À Marseille, un succès contre les bactéries résistantes
Publié le 8 oct. 2015
Grâce à l'usage d'anciens antibiotiques, la région Paca a réussi à contrôler l'antibiorésistance.
«Non, la résistance aux antibiotiques n'est pas une menace pour la population.» Le professeur Didier Raoult, spécialiste en maladies infectieuses, directeur de l'unité de recherche sur les maladies infectieuses et tropicales émergentes et de l'Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection à Marseille, entend jeter un pavé dans la mare et démentir les prévisions alarmistes.
Pourtant, Marisol Touraine, la ministre de la Santé, a fait de la lutte contre l'antibiorésistance la grande cause nationale de 2016. Le rapport du Dr Jean Carlet sur les antibiotiques, remis à la ministre le 23 septembre dernier, pointe en effet que près de 160. 000 patients développent chaque année en France des infections dues à des bactéries multirésistantes aux antibiotiques et 12.500 en meurent directement.
«S'il y a 12.500 morts en France à cause de bactéries multirésistantes comme l'indique le rapport Carlet, on devrait en avoir plusieurs centaines à Marseille. Or j'ai déclaré 33 morts en cinq ans pour cette cause», souligne le Pr Pierre-Édouard Fournier, président du Comité de lutte contre les infections nosocomiales.
«Ce sont des prédictions basées sur des modèles mathématiques auxquels on peut faire dire ce que l'on veut», estime le Pr Raoult qui, pour sa part, préfère se référer aux constatations de phénomènes existants. Depuis 2001, il bénéficie au sein de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (APHM) d'un outil unique en France, un observatoire de la résistance aux antibiotiques des principaux micro-organismes pathogènes appuyé depuis deux ans sur un système de surveillance qui regroupe les résultats de 80 % des laboratoires de microbiologie de la région Paca.
Or, selon ces données, entre 2001 et 2015, il n'a «pas été observé d'augmentation globale ou de phénomène de cumul de la résistance», souligne le Pr Raoult. «Sur les dix bactéries pathogènes les plus fréquemment isolées, les taux de résistance ont soit peu augmenté, soit diminué», précise-t-il en citant l'exemple du staphylocoque doré, dont la résistance à la méticilline a régressé de 33,4 % en 2001 à 12,8 % actuellement. Aucun cas de résistance à tous les antibiotiques disponibles n'a été observé dans une étude sur 51 cas de souches de bactéries pathogènes hautement résistantes.
«Il est urgent de changer de modèle»
La seule bactérie multirésistante qui ait réellement émergé récemment en Paca est Klebsiella pneumonia (angines, infections pulmonaires ou infections urinaires), responsable d'une épidémie dans plusieurs établissements de la région. «Nous avons montré qu'aucune de ces bactéries n'était panrésistante en utilisant des molécules antibiotiques anciennes, que les études et les analyses actuelles ont trop tendance à négliger alors qu'elles sont très efficaces», indique le Pr Raoult.
«Il est urgent de changer de modèle», s'alarme le professeur, selon lequel nous avons un patrimoine de 33 molécules anciennes efficaces dont certaines ne sont plus commercialisées parce qu'elles ne sont plus rentables. Il cite ainsi l'exemple d'une patiente atteinte d'une tuberculose multirésistante qui a été guérie grâce à une molécule contre la lèpre tombée en désuétude.
Le Figaro Santé
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