secteur médico-social et culturel, en milieu semi-rural, j'ai toujours été passionné par ce métier qui demande un dévouement quasiment sans limites.
Avec mon épouse, nous avons vécu de grandes aventures, accompli et réussi des épreuves importantes avec notamment l'adoption de nos deux enfants, à chaque fois dans des pays difficiles où régnait guerre civile ou tensions diplomatiques.
Nous vivons plutôt sainement, avec une alimentation variée et équilibrée, un peu d'activités sportives, sans excès ni risques inconsidérés.
Pouvez-vous revenir sur votre parcours de santé ?
Une nuit, mon cœur s'est arrêté pendant mon sommeil, sans aucune douleur. Ma femme, a senti que quelque chose se passait. Elle a tout de suite procédé à un massage cardiaque et m'a réanimé (je précise qu'elle n'est pas du milieu médical). Elle a immédiatement appelé les secours et a dû me réanimer une deuxième fois avant leur arrivée.
Ensuite, beaucoup d’événements se sont enchaînés dès mon admission à l'hôpital de ma ville : plusieurs arrêts du cœur consécutifs, pose d'un pacemaker et quinze jours plus tard, œdème aux poumons. J'ai été transferé en extrême urgence dans un hôpital en région parisienne puis au pôle cardiologie de l'hôpital Pitié Salpêtrière à Paris.
Après plusieurs semaines en survie grâce à une assistance circulatoire (non mobile), plusieurs opérations puis la pose d'une assistance circulatoire d'oxygénation extracorporelle (ECMO), les médecins ont enfin réussi à découvrir ce que j'avais : une Myocardite à Cellules Géantes. Maladie auto-immune très rare, dont le seul espoir de guérison étant l'immunodépression et la transplantation cardiaque. Dans ma famille, il n'y avait aucun antécédent et je n'avais eu aucun signe avant-coureur.
Comment avez-vous vécu l'annonce de votre greffe ?
L'enchaînement des événements entre l'hôpital de ma ville et la Pitié Salpêtrière s'est fait à la fois très vite, mais également très lentement. En tout cas, pour moi, car j'étais très faible, alité et ma vie ne tenait qu'à un fil ou plutôt à une prise électrique. Lorsque le cardiologue est venu nous annoncer qu'il fallait me greffer rapidement, ma femme et moi-même avons pris cela comme une délivrance, une porte de sortie de l'enfer dans lequel je me trouvais. Tout en précisant que rien n'était fait tant que le greffon n'était pas trouvé et la transplantation effectuée, les médecins m'ont informé que j'étais inscrit sur la liste de super-urgence, en position n°1. Ils ont ensuite dit à ma femme que s'il n'y avait pas de greffon avant la fin du week-end, il y avait peu de chance que je survive.
J'ai été inscrit sur la liste un jeudi soir. Dans la nuit du vendredi au samedi suivant, j'étais greffé. Soit à peine une trentaine d'heures après. L'attente a été là aussi à la fois longue et rapide. Je sais que je suis un miraculé, un rescapé.
Quel impact la greffe a-t-il eu sur votre vie ?
Cette "aventure", cette épreuve, ce "marathon" comme me l'a souvent dit un aide-soignant quand j'étais en réanimation, a changé considérablement ma façon de vivre, et bien entendu, celle de mes proches également.
D'un point de vue alimentation, même si nous mangions sainement, il y a des aliments que je ne peux plus manger, ou que je dois cuire différemment, et un certain nombre de choses auxquelles je dois faire attention. Toute ma famille s'est donc mis à mon régime pauvre en sel, en graisses, et contrôlé en sucres.
Ensuite, notre rythme a changé, même si souvent le quotidien veut reprendre le dessus. Nous relativisons davantage, nous prenons plus de distance avec les tracas matériels, nous nous protégeons et nous essayons de profiter des moments ou nous sommes ensemble.
Cette épreuve a rapproché un certain nombre de personnes autour de nous et en a éloigné d'autres. Et ce n'est pas forcément ceux à qui l'ont pense qui se situent dans la bonne direction. On peut être étonné !
La greffe m'a montré, et nous a montré, à ma femme, mes enfants combien il était important de profiter de ses proches, de prendre soin de soi, de son corps et de profiter de la vie. Elle peut être très courte. Depuis ma greffe, nous voyons les choses différemment et nous nous adaptons à mon rythme et à mes possibilités.
Y'a-t-il des choses que vous ne pouvez plus faire et que vous regrettez aujourd'hui ?
Aujourd'hui, je suis un peu diminué par rapport à ce que je faisais avant. Le traitement médical à certains effets secondaires qui jouent sur le moral ou sur le physique.
Les cardiologues qui me suivent m'ont prévenu et m'ont dit : "Attention, pas de stress et prenez soin de vous, de votre coeur." Aujourd'hui je n'exerce plus le métier que je faisais, je le regrette et en suis également soulagé car c'était une activité très prenante, stressante, envahissante. Au quotidien, je fais attention à beaucoup de choses et ce n'est pas compatible avec le métier que j'exerçais. Au delà de mon activité professionnelle, je me dois, et par respect pour le donneur de ce greffon et sa famille, prendre soin de moi, et éviter au maximum les risques. Je me protège pour bricoler ou jardiner, pour me promener, dans les lieux que je fréquente, que ce soit les endroits fermés ou ouverts, également l'hiver ou l'été.
Comment gérez-vous les risques liés au soleil et au cancer de la peau ?
A propos des risques liés au soleil, il est vrai que ce n'est pas toujours facile de se protéger, surtout les premières années. Il faut adopter les bons réflexes, ceux que nous devrions tous avoir en l’occurrence.
Depuis la greffe, je suis suivi par un dermatologue et observé par l’œil attentionné de me femme. Quand je sors, je me protège avec un chapeau et généralement, je porte des vêtements à manches longues. J'applique systématiquement une crème solaire indice 50+ prescrite par mon dermatologue. Je marche le plus possible à l'ombre et si je me baigne, ce n'est jamais en plein soleil, exceptionnellement, cela peut être en fin de journée quand le soleil est moins fort.
Quel est votre état d'esprit aujourd'hui ?
Je suis serein par rapport à mon travail. Je me sens encore fragile et parfois comme un funambule qui veut avancer mais doit maintenir son équilibre pour ne pas chuter. Même si mon rythme n'est plus celui qu'il était, je me dynamise et positive le plus possible. J'ai la chance d'être très bien entouré par mes proches. Je me sers de la méditation, de séances de relaxation et de lectures.
Quels sont vos projets à court et long terme ?
Qu'ils soient à court, moyen ou long terme, je veux les partager avec ma femme et mes enfants. Si je peux aujourd'hui faire des projets, c'est grâce à eux, et également au donneur, sa famille et le personnel de l'Hôpital Pitié Salpêtrière.
Parmi ceux déjà programmés, des vacances, des voyages, et des travaux pour notre maison. Plus personnellement, je veux retrouver la forme que j'avais avant ma greffe et ainsi être plus résistant à l'effort voire même me surpasser.
Quel message souhaitez-vous transmettre aux proches de personnes greffées ou transplantées ?
Leur présence est indispensable. Que ce soit dans l'attente d'une greffe ou après l'opération, les patients ne doivent pas être seuls. Se sentir entouré, accompagné, soutenu et aidé est ce qu'il y a de plus important. Ce combat ne peut se faire seul. Certes, ce n'est pas facile pour les proches de personnes greffés ou en attente de l'être. Il ont la lourde tâche de supporter les sautes d'humeur, les moments de faiblesse.
Subir une transplantation est souvent perçu comme une seconde naissance avec ses joies et ses difficultés.
Il faut qu'ils aient en confiance envers les médecins. La recherche médicale a fait d'énormes progrès et il y a de grandes compétences dans notre système de santé.
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