Dépression : “Je dois travailler sur mes traumatismes et les dépasser.”
Publié le 24 nov. 2021 • Par Candice Salomé
Zeph525, maman d’une fille de 13 ans, est touchée par la dépression. Après des années à consulter de nombreux spécialistes sans avoir de réel diagnostic, elle a décidé de ne plus chercher une étiquette qui pourrait la définir. Elle est désormais à la recherche de professionnels de santé lui correspondant davantage. Elle se livre dans son témoignage pour Carenity.
Découvrez vite son histoire !
Bonjour Zeph525, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je suis la cadette d'une famille de 4 filles. Ma mère est française d'origine aisée, mon père est belge d'origine modeste.
J'ai eu des convulsions assez impressionnantes lors de ma première année de vie, qui ont mené à une hospitalisation et à la prise de Phénobarbital à faible dose durant 3 ans. Ma mère était particulière inquiète à mon sujet car elle a vécu la perte d'une nièce en bas âge.
Je me suis séparée du père de ma fille il y a 7 ans. Ma fille a à présent 13 ans et moi 48 ans.
Pourriez-vous nous dire de quelle façon la maladie s’est-elle installée dans votre vie ? Quelles en ont été ses premières manifestations ?
Je me souviens de ressentir de la tristesse assez jeune, c’était surtout lié à l'impression de ne pas savoir m'amuser et à l'anxiété de performance.
J'ai eu une scolarité très bonne. Je brillais dans des matières spécifiques (math, français). Je pouvais sous-performer ponctuellement. Le déclenchement d'une vraie souffrance est survenu quand j'ai été acceptée dans une grande école en France (ENS Lyon), que mon compagnon d'alors est devenu handicapé suite à un grave accident de la route et qu'une de mes sœurs ait fait une tentative de suicide par médication. J'avais alors 20 ans.
Combien de médecins avez-vous rencontré ? Quels ont été les diagnostics reçus ?
J'ai vu de nombreux médecins et spécialistes car je somatisais beaucoup et j'ai essayé pas mal de pratiques parallèles. Je me suis procurée beaucoup de livres. On m'a mise, et je me suis mise, pas mal d'étiquettes : fibromyalgie, anxiété généralisée, spasmophilie, perfectionnisme, profil phobique, stress post-traumatique, candidose, somatisation psychique, névrose, puis, avec la mode : douance, haut potentiel, bipolarité et aussi autisme.
Je pensais que cette recherche allait m'apporter de l'aide et finalement c'est le contraire qui s'est passé. A chaque étiquette, je sentais l'espoir d'une aide et puis je voyais bien que cela n'aboutissait à rien.
Comme j'avais un bouquin sur la bipolarité (le miroir de Janus), j'ai consulté un psychiatre en lui disant que je pensais être bipolaire et il m'a dit : “oui, mais vous savez, maintenant, tout le monde est bipolaire”.
J'ai fait une grave décompensation en 2019 et la psychologue a parlé d'autisme Asperger. Je n'ai pas poursuivi pour des raisons financières et pratiques. Il y a ensuite eu la Covid-19. J'ai alors abandonné les étiquettes.
Pourriez-vous nous parler de l’impact de la maladie dans votre vie ? Pourriez-vous nous donner des exemples concrets ?
J'ai toujours eu peur que la douleur ait un impact sur ma vie professionnelle et donc sur mes ressources financières.
Finalement, j'ai fait un burn-out suite à du harcèlement professionnel, je me suis séparée de mon compagnon pour essayer de survivre et je suis depuis en précarité financière et sans emploi.
J'ai fait plusieurs formations pour essayer de me remettre dans le circuit mais, lors de l'une d'elle, j'ai fait une grave décompensation et j'ai dû l'arrêter avant terme.
J'ai terminé une formation en ligne en informatique durant la pandémie de Covid-19 et je suis à présent à la recherche d'un stage et d'une formation complémentaire.
Je me suis aperçue, à la fin, que mon installation informatique n'était pas assez performante (je travaillais sur des machines virtuelles durant la formation). Je ne suis pas en mesure de la changer actuellement.
Est-ce que la maladie a un impact sur vos relations avec vos proches ? Comprennent-ils la maladie ? Vous soutiennent-ils ?
A la maison, il fallait que cela roule et cela roulait. Ce n'était pas facile de parler de ses difficultés. Cela pouvait provoquer des inquiétudes, du rejet, des « moi aussi » et le déballage des difficultés parentales, des « et oui, c'est comme cela ».
Je me suis toujours débrouillée seule, en en disant le moins possible pour ne pas être découragée.
Quand j'ai vraiment été en difficulté suite à la séparation puis au licenciement, je me suis donc tournée vers des aides extérieures mais elles m'ont renvoyées à ma famille et c'est là que l'enfer a commencé : panique, jugement, rejet, déballage d'histoires glauques, valorisation de l'ancien compagnon, demande d'informations sur les soins pour eux-mêmes, contrôle, refus d'aide, insultes, mise au point de stratégies derrière mon dos, volonté d'emprise sur ma fille.
Par rapport à mon ex-compagnon, la violence a explosé lorsque j'ai eu mon CDI et la violence verbale, les moqueries, l'humiliation, le mépris, le refus de dialogue sont encore récurrents.
Je communique essentiellement par mail pour me protéger. Pourtant, j'avais vraiment pris le temps d'expliquer les douleurs chroniques et je me suis toujours prise en charge pour que cela impacte au minimum la vie de famille.
Il n'y a pas de soutien vis-à-vis de la maladie puisqu'il n'y a pas de maladie à leurs yeux. Il y a eu des soutiens pratiques :
- Retour chez mon ex-compagnon car logement insalubre, frais énergétiques explosés en partie dus à l'état du logement, propriétaire irresponsable, aide sociale inexistante, épuisement physique et psychique extrême, hospitalisation. Puis Covid-19.
- Prêt financier de ma famille pour la location d'un nouveau logement.
Suivez-vous un traitement ? En êtes-vous satisfaite ? Depuis combien de temps êtes-vous sous traitement ?
Je suis sous Escitalopram 15 mg depuis deux ans. J'ai pris un peu de tout avant et c'était très difficile. Je suis satisfaite du traitement mais je ressens encore beaucoup d'effets secondaires et j'espère pouvoir m'en passer progressivement. Pour les insomnies, j'ai été traitée par Attarax. Je n'en prends plus actuellement.
Quel professionnel de santé vous suit ? Que pensez-vous de ce suivi ?
J'ai été suivie par plusieurs médecins, aides et spécialistes, avec de belles avancées et des choses très dures à gérer.
Exemples d'avancées :
- Avoir pu parler au médecin de ma phobie de l'autoroute et d'avoir, de ce fait, gardé une mobilité partielle, même s'il y a encore des chemins que j'évite.
- Avoir pu demander au médecin de m'ausculter pour me confirmer qu'il n'y avait rien d'inquiétant (j'avais des douleurs digestives parfois extrêmes).
- Avoir été encouragée à trouver mes solutions et avoir été soutenue dans ces solutions mêmes si elles n'étaient pas évidentes ou classiques.
- Avoir pu reprendre contact avec mon corps pour à nouveau ressentir ce qui était juste pour moi.
- Avoir pu participer à des séances de thérapie de groupe (méthode de mise en scène – psychodrame) : beaucoup de prises de conscience et travail qui me convient bien car pas en face à face.
- Avoir pu reporter les dires de ma famille pour les mettre en perspective et reprendre confiance dans mon rôle de mère.
- Avoir pu m'exprimer sur les attitudes de personnes agressives pour prendre plus facilement mes distances et garder mon estime de moi.
- Avoir pu faire une mini thérapie écrite à distance pendant le confinement dû à la Covid-19 et garder le cap.
- Avoir pu rencontrer des soignants qui ont vu que la situation était critique sans paniquer.
- Profiter et célébrer chaque petit pas.
- Persévérer dans la reprise d'un travail intellectuel.
- Meilleure vision de qui et de ce qui peut m'aider ou pas.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
L'avenir passe indéniablement par la collaboration avec des soignants qui me correspondent davantage et un travail sur les traumas (que j'ai pu identifier de manière plus précise), ciblé, avec une discussion préalable sur les comportements favorisant une collaboration saine. Il passe également par le soin que je continue à apporter à la relation mère-fille, qui s'harmonise de plus en plus. Je travaille également sur les perspectives d'emploi, si possible à distance et dans le secteur informatique.
Que pensez-vous des plateformes d’échanges entre patients comme Carenity ? Y trouvez-vous les conseils et le soutien recherchés ?
Je ne suis pas très active sur Carenity mais je suis satisfaite de ce que j'y ai fait. Le fait de recevoir des messages, sentir que le dossier est un minimum suivi, avoir toujours des réponses, et des réponses claires, quand on contacte la plateforme, même si elles ne résolvent pas tout, m'a vraiment plu et c'est pour cela que je voulais apporter mon témoignage. Il y a de la structure et de l'indépendance par rapport aux informations fournies.
Enfin, quels conseils aimeriez-vous donner aux membres Carenity également atteints de troubles bipolaires ?
Voir la maladie comme une infection chronique qui se redéclenche à chaque fois que le trauma est effleuré. Travailler sur l'identification des traumas et leurs dépassements. Trouver des solutions pour respecter ses limites. Rester convaincu que c'est gérable, voire réversible.
Un dernier mot ?
Prudence vis-à-vis de ceux dont les failles font qu'ils vous privent de vos ressources. Gratitude envers ceux qui activent vos ressources tout en préservant les leurs.
Un grand merci à Zeph525 pour son témoignage !
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