Qu’est-ce que l’hormonothérapie ?
Publié le 23 juil. 2020 • Par Alexandre Moreau
L’hormonothérapie est un traitement anti-cancéreux systémique, c’est-à-dire qu’elle agit sur l’ensemble du corps. Elle peut-être médicamenteuse (via les hormones stéroïdiennes) et non médicamenteuse (via une intervention chirurgicale). Contrairement aux autres traitements du cancer, l’hormonothérapie est une méthode indirecte qui ne détruit pas directement les cellules cancéreuses. En effet, elle va bloquer la production des hormones ou empêcher leur action et ainsi réduire la croissance des tissus cancéreux. Toutefois, l’hormonothérapie n’est pas efficace sur tous les types de cancer… Qu’est-ce que l’hormonothérapie ? Quels types de cancer sont concernés par ce traitement ? Comment est-ce que cela fonctionne ?
Qu’est-ce qu’une hormone ?
Pour bien comprendre l'hormonothérapie, il faut d’abord comprendre ce que sont les hormones et comment elles fonctionnent. Ces hormones sont des substances chimiques sécrétées par des cellules spécifiques de l’organisme appelées glandes endocrines.
Elles sont transportées par le sang et agissent sur des cellules-cibles, pourvues de récepteurs spécifiques. Elles participent ainsi au fonctionnement de certains organes (les ovaires et les testicules sécrètent les hormones sexuelles, la thyroïde sécrètent les hormones thyroïdiennes, le pancréas sécrète l’insuline etc…) et interviennent dans certains processus biologiques (croissance, régulation du taux de sucre dans le sang, régulation de la pression artérielle…).
Il s’agit des messagers du système endocrinien.
Qu’est-ce que l’hormonothérapie ?
A ne pas confondre avec les contraceptifs et les traitements hormonaux de substitution (de la ménopause), l’hormonothérapie est un traitement anti-hormonal qui vise à bloquer la production ou l’action d’hormones naturelles produites par l’organisme et connues pour favoriser la croissance de différents cancers
Contrairement, à la chimiothérapie ou la radiothérapie, elle ne détruit pas directement les cellules cancéreuses, mais elle inhibe les hormones qui favorisent leur croissance.
Elle est utilisée dans les cancers dits hormono-dépendants, c’est-à-dire ceux dont les cellules possèdent à leur surface des récepteurs hormonaux. Parmi eux, les plus courants sont le cancer du sein et le cancer de la prostate.
L’hormonothérapie: comment ça marche ?
L’hormonothérapie peut bloquer l’action stimulante des hormones de 3 façons différentes :
- Bloquer la production d’hormones au niveau central avec inhibition de la sécrétion de LH-RH (hormone qui stimule l’hypophyse) au niveau de l’hypothalamus et de LH/FSH (hormones gonadotrophines sécrétées par l’hypophyse en réponse à la stimulation de la LH-RH qui stimulent les testicules et les ovaires) et ACTH (hormone qui stimule la sécrétion de cortisol au niveau du cortex surrénalien) au niveau de l'hypophyse. L’hypothalamus et l’hypophyse sont 2 glandes situées à la base du cerveau;
- Bloquer la production d’hormones au niveau périphérique (inhibition de la sécrétion d’oestrogènes par les ovaires, de testostérone par les testicules et d’androgènes par les glandes surrénales);
- Bloquer les récepteurs hormonaux au niveau de la cellule tumorale.
A qui est destiné l’hormonothérapie et quand faut-il commencer ?
Le choix de la stratégie thérapeutique pour soigner le cancer s’appuie sur l’âge du patient et son espérance de vie, son état général, les résultats anatomo-pathologiques (score de Gleason pour la prostate par exemple), les données de la biologie (dosage des récepteurs des oestrogènes RE pour le cancer du sein et du PSA pour le cancer de la prostate) et de l’imagerie (échographie, mammographie, IRM...), les biopsies et enfin la classification TNM (respectivement pour la taille de la tumeur, la présence de ganglions ou nodes en anglais, la présence de métastases).
Dans le cancer du sein, l'hormonothérapie est indiquée lorsque le carcinome du sein est infiltrant (⅔ des cancers sont détectés à ce stade à la mammographie) ou localement avancé (c’est-à-dire que les ganglions sont atteints). Le cancer doit être hormono-dépendant (RH+) et l’hormonothérapie est indiquée après la chirurgie et la radiothérapie. Elle dure alors 5 ans.
Dans le cancer de la prostate, l'hormonothérapie est indiquée dans les formes localement avancées ou métastatiques. L’objectif est alors d’avoir une testostéronémie (taux de testostérone dans le sang) < 3 ng/mL. Elle est indiquée avant la chimiothérapie et lorsque l’espérance de vie estimée est supérieure à 10 ans.
L'hormonothérapie et le cancer du sein
Les cancers du sein sont pour la plupart hormono-dépendants (RH+), sous la dépendance des oestrogènes (ER+, dont l’oestradiol).
L'hormonothérapie a un double objectif : augmenter la survie sans récidive et augmenter la survie globale post-chirurgie et/ou radiothérapie.
Selon que la femme est ménopausée ou pas, la prise en charge médicamenteuse est différente.
Si la femme est pré-ménopausée, on utilise :
- des analogues ou agonistes (c’est-à-dire des substances qui se fixent sur les mêmes récepteurs qu’une substance de référence et produisent, au moins en partie, les mêmes effets) de la LH-RH (goséréline-Zoladex®, leuproréline-Enantone®) qui inhibent la production de LH et FSH et donc diminuent la sécrétion d’oestrogènes.
- ou des inhibiteurs de l’oestradiol (tamoxifène-Nolvadex®, fulvestrant-Faslodex®) qui se fixent et bloquent les récepteurs de l’oestradiol, avec une forte affinité pour ceux tumoraux.
Si la femme est post-ménopausée, on a recours à des inhibiteurs de l’aromatase (formestane-Lentaron®, exemestane-Aromasine® ou encore létrozole-Femara® et anastrozole-Arimidex®). L’aromatase est une enzyme qui permet à l'organisme de continuer à produire des œstrogènes, par transformation des androgènes, chez la femme ménopausée. Son inhibition diminue donc le taux d’oestrogènes circulants et des récepteurs oestrogéniques (RE).
L’hormonothérapie et le cancer de la prostate
Le cancer de la prostate est hormono-dépendant, sous la dépendance des androgènes testiculaires (90%) et surrénaliens (10%). Ces androgènes stimulent la croissance du tissu prostatique et des cellules tumorales. Ils sont de 2 types : la testostérone (dont la forme active est la dihydrotestostérone ou DHT) et la DHEA (déhydroépiandrostérone).
L’hormonothérapie peut se faire de 2 manières :
- castration chirurgicale (orchidectomie bilatérale, pulpectomie)
- castration “chimique” ou “médicale”, à l’aide de médicaments
Différents traitements médicamenteux peuvent être envisagés :
- les analogues de la LHRH (buséréline-Bigonist®, goséréline-Zoladex®, leuproréline-Enantone® et triptoréline-Décapeptyl®) provoquent une désensibilisation hypophysaire et ainsi une diminution de la sécrétion de testostérone et de DHEA. On peut cependant observer un épisode de “flare up” (pic de sécrétion de testostérone) au début du traitement, c’est pourquoi il y a co-prescription d'un inhibiteur des récepteurs des androgènes pendant 2 à 3 semaines.
- les anti-androgènes inhibent la liaison de la testostérone à ses récepteurs prostatiques (non stéroïdiens : nilutamide-Anandron®, bicalutamide-Casodex®) et à ses récepteurs hypothalamiques (stéroïdien : acétate de cyprotérone-Androcur®).
- les antagonistes de la LHRH (dégarélix-Firmagon®) se fixent sur les récepteurs hypophysaires et bloquent immédiatement la sécrétion de LH et de FSH et donc de testostérone.
- les anti-androgènes utilisés en deuxième intention en cas d’hormono-résistance (acétate d’abiratérone-Zytiga®), c’est-à-dire lorsque le cancer résiste à la castration, inhibent de façon sélective, irréversible et avec une haute affinité les CYP17 (enzymes nécessaires à la synthèse des androgènes). Il sont associés à des corticoïdes (prednisone-Cortancyl®).
- les oestrogènes utilisés en deuxième intention en cas d'hormono-résistance ont une action sur les récepteurs hypothalamiques et bloque la libération hypophysaire de LH-RH et il y a donc diminution de la sécrétion de testostérone (estramustine-Estracyt®)
Quels sont les effets secondaires de l’hormonothérapie ?
Les effets indésirables de l'hormonothérapie correspondent aux effets de la ménopause (diminution de la sécrétion d’oestrogènes et de progestérone) et de l’andropause (diminution de la sécrétion de testostérone).
Ainsi, les effets secondaires immédiats sont les bouffées de chaleur (il faut boire des boissons fraîches, éviter l’alcool et le café ou encore rafraîchir sa chambre), les douleurs musculaires et articulaires (faire de l’exercice physique et avoir recours à des antalgiques comme le paracétamol), une sécheresse muqueuse et cutanée (utiliser des savons au pH adapté), perte de cheveux, accidents thromboemboliques (porter des bas de contention, en particulier lors des vols longue distance), quelques troubles digestifs comme des nausées, prise de poids (améliorer son alimentation avec moins de sucre et moins de gras et plus de protéines), fatigue (faire du sport régulièrement, éviter la caféine après 16h…) et troubles de la libido ou impuissance (injections dans les corps caverneux à la base du pénis d'alprostadil-Edex® et si érections insuffisantes, utilisation de sildénafil-Viagra®).
Au long terme, l’hormonothérapie peut éventuellement augmenter le risque de cancer utérin selon la durée du traitement, l’âge et le statut ménopausique du patient, avec un risque absolu faible avant 55 ans, et une augmentation de l’incidence chez les femmes plus âgées. Mais ceci ne semble pas influer sur la survie, grâce à un diagnostic précoce et une biologie favorable (des contrôles gynécologiques réguliers sont donc nécessaires). Elle peut favoriser également l’ostéoporose ou le risque de fracture (il est important d’avoir recours à une supplémentation en calcium et en vitamine D).
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Sources :
https://www.roche.fr/fr/patients/info-patients-cancer/traitement-cancer/hormonotherapie-cancer.html#:~:text=C'est%20fr%C3%A9quemment%20le%20cas,hormones%20sur%20les%20cellules%20canc%C3%A9reuses.
https://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Les-cancers/Cancer-du-sein/Hormonotherapie
https://www.cancer.be/les-cancers/jeunes-et-cancer/les-traitements/lhormonoth-rapie
https://www.revmed.ch/RMS/2013/RMS-387/Hormonotherapie-dans-le-cancer-du-sein-efficacite-et-effets-adverses
https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2010-02/ald_30_gm_ksein_vd.pdf
https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2012-03/ald_30_guide__prostate_web.pdf
https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/cancer-sein/traitements
https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/cancer-prostate/traitement
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