Recherche volontaires pour un vaccin contre Ebola
Publié le 8 déc. 2015
L'Inserm recrute, à partir de mercredi, 300 volontaires sains pour tester une nouvelle stratégie vaccinale contre le virus Ebola.
«Pas besoin d'avoir fait médecine pour combattre Ebola », proclame la campagne de communication que va lancer l'Inserm mercredi. Objectif: recruter 300 volontaires sains pour l'essai clinique Ebovac2 *. Au programme, tester l'efficacité d'une stratégie vaccinale dite «prime-boost» dans la prévention d'Ebola. La même étude a démarré cet été en Angleterre avec un nombre équivalent de volontaires.
Dans une vaccination ordinaire, primo-injection et rappel sont faits avec le même vaccin. La stratégie «prime-boost » consiste, elle, à injecter à quelques semaines d'intervalles le même antigène (généralement une protéine de surface du virus que le système immunitaire doit apprendre à combattre), mais transportés par deux vecteurs différents. Le «prime » stimule la réponse immunitaire, le «boost » les renforce.
«Feinter l'organisme»
«Utiliser deux vecteurs différents doit permettre d'avoir une réponse immunitaire plus forte et plus durable», explique le Pr Rodolphe Thiébaut, épidémiologiste à l'Inserm et coordinateur de l'ensemble du projet Ebovac2. L'efficacité de cette stratégie vaccinale, encore jamais testée contre Ebola, a été découverte dans les années 2000 grâce en particulier à la recherche sur le vaccin contre le VIH. Le «prime-boost» permet notamment de contourner l'un des écueils auxquels se heurtent les vaccins: l'organisme peut développer des anticorps contre le premier vecteur utilisé, «il faut donc le feinter en changeant de vecteur», précise Rodolphe Thiébaut.
Le «prime», appelé Ad26.ZEBOV, a été développé par le laboratoire Janssen à partir d'un virus (relativement rare) du rhume humain, qui transporte une protéine d'Ebola Zaïre, en cause dans l'épidémie actuelle en Afrique de l'Ouest. Le second vaccin (le «boost») est le MVA-BN-Filo, développé par la société de biotechnologie danoise Bavarian Nordic. Son vecteur, un virus dérivé de la variole (MVA), véhicule des protéines de plusieurs filovirus responsables de fièvres hémorragiques (trois types de virus Ebola dont l'espèce Zaïre, et le virus de Marburg).
Un an de suivi
Les volontaires (qui, faut-il le préciser, ne courent aucun risque de développer la maladie) recevront les deux injections à 28, 56 ou 84 jours d'intervalle. «Il s'agit de voir ce que cela change en terme de protection. Un délai court permet de protéger rapidement la personne vaccinée, ce qui est intéressant en période d'épidémie, mais un délai plus long apporte potentiellement une meilleure immunité au long cours», détaille le Pr Jean-Daniel Lelièvre, immunologiste et responsable du centre vaccinal au CHU de Créteil. Question de cycle de vie des cellules: une part de celles qui ont été «activées» par la première vaccination peuvent être détruites si la seconde injection est trop précoce ; elles n'ont alors pas le temps d'aller au bout du processus leur permettant de garder la «mémoire» de l'immunité acquise grâce au vaccin.
Après avoir reçu les deux injections (ou un placebo), les volontaires seront suivis pendant un an, ponctué de six à douze visites médicales. Leur bonne tolérance aux vaccins sera surveillée, et des prises de sang permettront de doser la réponse immunitaire développée, pour tester l'efficacité de la stratégie. «Nous regarderons aussi si des marqueurs très précoces permettent, dans les heures suivant la vaccination, de prédire qui sera bien protégé par le vaccin. Une information utile si celui-ci s'avère n'être pas efficace à 100 %», précise le Pr Lelièvre.
Une indemnisation de 760 à 1 240 € est promise à tous les participants. «Les gens nous consacrent du temps, c'est normal de les dédommager, assume le Pr Lelièvre. Mais cette motivation reste somme toute assez marginale. Les volontaires sont surtout des gens qui ont envie de faire avancer la recherche.»
Le Figaro Santé
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