Dépression : “J’ai tout perdu avec la maladie !”
Publié le 15 sept. 2021 • Par Candice Salomé
Soso93, membre de la communauté Carenity en France, est atteinte de dépression sévère. Après deux années de harcèlement et d’humiliations au travail, elle a été mise en arrêt maladie. Aujourd’hui, elle ne travaille plus et s’est complétement isolée. Elle se livre dans son témoignage pour Carenity.
Découvrez vite son histoire !
Bonjour Soso93, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je suis une maman solo de deux enfants (pré-ados). J’habite la région parisienne d’où je suis originaire depuis mon enfance. Je viens d’une fratrie de six enfants, mes parents sont originaires d’Afrique du Nord. Je suis l’avant-dernière de la famille.
J’ai, depuis toute jeune, travaillé en combinant études et boulot.
J’ai eu une éducation plutôt sévère. Etant une fille, je n’avais pas vraiment le droit de sortir comme bon me semblait, ma foi, c’était ainsi …
Je suis entrée dans la Police Nationale lorsque j’avais une vingtaine d’années. Une vocation et la fierté de porter les couleurs de ma patrie. J’ai travaillé dans des quartiers et départements plutôt rudes. J’ai vu la souffrance et la détresse de certaines personnes, cela m’a beaucoup affectée mais j’ai apporté mon aide comme j’ai pu. Ça a été très formateur.
Par la suite, lorsque j’ai eu mon premier enfant, j’ai demandé à intégrer un service d’enquêtes. J’ai pu bosser dans plusieurs domaines, de la simple infraction à la plus complexe…
J’ai eu mon deuxième enfant. J’ai alors demandé à passer l’examen d’OPJ (Officier de police judiciaire). J’ai dû attendre que tout le monde passe avant moi, et oui c’est comme ça dans la fonction publique, en tout cas dans l’institution policière.
J’ai dû taper du poing sur la table pour pouvoir y aller !
J’ai réussi mon examen d’officier de police judiciaire, une indépendance pour les procédures d’enquêtes. Personne n’avait cru en moi…
Vous êtes atteinte de dépression. Savez-vous comment la maladie s’est-elle manifestée dans votre vie ? A quel moment avez-vous pris conscience que vous n’alliez pas bien ?
C’est de là que tout a commencé, un nouveau chef de service, un nouveau gradé. Mon monde s’écroule petit à petit sans que je m’en aperçoive !
Ma hiérarchie (un homme) qui n’aimait pas les femmes dans la police et qui était très facho (il ne s’en cachait pas) a commencé par vérifier toutes mes procédures, à fouiller régulièrement dans mes affaires, à tenir des propos racistes en me regardant… Il me provoquait. Il me demandait de modifier des procès-verbaux, chose que j’ai toujours refusé de faire…
Comme je ne lui « obéissais pas », il s’est mis à s’acharner sur moi en me disant un jour : « Tu n’as pas ta place ici, tu devrais être de l’autre côté, je vais tout faire pour te faire virer ». Il cherchait la faute alors j’étais très vigilante dans mon boulot.
Puis a commencé le harcèlement, l’humiliation… Il me hurlait dessus devant tout le monde (collègues, victimes, avocats) mais je ne répondais pas… Il me refusait mes congés, me mettez sur des horaires en décalés… Bref, tout ça a duré pendant deux ans.
Je ne dormais plus, je ne mangeais plus et pleurais dans ma voiture dès que je quittais ou allais au boulot… J’allais au travail avec une boule dans le ventre.
Un jour, mon cerveau a vrillé, j’ai pris mon arme de service et j’ai voulu me rendre dans le bureau de cette enflure… mais un collègue m’en a empêchée. Et m’a désarmée.
C’était soit lui soit moi !!!
Mon collègue m’a dit de rentrer et d’aller chez mon médecin. C’est ce que j’ai fait et il m’a annoncé que j’étais en dépression… J’étais complètement perdue, je ne connaissais pas cette maladie. Il m’a envoyée voir un psychiatre qui m’a mise sous traitement.
J’étais en arrêt maladie… Je me suis retrouvé seule à la maison et ça été une descente aux enfers. Je n’arrivais plus à faire mon ménage, à manger, à m’habiller…
J’étais toute la journée enfermée dans le noir laissant les volets fermés. Je me levais uniquement lorsque je devais emmener les enfants à l’école et les récupérer.
C’est de là que j’ai commencé à mettre des lunettes de soleil dès que je quitté mon domicile…
Quel est l’impact de la dépression sur votre vie personnelle, sur votre vie professionnelle ? Parlez-vous de la maladie à votre entourage ? Qu’en disent-ils ? Vous soutiennent-ils ?
Ma famille ainsi que mon mari ne comprenaient pas et refusaient de croire en cette maladie… Ils me disaient, comme beaucoup d’autres : « Lève-toi, bouge-toi, sors, ce n’est rien ça va passer, il y a plus malheureux que toi ! ».
Avec mon mari, ça été très difficile, nous ne nous parlions plus, il faisait la tête de son côté, allant jusqu’à refuser de sortir avec moi lorsqu’il fallait faire des courses… Nous vivions comme des étrangers.
J’ai fait une tentative de suicide en absorbant des médicaments… Comble du sort, je suis tombée sur mon psychiatre aux urgences ! Il a rapproché les rendez-vous, je le voyais deux fois par semaine jusqu’à ce que j’aille mieux. J’ai été hospitalisée pendant trois ou quatre semaines dans une maison de repos.
Ça été très difficile pour mes enfants et moi. Mon mari refusé de me les amener pour me visiter. Et lorsque ma famille est venue, ils ont fait un scandale. Du coup, j’ai dû quitter les lieux…
Mon mari avait pris le rôle de mon supérieur hiérarchique. Il était devenu comme lui voir même un peu plus… Il me rabaissait tout le temps, m’insultait, me dénigrait… Il refusait que je sorte avec les enfants.
Je n’en pouvais plus de la situation alors j’ai fait une deuxième tentative de suicide. Ce qui m’a valu une deuxième hospitalisation mais qui a été très courte. Au bout de deux semaines, ma famille est venue me chercher et ils m’ont sortie contre avis médical.
J’ai été sous traitement, beaucoup de médicaments différents.
Avec mon mari on s’est séparé. Je suis retournée vivre chez mes parents avec mes enfants. Il ne voulait pas qu’ils restent avec moi mais les enfants ont refusé de rentrer chez lui.
J’ai eu beaucoup de mal à obtenir un appartement.
Quel est votre état d’esprit à ce jour ? Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Aujourd’hui, je ne travaille plus… Je suis encore perdue. Je n’arrive pas à aller vers les autres. Je ne m'habille que de noir, je porte mon deuil. Je mets toujours des lunettes de soleil même par temps de pluie.
Je n’ai pas réellement d’amis, juste quelques connaissances. Je n’arrive pas à rester plus de cinq minutes en présence de quelqu’un !
Je ne sors plus, j’aime la solitude et être toute seule.
Je n’ai confiance en personne même pas en moi-même.
J’ai perdue toute estime pour moi.
Je ne sais pas si un jour je redeviendrai celle que j’étais…
Diriez-vous que la dépression vous a changée ? De quelle façon ?
La dépression m’a métamorphosée. Elle m’a rendue beaucoup plus sensible qu’avant. Je suis devenue hypersensible et c’est très gênant voir dérangeant.
Je ne supporte pas que l’on me touche (serrer la main ou une main sur l’épaule ou un câlin…).
J’ai souvent peur de prendre des décisions, d’aller chez le médecin ou dans les centres commerciaux. Je ne supporte plus la foule mais je me force parfois et le retour est très difficile… Je n’arrive pas à regarder les personnes en face et encore moins sans mes lunettes de soleil.
Je ne me fais plus de plaisir comme aller au ciné ou au resto… J’ai perdu toute envie…
J’ai tout perdu avec la maladie : mon boulot, mon mari, ma famille… J’ai le sentiment de ne plus vivre, c’est comme si je survivais chaque jour.
Que pensez-vous des plateformes d’échanges entre patients comme Carenity ? Y trouvez-vous les conseils et le soutien recherchés ?
Les échanges ou articles de Carenity sont très bien faits et apportent des réponses à mes questions parfois.
Je ne suis pas très douée en échange avec les autres mais je lis et cela est intéressant.
Il n’y a qu’ici ou l’on voit que d’autres personnes traversent la même chose que nous !
On se sent moins seule face à la maladie…
Qu’aimeriez-vous conseiller aux membres Carenity également touchés par la dépression ?
Je n’ai malheureusement rien à apporter aux autres membres étant moi-même complètement paumée… J'espère juste qu’ils s’en sortiront.
Pour ma part, je pense, qu’une fois frappée par la dépression, elle ne nous quitte plus jamais…
Un dernier mot ?
Merci beaucoup d’avoir créé cette plateforme qui me permet de trouver beaucoup d’informations sur les maladies dont je souffre.
Merci à toute l’équipe d’être présente au quotidien et de me permettre d’obtenir des réponses à mes questions à travers les articles ou même les discussions.
Merci tout simplement d’être là…
Un grand merci à Soso93 pour son témoignage !
Ce témoignage vous a-t-il été utile ?
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Prenez soin de vous !
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