Témoignage photo : des années d'errance diagnostique face à Ehlers-Danlos
Publié le 6 févr. 2019 • Mis à jour le 12 juin 2019 • Par Louise Bollecker
Le témoignage de Delphine
Des années d’errance diagnostique face au syndrome d’Ehlers-Danlos de type hypermobile
Enfant, j’avais déjà mal. Mal au dos, au ventre. Tout en pensant que c’était la même chose pour tout le monde. Je dormais au minimum 12h par nuit. Mon cœur battait trop vite mais personne n’avait l’air de s’inquiéter. Un épisode très marquant s’est produit. Lors de jeux avec mon cousin, j’ai reçu un coup dans le ventre. Douleur horrible du côté gauche. Direction les urgences, ma rate saignait.
Une aggravation progressive des symptômes
L’école était très éprouvante pour moi. J’étais toujours très fatiguée, j’avais des problèmes de concentration et je subissais les remarques de mes professeurs. Lors des récréations, je pleurais à cause du bruit et du fait qu’il y avait trop d’enfants dans le même espace. Durant les visites médicales, les infirmières trouvaient toujours du sang dans mes urines mais n’ont jamais cherché pourquoi. J’ai cependant eu directement des semelles orthopédiques. Je suis un petit élastique niveau souplesse. J’ai beaucoup de bleus partout pour un rien mais aussi car je me cogne souvent contre les meubles, les portes, etc.
A l’adolescence, cela commence à se compliquer. Je me blesse systématiquement aux cours de sport. Tendinites, entorses. Mon médecin me dit que je suis « fragile » et « maladroite ». J’en parle à un kiné qui me dit que je suis hyperlaxe donc que mes ligaments sont plus longs que la normale. Je commence à faire régulièrement des séances de kiné pour les mêmes articulations. Je fais des crises d’asthme lorsque je cours, or je ne suis pas asthmatique. Mais on ne s’inquiète pas. Je commence à avoir des problèmes intestinaux. Mon médecin me dit que j’ai des intestins paresseux et inflammés.
A 19 ans, mon genou droit a « lâché » sans raison. J’ai enchainé des orthopédistes qui ne comprenaient pas et qui ne trouvaient rien. Mon super kiné m’a remis sur pieds avec un traitement de choc mais mon genou continue à se dérober et les chutes font désormais partie de mon quotidien. Plus tard, c’est mon épaule droite qui me « lâche » comme ça. Toujours une histoire d’hyperlaxité. J’ai demandé à mon médecin traitant de me faire une prise de sang mais il a refusé. Il me la fera quand je serai enceinte.
« Je comprends que tout ce que je vis n’est pas normal du tout »
J’ai pu travailler pendant 3 ans. J’étais totalement épuisée par rapport à mes collègues plus âgées. Dès que je m’asseyais chez moi, je m’endormais immédiatement. J’enchainais les blessures mais à force, je les soignais seule. Je pensais que c’était normal.
A Noël 2013, ma hanche gauche me « lâche » alors que je suis assise. Rien ne fait passer la douleur et il m’est impossible de marcher correctement. Je change de médecin traitant qui me fait faire une prise de sang et des ondes de choc pour une tochantérite. La prise de sang n’est pas bonne… Trop d’inflammation donc suspicion de polyarthrite rhumatoïde. La peur s’installe et je comprends que tout ce que je vis n’est pas normal du tout. Les examens, les visites s’enchainent. Tests négatifs, on me range dans la case fibromyalgie après m’avoir dit que tout était dans ma tête et que j’étais sûrement en dépression.
Après des années de souffrance, un diagnostic
Commence alors mon trajet au CME de Gosselies. Je découvre l’hydrothérapie et réapprends à marcher mais mes blessures continuent. Mon kiné me met en contact avec un autre patient qui est comme moi. Il me conseille d’aller à Bruxelles chez un professeur spécialisé en rhumatologie. Quand il me voit et après les examens, aucun doute, c’est le Syndrome d’Ehlers-Danlos type hypermobile. Cela explique tout ! Depuis, j’ai une prise en charge adaptée. Je fais de l’hydrothérapie 3 fois semaine, de l’aquagym, je marche un maximum, nombreuses orthèses, chaise roulante, rollator, vêtements compressifs. J’ai aussi découvert que je suis épileptique dû à une malformation veineuse. Pour mon cœur, j’ai un traitement adapté car il battait beaucoup trop vite. Tous mes organes sont atteints. Le quotidien est douloureux, je n’ai jamais de pause. Je dois tout adapter afin de pouvoir mener mes journées à bien. La vie sociale, affective et familiale est très impactée. Tout doit être calculé.
Ce témoignage s'inscrit dans le projet de fin d'études de Gaëlle Regnier, étudiante en photographie à l’école de photographie et de techniques visuelles Agnès Varda, à Bruxelles. Elle a choisi comme thème de ce reportage photo la douleur chronique afin de mettre en lumière les patients et leur combat.
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Carenity
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